Giorgio, le mentalisme comme mode de vie

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PORTRAIT PASSION 

Pour cette rentrée 2017, Giorgio le mentaliste revient sur scène avec son dernier spectacle, Adopte un mentaliste, au Théâtre de Dix Heures jusqu’au 1er octobre, voire plus s’il rencontre son public. L’artiste a fait de ses qualités d’empathie et d’observation un atout au service d’un métier aux accents magiques. Enfant déjà, il devinait, anticipait, observait… et tombait souvent juste. Avec des années de travail, l’artiste s’est montré très doué pour faire croire au merveilleux. Pour lui, le mentalisme est tout un art, mais aussi et surtout un mode de vie.

©Laure Lunau

Après la trêve estivale, Giorgio le mentaliste fait son retour sur scène avec Adopte un mentaliste* au Théâtre de Dix Heures jusqu’au moins le 1er octobre. Surfant sur la vague du succès non démenti depuis sept ans de Mental expert, il entame la deuxième saison d’Adopte un mentaliste… et toujours sur le ton de l’humour. Ce grand gaillard au sourire enjôleur s’est donné comme mission de réunir des cœurs parmi le public. Comment ? En trouvant les affinités communes de chacun grâce au mentalisme. Et, si la magie lui est favorable, il n’est pas contre de rencontrer l’âme sensible qui ferait vibrer la sienne. L’amour est un thème universel, qui transforme l’illusion en certitude. Une magie naturelle qui, entre les mains expertes de Giorgio et ses capacités de haute voltige de devination, se réalise en surnaturel, sous le regard subjugué d’un public incrédule. « Je crée une parenthèse d’oubli dans laquelle on a l’impression que tout est possible, déclare l’artiste, avec l’assurance de celui qui vit ce qu’il dit. Grâce à moi, vous oubliez que vous allez mourir, comme le disait Descartes. Le but du divertissement n’est-ce pas justement cela ? »

©Nathalie Gendreau

Si le besoin de se divertir est inhérent à l’homme moderne, celui de comprendre les mystères de l’univers s’est enraciné dans les profondeurs du temps. Pour échapper à sa nature mortelle, l’homme est prêt à se nourrir de croyances et de rêves. Tout, pourvu qu’il parvienne à faire dérayer cette roue d’infortune l’espace d’un tour pour toucher au sacré, même éphémère. Voilà pourquoi les sorciers, marabouts, spirites, voyants et autres médiums ont proliféré au cours des siècles et ne connaîtront jamais la disette. Pour l’artiste, le mentalisme se distingue de ces marchands de bonne aventure. Pour le comprendre, il faut remonter le fil de l’Histoire, jusqu’à la fin de la Guerre de Sécession. Des escrocs, doués pour l’illusion, s’inventaient des dons médiumniques pour faire croire à des familles en souffrance que le fantôme de leur disparu était avec eux. Pour le leur prouver, ils les prenaient en photo. À cette époque, le temps d’exposition était si long qu’une personne sous un drap blanc qui passait à ce moment-là s’imprimait sur le cliché sous la forme d’une ombre… fantomatique. Ces abus de confiance étaient tels que le gouvernement américain a appelé à la rescousse des magiciens pour les démasquer. C’est ainsi que la société secrète des mentalistes est née. « Ces mentalistes ont ensuite poussé les investigations plus loin, précise Giorgio, intarissable sur le sujet. Ils se sont aperçus que beaucoup de médiums utilisaient des techniques de magie pour manipuler et escroquer, comme la “parenthèse de l’oubli”, c’est-à-dire inciter la personne à donner l’information sans qu’elle s’en aperçoive. »

Le mentaliste moderne s’inspire de trois courants : le cognitif avec l’hypnose, l’intuitif avec le ressenti et l’hypra-sensorialité avec la télépathie. « Les mentalistes sont obligés d’œuvrer dans les trois catégories, signalent Giorgio. Nous avons ainsi tous appris les bases de la magie afin de connaître les pratiques de détournement de l’attention. Mais ce n’est pas suffisant, il faut développer son hypra-sensorialité pour décoder le code Wifi de la personne, parce que l’être humain est parcouru d’ondes. En fait, nous représentons aujourd’hui ce qu’on appelle le mentalisme à la “X-Men”, c’est-à-dire que nous tentons de devenir des mutants. » Manifestement, de gentils mutants puisque, contrairement aux autres pratiques comme la magie, il n’y a pas de manipulation. Par exemple, si Giorgio a décidé dans son spectacle de faire croire qu’il a trouvé l’animal favori d’une personne, il ne la poussera pas à choisir cet animal si ce n’est pas le cas, il trouvera la bonne personne susceptible de donner le résultat escompté. C’est ce qu’il appelle « le miracle arrangé ». Pour y parvenir, le nerf de la guerre est l’observation.

