ReadMyBook joue la carte du papier

Temps de lecture : 5 min

 

PORTRAIT PASSION

par Nathalie Gendreau

 

La jeune maison d’édition numérique ReadMyBook n’a pas eu le temps de souffler sa première bougie d’existence qu’elle se lance dans un pari d’envergure : inclure dans son spectre éditorial la publication papier. Novembre 2016 restera dans les annales de ReadMyBook comme le mois d’une évolution majeure avec la parution de trois livres en version papier, à la plus grande satisfaction de sa présidente Audrey Cornu qui a commis l’audace de croire en un avenir radieux possible, à la fois pour le numérique et le papier. Deux vecteurs non antagonistes pouvant élargir le lectorat et améliorer la diffusion de la culture à un prix modique. Revenons sur l’histoire d’une maison d’édition qui, si elle entend être une chance de plus offerte aux écrivains orphelins d’éditeur, est aussi la concrétisation du projet de vie d’Audrey Cornu dont le leitmotiv est « d’être à sa place ».

 

logo_readmybookLe ReadMyBook nouveau est arrivé ! Et en force qui plus est ! Cette maison d’édition numérique, qui s’installe peu à peu dans le cyberespace des éditeurs numériques, publie en ce mois de novembre les trois titres dont elle dispose en format papier. En assemblant la légèreté du virtuel au charme sensuel du papier, cette jeune maison d’édition murit une nouvelle identité, plus forte, plus tangible, dans le paysage de l’édition traditionnelle. En effet, dans l’idée d’Audrey Cornu, présidente et cofondatrice avec Christophe Chapuis de leur société d’édition, le livre papier n’était pas relégué aux calendes grecques. Elle s’explique : « Nous avons commencé par une offre uniquement numérique parce que nous souhaitions prendre notre temps et tester le marché. Aujourd’hui, les ventes sont encourageantes. En proposant la version papier, nous espérons convaincre maintenant les lecteurs non adeptes des liseuses, mais qui aimeraient lire nos romans. » 

La cuvée du mois en version papier est aussi intéressante que diversifiée, propre à embrasser un large lectorat et de tous les âges.Surprise À son actif, trois romans dont un jeunesse. ReadMyBook ouvre ainsi les festivités en juin avec la publication numérique d’un roman d’anticipation « Match », de Suzanne Galéa, qui dresse un avenir inquiétant où le pouvoir d’unir les êtres est laissé entre les mains d’une machine. Elle enchaîne en septembre avec un roman de mœurs poétique, « Âmes égales », de Jérôme Fleury, qui invite à un voyage mobile et immobile, entre tradition et capitalisme. Le petit dernier, « Malone Bolle : à qui perd gagne », de Lauranne Cyonga, est paru ce 17 novembre. C’est le premier livre jeunesse de cette maison d’édition qui, si elle flirte avec l’éclectisme, symbolise surtout la fidélité à un postulat de base et invariant qui est celui de l’amour des livres, quels qu’ils soient, et de l’intérêt pour ceux qui les écrivent. Un amour du livre tel que la tâche de l’impression est confiée à un imprimeur historique du XIe arrondissement de Paris. Les ouvrages sont disponibles sur le site de l’éditeur et les plateformes de vente en ligne.

Le projet de maison d’édition numérique part de l’envie formidable d’Audrey Cornu de bousculer le monde de l’édition et de renverser les codes, dans un secteur où elle déplore la pléthore de livres ni aboutis ni corrigés qui inondent les plateformes de vente, mais aussi de rendre accessible ses livres à moins de 5 €. Elle souhaite surtout redonner toute sa place à l’auteur qui mérite d’être publié, et ce dans les meilleures conditions. « Il faut jouer franc-jeu avec l’auteur. Nous lui reversons l’essentiel des recettes (70 % sur le prix hors taxe du livre numérique et 15 % sur le livre papier) et lui proposons gratuitement tous les services d’une maison d’édition traditionnelle, du conseil éditorial à la promotion, en passant par la correction et la conception graphique de la couverture. De plus, nous ne lui faisons signer aucun droit d’exclusivité », énumère la présidente de ReadMyBook, consciente que ce parti pris n’aidera pas à se tailler rapidement une place dans le secteur de l’édition. Néanmoins, elle est convaincue que la qualité des textes publiés et l’honnêteté de la démarche finiront par payer.

capture-decran-2016-11-20-a-00-13-29ReadMyBook est une petite structure et tient à le rester pour garder sa rapidité de décision, sa liberté d’action et son agilité d’exécution que seule une équipe restreinte peut procurer. “Je ne veux pas devenir une machine à produire. Nous ne publierons que cinq ou six titres chaque année pour nous assurer d’offrir à nos lecteurs des livres de qualité », s’enflamme l’intrépide jeune femme qui n’envisage pas l’activité comme une manne financière à tout prix, mais comme un rêve fou auquel elle croit et a donné corps avec toute la fougue d’une idéaliste et la sagesse d’une pragmatique.

