“La vie à l’envers”, pour redresser les torts

Temps de lecture : 3 min


 

THÉÂTRE & CO 

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Casino Théâtre Genève – 28 avril 2017

Au théâtre de Dix-heures, Jo Brami propose un one-man-show ambitieux : revenir de l’au-delà pour rebrousser le chemin de sa vie, en toute connaissance de cause. Ainsi pourrait-on éviter les erreurs, les blessures, les facilités et jouir du temps présent avec ceux que l’on aime. Idée tentante, n’est-il pas ? L’humoriste Jo Brami relève le défi et rejoue à l’envers cette vie qui passe trop vite dans l’ignorance du lendemain certes, mais aussi du présent. L’esprit vagabondant souvent à son aise, sans retenue ni laisse. Ce soir-là, à la faveur d’un début entrecoupé d’interpellations d’un spectateur excité du bocal, Jo Brami donne sa pleine mesure d’improvisateur, gérant par l’humour et la fermeté une situation risquant de dégénérer. Une fois l’exclusion de l’élément perturbateur, le show a pu se poursuivre sans heurts ni arrêts intempestifs. Cette mésaventure – qui prête à rire après coup – aura eu l’avantage de déclencher un vent d’empathie pour cet humoriste qui n’en finissait pas de mourir pour rejoindre le Paradis, ce même Paradis où il proposera à Dieu de refaire le chemin à l’envers.

Imaginant un Dieu Corporate, vêtu de blanc et d’insolence, qui pressure son personnel pour un café bien tassé, Jo Brami est volubile. Le sourire diablotin au coin des yeux, se délectant sans doute du malaise qu’il va créer, il interpelle certaines personnes du public, qui est censé attendre le Jugement dernier, pour leur faire décliner leur âge, leur profession de leur « vivant » et la raison de leur mort. Les « malchanceux » choisis au hasard (ou pas ?) se sont prêtés avec complaisance et même inventivité à répondre aux questions d’un Dieu bien curieux, ma foi. Gare aux retardataires, car la foudre de sa curiosité risque de se focaliser sur votre cas. Cette première partie distillée d’improvisations heureuses a l’avantage d’instaurer une proximité avec l’humoriste, créant une bulle d’intimité, de sécurité. Peste, n’est-on pas au Paradis ?

Casino Théâtre Genève – 28 avril 2017

Ainsi donc, c’est à notre mort que l’on est le mieux armé pour la vie ! Et Jo Brami va nous le prouver. Dieu ayant accepté le « pacte », contre la promesse d’un compte rendu suivi et fidèle, le personnage revient à la maison de retraite, bloblotant sans gêne mais en ne perdant rien de sa superbe rabougrie ni de son œil sauteur dans les décolletés. Chemin faisant, il se retrouve fêtant son divorce, puis faisant connaissance avec sa femme Léa en boîte de nuit. Après un rappel de Dieu qui s’impatientait d’avoir des nouvelles, le personnage redescend sur terre et fait des rencontres, se mélangeant dans les prénoms de ses dulcinées d’un soir. Heureusement, il a un bon tour dans son sac : il a désormais la faculté de revenir quelques secondes en arrière. Ainsi, tout faux pas, toute langue un peu trop pendue, tout geste équivoque peut être redressé pour être conforme à la bienséance, ou du moins à l’idée qu’il s’en fait ! Ce qui n’est pas sans créer des situations et des jeux de mots assez drôles. De fil en aiguille, le voilà adolescent, puis enfant de huit ans, désespéré de savoir et de ne pas être pris au sérieux. À chaque âge, ses avantages et ses inconvénients, même quand on sait !

Centurion majestueux dans la fabuleuse parodie « Ben Hur », Jo Brami est très à l’aise dans ce rôle cousu main par les auteurs Patrick Chanfray, Matthieu Penchinat et lui-même. Étoffé de jeux de mots décomplexés et de situations inattendues, le spectacle se joue du temps, avec des accélérations hallucinantes et des ralentis attendrissants. La mise en scène d’Eric Delcourt permet d’occuper toute la place, alternant le Paradis et la Terre. La lumière a un rôle prépondérant, elle rythme les torts redressés et les changements de point de vue. Et l’énergie du jeu va croissant au fur et à mesure que le personnage rajeunit, et l’impertinence du monologue se fait plus joyeuse et libérée. Et si le fait de vivre à l’envers sa vie permettait de s’affranchir de ses peurs et appréhensions qui serrent la gorge et freinent l’audace ? Une belle réflexion sur la magie du temps présent qui doit se vivre jusqu’à la lie pour avoir la mémoire du bonheur !

Nathalie Gendreau

©Sébastien Monachon

 

Distribution

Avec : Jo Brami.

Créateurs

Auteurs : Jo Brami, Patrick Chanfray, Matthieu Penchinat
Mise en scène : Éric Delcourt

Tous les mercredis à 20 heures, jusqu’en février 2019.

Au Théâtre de Dix heures, 36 Boulevard de Clichy, Paris 75018.

Durée : 1h10.

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