©Nathalie Gendreau

Mais ne devient pas mentaliste qui veut, car c’est une démarche personnelle qui ne peut être soutenue par une école. « Il faut être autodidacte, insiste avec force Giorgio. Ceux qui ouvrent des écoles de mentalisme sont des escrocs. C’est à chacun de ressentir comment sont les gens, ça ne peut pas s’apprendre. L’apprentissage ne peut se nourrir que de sa propre expérience avec la relation à l’autre. » L’artiste qui se dit ultra timide depuis toujours ne mâche pas ses mots vis-à-vis de ceux, sans personnalité, qui se bornent à copier/coller le métier. C’est que ce grand timide au regard franc n’est pas mentaliste parce que c’est fun de surfer sur la vague de la série policière américaine ni parce que c’est un moyen très pratique pour débusquer les fourbes à la première poignée de main. Non. Pour Giorgio, le mentalisme est une philosophie, un mode de vie au-delà d’un métier, qui a nécessité des années de travail… sur soi.

Toute personne qui aspire à devenir mentaliste doit donc développer son empathie, aimer son prochain et s’aimer soi-même. Il aura fait une bonne introspection et se connaître parfaitement, par différents moyens comme des bilans de compétences, du développement personnel, du coaching, de la méditation. Parallèlement, il doit avoir une grande sensibilité. « Il faut essayer d’interpréter le moindre fait et geste d’une personne, souligne Giorgio. Par la gestuelle et la façon de se tenir de la personne en face de lui, le mentaliste sait si la réponse sera positive, négative, embarrassée, etc. » Après avoir fait ce cheminement personnel, Giorgio a répertorié quinze personnalités quand Platon en a déterminé 12 et la PNL (programmation neuro-linguistique) 25. Il a établi le principe de la compréhension de la personne. Dès qu’il aura cerné une personne et réussi à la mettre dans une catégorie, il sait à peu près comment celle-ci va se comporter. « Le plus difficile, renchérit-il, n’est pas de s’accorder la confiance d’une personne, mais de ne pas la braquer. Dans le public latin, il y a beaucoup de sceptiques et de cartésiens, à l’inverse du public anglo-saxon. En France, je tombe sans arrêt sur des gens qui cherchent à percer les techniques, les secrets, au lieu de chercher à comprendre comment je travaille. »

Giorgio est ultra sensible à son environnement depuis toujours. Enfant, il était à l’affût d’un message véhiculé par un geste signifiant de l’autre, comme un frissonnement de l’œil, un rictus inconscient, un grattage de cuir chevelu ou du bras. Il devinait la préparation d’une “interro” à la façon dont le professeur avait de se comporter. Il savait avant tout le monde quand une idylle allait se nouer entre deux camarades de classe. Grâce à cette timidité, qu’il décrit comme gigantesque, il apprend à observer. En grandissant, il investigue les cercles ésotériques, puis magiques. Les techniques étaient confiées de bouche à oreille. À cette époque, c’était une passion, pas encore un métier. Alors, il a bien fallu se diriger vers une filière. Après un DEUG de Droit, il entre en Prépa HEC, puis abandonne. Il veut faire de la radio. « J’ai essayé de vaincre ma timidité en essayant de comprendre pourquoi je l’étais, explique l’artiste. Et pour le vaincre, il faut tout faire pour le surmonter. Quand j’ai été plus à l’aise à la radio, je suis intervenu à la télévision dans une émission animée par Brigitte Lahaie. Ensuite, je me suis lancé dans le mentalisme. En 2004, j’étais coach dans le développement personnel en utilisant les techniques de mentalisme, puis j’ai commencé les spectacles en 2010.

©Nathalie Gendreau

Giorgio croit aux signes. Il ne peut concevoir d’être sur terre pour gagner de l’argent, banqueter ou s’amuser. Il est convaincu qu’il revient à l’homme de récupérer ces signes sur sa route pour orienter sa vie. Cette conviction s’est forgée peu à peu, et elle est d’autant plus forte qu’on ne lui a pas enseigné. Il a déduit de ses réflexions que l’homme est sur terre pour accomplir une mission. De se diriger vers le mentalisme lui a permis de s’affranchir de cette timidité handicapante, de dépasser les limitations qu’il s’était lui-même imposées, pour donner du bonheur aux gens, et notamment les enfants. “Je suis touché par la souffrance infantile, dit-il avec gravité, j’ai travaillé quelque temps dans les hôpitaux pour les divertir, mais c’était très éprouvant pour moi. Je mettais une semaine pour me remettre d’une heure de divertissement, j’ai dû arrêter, avec regret”.

C’est peut-être pour pallier cette impossibilité de se confronter à la souffrance des enfants qu’il envisage de travailler à un projet de spectacle sur le thème de la guérison. L’idée est en gestation. Il serait également très intéressé de “chatouiller les thèmes qui fâchent, comme la manipulation politique et celle qu’on exerce tous les jours autour de nous.” Il donnera encore des conférences, mais pas sur la meilleure manière de séduire grâce au mentalisme. “C’est malhonnête, désuet et contraire à mes principes, déclare-t-il sans filtre. Le mentalisme est avant tout un accomplissement de soi, un comportement de vie. Je ne cesserai jamais d’être mentaliste, ni de travailler. J’ai tellement de projets, je suis tellement impatient, et la vie passe tellement vite !”

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