Il a fallu une bonne dose de courage et une obstination inébranlable à Audrey Cornu pour ne pas être détournée de ce projet ambitieux qui lui trotte dans la tête depuis fort longtemps. Bercée dès l’enfance par les livres et éduquée à l’exigence orthographique par un père sourcilleux, elle se rêve journaliste. Elle fait une Prépa HEC à Limoges, puis une école de commerce à Nantes. De filière en filière, sans trop savoir comment, elle se retrouve à travailler dans un cabinet d’audit pendant trois ans. À 26 ans, elle commence à s’interroger sur ce monde dans lequel elle ne se reconnaît plus, et qui ne lui offre pas de temps pour s’évader dans le monde de la culture qu’elle préfère. Elle postule alors à la direction financière du Louvre. Sa mission première est de mettre en place la comptabilité analytique. « J’avais également une mission transversale très intéressante, se souvient-elle. Je devais dresser une cartographie des activités du musée, travail qui n’avait jamais été fait auparavant. Pour ce faire, j’ai été amenée à rencontrer les départements scientifiques et culturels. »

L’emploi du temps plus souple au Musée du Louvre lui permet de s’inscrire à des cours de théâtre en amateur, art pour lequel elle se passionne très vite. « J’ai commencé par trois heures par semaine, indique la jeune femme, soudain animée par la ferveur. Au bout de deux ou trois ans, j’ai suivi une formation professionnelle de trois ans à l’Atelier international de théâtre Blanche Salant et Paul Weaver. Et j’ai fait une année supplémentaire avec Blanche Salant en personne, qui a travaillé avec Lee Strasberg à l’Actor’s Studio. » Ce fut la révélation. Si le Louvre a été une étape pour se rapprocher de la culture, il s’agissait bien pour elle de se trouver un ailleurs plus épanouissant, situé entre le théâtre et les livres. Un ailleurs qu’elle devait créer de toutes pièces grâce à ce projet commun de deux amoureux des livres, un projet d’une vie de couple, élaboré et réfléchi, enthousiasmant et périlleux financièrement, qui ferait même reculer les plus téméraires.

Ainsi, ce à quoi elle rêvait secrètement et qu’elle n’imaginait même pas mettre en œuvre un jour est devenu une évidence pour Audrey Cornu. Malgré l’absence d’une formation littéraire spécifique, elle se sent pleinement légitime dans son nouveau métier d’éditrice qu’elle prend à cœur. Elle est une lectrice insatiable et sait écouter ses intuitions qui guident ses « coups de cœur ». Après, tout se joue autour de la relation de confiance qui se noue entre l’éditrice et l’auteur. « Beaucoup d’auteurs échouent à se faire éditer dans des maisons traditionnelles à cause de facteurs autres que la qualité de leur texte », fait remarquer l’éditrice, qui se positionne comme une alternative de qualité pour les auteurs. Audrey Cornu dit avoir trouvé sa place en créant ReadMyBook, un rêve qu’elle poursuivait et qu’elle a atteint. Un rêve qui va être le relais de bien d’autres, à commencer par ceux de Suzanne Galéa, Jérôme Fleury et Lauranne Cyonga. Rien que pour ces magnifiques échos dans l’univers difficile d’accès de la littérature, on peut souhaiter longue vie à ReadMyBook !

 


Match, de Suzanne Galéa, 286 pages, 17,50 € version papier, 4,99 € version numérique.
Âmes égales, de Jérôme Fleury, 266 pages, 17,50 € version papier, 4,99 € version numérique.
Malone Bolle : à qui perd gagne, de Lauranne Cyonga, 256 pages, 13,50 € version papier, 4,99 € version numérique.

[wysija_form id=”2″]

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Pin It on Pinterest