« La Malédiction de Rocalbes », Philippe Grandcoing (éd. De Borée)

Temps de lecture : 3 min

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Un château surplombant la vallée de la Vézère

Dans ce cinquième tome de la série consacrée aux enquêtes d’Hippolyte Salvignac, Philippe Grandcoing nous entraîne dans une région qui fait pétiller les yeux et les papilles  : le Périgord. Dans « La Malédiction de Rocalbes » (éd. De Borée), Rocalbes est un château surplombant la vallée de la Vézère, proche des Eyzies, capitale mondiale de la préhistoire. Le père de notre antiquaire enquêteur, notaire à la retraite, s’est mis en tête d’acheter pour son fils ce château et les fermes attenantes. Lors d’un voyage de reconnaissance sur les lieux, le père, le fils et sa compagne, l’impulsive et l’affriolante Léopoldine, accompagnés du cousin du père, vont être confrontés à des tentatives d’intimidation pour abandonner l’idée de l’achat. Réputé hanté et recelant un trésor, le château intéresserait-il au point de tuer ? À moins qu’une autre raison explique les multiples assassinats dans les chantiers de fouille. En ce printemps 1910, à l’époque où les trouvailles archéologiques foisonnent, la région est un carrefour obligé pour les chercheurs de fortune ou de renommée. L’on vient des quatre coins du monde pour se tailler la part du lion. À l’image de la ruée vers l’or en Amérique, c’est la loi du plus belliqueux, du plus fourbe, du plus vaniteux, qui prédomine. De là à imaginer un remake d’Ok Corral, il n’y a qu’un pas que franchit allégrement l’auteur… qui vient abreuver notre soif d’aventures.

L’effervescence intellectuelle et affairiste suscitée par les découvertes archéologiques

Lire Philippe Grandcoing est un plaisir renouvelé. Ce plaisir est grand par les thèmes choisis qui valorisent si bien l’histoire de France, grand aussi par la manière de l’écrire. L’auteur s’intéresse ici à l’effervescence intellectuelle et affairiste suscitée par les découvertes archéologiques. Il nous donne à voir et à comprendre la compétition que se livraient les gens du cru pour trouver l’os ou le silex qui les rendraient riches, ainsi que la guerre implacable que se menaient certains pour le contrôle des sites. Ceux-ci n’étant pas encore protégés par l’État risquaient de faire l’objet d’un trafic âpre et illégal. Nombreux voyaient d’un très mauvais œil, comme l’instituteur et préhistorien Denis Peyrony (premier conservateur du musée national de Préhistoire des Eyzies, qu’il a fondé en 1918) que ces trésors archéologiques soient pillés par des étrangers, au premier rang duquel Otto Hauser (1874-1932). Ce préhistorien suisse allemand, à la fois hôtelier et marchand d’art, était le suspect idéal, le bouc émissaire rêvé. Mais, pour le clan Salvignac et l’inspecteur Lerouet des brigades du Tigre, ami d’Hippolyte appelé à la rescousse, l’affaire est bien plus complexe. Dans cette histoire, personne n’était vraiment innocent, chacun des suspects détenant une partie de la vérité.

Un début de siècle précis et coloré, qui fourmille de détails

Avec ce polar historique bien mené, nous (re)découvrons les richesses du Périgord avec ses grottes, ses châteaux médiévaux, sa culture, sa gastronomie. Les descriptions minutieuses viennent rythmer l’action, comme des plages de repos, le plus souvent dédiées à l’art de la table. Nos héros aiment faire bonne chère, ils nous le font partager avec l’enthousiasme des premières fois. À mon goût, un peu trop car elles résonnent tel un refrain qu’on aimerait bien sauter pour en venir à l’essentiel. Comme dans tous ces romans, Philippe Grandcoing nous dépeint un début de siècle précis et coloré, qui fourmille de détails. L’évocation est réaliste, prend des atours d’authenticité. La documentation sur laquelle s’adosse le roman est vaste et riche, un socle stable qui fait adhérer d’emblée à l’histoire qui fait se cotoyer personnages historiques et fictionnels. D’un tome à l’autre, les personnages récurrents évoluent, l’intimité ou la complicité s’affinent, notamment les relations d’Hippolyte avec Léopoldine. Cette jeune femme artiste peintre a du caractère et le fait savoir. Apparue dans le précédent tome, celle qui ne manque pas d’être sexy et intelligente, militant pour l’émancipation des femmes, incarne avec conviction et virulence ce mouvement balbutiant qui prendra de l’ampleur face au départ des hommes à la guerre 14-18. À travers cette enquête passionnante, c’est un tableau complet et contrasté, que l’auteur nous dresse, d’une époque où la marche des évolutions sur tous les plans est inéluctable.

Nathalie Gendreau

Éditions de Borée, Collection Vents d’histoire, 10 mars 2022, 304 pages, à 19,90 euros.


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