“Locataire”, Tudual Akflor

Temps de lecture : 4 min

 

Résumé

Comme tous les étés, Jean-Luc Kazec loue à des vacanciers sa tranquille maisonnette, plantée au bout du jardin sur lequel lui-même possède sa demeure, dans le village reculé de Kermaro. Cette année, il accueille un certain John Canari. En dépit d’un premier contact fort peu chaleureux, l’homme semble néanmoins poli et flegmatique. Mais au fil du séjour, les relations entre le propriétaire et le locataire virent à la discorde, puis à la haine, puis à l’acharnement. Comment ce cauchemar se terminera-t-il, pour l’un comme pour l’autre ? Avec Locataire, Tudual Akflor nous livre un thriller décalé dans lequel il orchestre un jeu de massacre aux règles cruelles et drôles, à la logique absurde et implacable, aux conséquences terribles et ironiques.

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Il s’en passe de belles à Kermaro ! Dans ce petit village du Finistère vivote un couple de retraités, les Kazec. Ils ont une retraite maigrelette, de bons légumes du jardin et du tord-boyaux à volonté. Enfin, ça, c’était la belle vie d’avant… avant l’arrivée d’un olibrius de Paris qui a loué pour une semaine de vacances leur “pennty”, une maisonnette au charme limité au fond du jardin. Dès la prise de possession des clés jusqu’à leur remise explosive, la relation entre Jean-Luc Kazec et John Canari est étrange, insaisissable, dérangeante. Au fil des jours, elle prend des allures de guérillas disproportionnées, où tous les coups sont permis, surtout ceux qui viennent l’air de rien, coiffés d’amabilités vengeresses. 

Jean-Luc Kazec est marié à Hubertoule qu’il appelle “maman”. Il a l’habitude d’être servi à heures fixes, l’amour tenant dans ses plats qu’elle lui mitonne. Ses élans de tendresse sont bourrus, abrupts. Un rien l’enflamme et se répand dans des diatribes injurieuses. Alors, quand c’est son jardin qui est saccagé par les neveux de M. Canari… ! Hubertoule est une femme de bon sens. Depuis le temps, elle s’est faite aux abus d’alcool de son mari et à ses brusques emportements. Si elle est soumise à ses habitudes, elle ne s’en laisse pas conter pour autant ! Quand ses menaces pleuvent, il abdique piteusement. On l’aura compris, un fort en gueule prêt à tout péter… Seulement le Canari vient de Paris ! Et il lui en impose avec ses grands airs, sa voiture rutilante, ses douze valises, et surtout ses phrases à la serpe qui le découpe en chiffes molles.

Bienvenue dans le monde de l’absurde, où la caricature savoureuse du terroir forcit les traits des personnages, où la crudité des mots et des réactions s’accommode à la sauce urticante. Découverte de Tudual Akflor, un auteur qui fait fleurir les mots à l’engrais naturel, qui manie l’humour noir avec libéralité et invente des situations à disséquer au scalpel. Une écriture sur-mesure d’un récit dans lequel on étouffe, on est saisi d’incompréhension et on se tourmente de savoir comment les personnages peuvent se tirer de là avec panache !

Un roman déjanté qui provoque des images façon bande dessinée : la maison des Kazec qui aurait emprunté au village gaulois son opiniâtreté à rester libre contre l’envahisseur et le brave Kazec au capitaine Haddock son inextinguible soif et son penchant pour les mots colorés. Mais qui serait John Canari ? Un descendant chic du machiavélique Grand Vizir Iznogoud qui rêverait d’être Kazec à la place de Kazec ! Mais pourquoi diable ?


Encadré_Tudual Akflor


Interview de Tudual Akflor sur l’acte de naissance de son roman

Nathalie Gendreau. Racontez-nous la rencontre avec votre éditeur, le label les indés ?

Tudual Akflor. J’ai connu Laurent Bettoni, le créateur des indés, via un blog audio qui avait invité plusieurs indépendants à s’exprimer sur leurs activités. Il a été interviewé sur ses différentes casquettes d’auteur, d’éditeur et d’accompagnateur d’auteurs. Je souhaitais à ce moment-là réaliser un bilan sur mon écriture. Je venais d’écrire une trilogie de trois fois cinq cent pages, inspirée de la mythologie gauloise. Après des refus de maisons d’édition, je me suis persuadé que je devais commencer par un texte beaucoup moins ambitieux. S’il devait y avoir des erreurs structurelles, elles apparaîtraient forcément sur un texte plus court. Comme je venais d’achever le manuscrit du futur Locataire, c’est celui-là que j’ai soumis à l’expertise de Laurent Bettoni. J’avais vraiment besoin d’un retour professionnel. En fait d’analyse, c’est une proposition d’édition que j’ai reçue trois semaines plus tard. Il était très intéressé, alors qu’il était en cours de création des indés.

N. G. Quel a été l’apport de l’éditeur sur votre texte ?

T. A. Laurent Bettoni a porté sur mon texte un regard honnête. C’est une personne fiable et sans concession. Si la structure n’était pas à reprendre, il y avait un travail d’élagage à opérer. Le rythme de la narration était ralenti, selon lui, par une sous-intrigue. J’avais imaginé que Jean-Luc Kazek, chaque soir, ouvrait et classait ses mails en s’autorisant des réflexions décalées. L’éditeur a jugé qu’il y avait suffisamment d’humour, sans en ajouter. Ce dégraissage d’une quinzaine de pages a donné du tonus à l’ensemble. C’est dans ces moments-là qu’interviennent des discussions enrichissantes avec l’éditeur, et que l’on peut défendre ses choix personnels. Bien entendu, il ne faut pas être aux antipodes l’un de l’autre. Cette relation avec l’éditeur est une négociation, elle se construit par la volonté de travailler ensemble, de reconnaître ce que dit l’autre. Comme l’éditeur est aussi un auteur, il connaît les problématiques des auteurs, ce qui facilite cette discussion. Les indés ont donc apporté une valeur ajoutée à l’histoire, sans compter la maquette, la diffusion, tout l’aspect commercial, chose qu’un illustre inconnu a du mal à faire !

N. G. Vous avez eu des retours encourageants sur votre premier roman. On vous réclame le prochain. Vos lecteurs seront-ils bientôt satisfaits ?

T. A.  Il est vrai que j’ai eu de bons retours sur Locataire. Le volume des ventes progresse lentement, ce qui est logique. Nouvel auteur, nouvelle maison d’édition. Des auteurs disent que les premiers romans restent souvent dans les tiroirs. Pour ma part, je souhaite retravailler ma trilogie. En attendant, je viens d’achever mon cinquième roman, et je compte le proposer aux indés. Une relation de confiance s’est instaurée entre nous, cela a un sens de continuer. À partir du moment où Laurent Bettoni est un bon éditeur, je n’ai pas de raison de changer. Je ne peux encore en dire davantage sur ce roman… Cependant, je reste dans la même lignée de Locataire, c’est-à-dire que je mets en scène des personnages qui ne veulent pas reconnaître leur part de responsabilité, qui n’ont pas de limite. Le sujet de ce roman traite de l’être humain qui va jusqu’au bout de ses contradictions.


Pour en savoir plus sur Tudual Akflor.
Retrouvez l’article Portrait Passion de l’éditeur Laurent Bettoni, le label les indés pour les auteurs d’abord.


Éditions les indés, mars 2016, 228  pages, 17 € (papier) et 6,99 € (ebook).

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1 réflexion au sujet de « “Locataire”, Tudual Akflor »

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