“Une sombre histoire de girafe”, ça grimpe dans les tours !

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥♥

Prenez deux couples d’amis en vacances d’été et une maison isolée dans les Cévennes. Le Paradis, ce me semble. Oui, mais non ! Une sombre histoire de girafe de Magali Miniac, au Théâtre des Béliers parisiens, y plante un huis clos étouffant, balançant entre confessionnal et bagne en plein air, où l’amitié de ces deux couples va méchamment se craqueler sous le soleil implacable du Sud. S’il y avait une piscine encore, pour se rafraîchir les névroses ou se délasser de son passé trop bien accroché aux basques des aigreurs ! Mais non, pas d’eau, pas d’ombre, juste des discussions qui tournent au vinaigre et des vacances au fiasco. Et deux couples qui implosent en plein vol de girafe, sous le regard abasourdi et ravi des spectateurs, devenus en l’espace d’une heure vingt, les plus attentifs et reconnaissants des confidents !

Quand on pense que l’argument déclencheur est un petit bout de chou de deux ans ! À quoi tient l’amitié, parfois ? Il ne faut jamais partir en vacances avec un couple avec un enfant quand on est soi-même un jeune couple de six mois qui n’aspire qu’à se connaître mieux et profiter pleinement de la plage et des coquillages. Forcément, la journée est suspendue aux horaires d’un bébé qui a besoin de couches et de siestes, et qui est le centre de toutes les attentions et des inquiétudes. Il a une mère omniprésente et au bout du rouleau, qui a tout abandonné pour s’occuper de lui, jusqu’à son intérêt pour son mari. Lui, c’est un balourd attendrissant, obtus aux états d’âme féminins, qui n’a pas sa langue maladroite dans sa poche, ni ses yeux affamés de sexe. Et il y a de quoi, la petite amie de son pote — qui est psychologue — lui apporte une bouffée d’inconnu fort dépaysant et distrayant, à défaut d’une oreille professionnelle. Quant au copain, il est animé par son envie obsessionnelle d’aller faire trempette dans la mer, assez vite contrariée par un bébé encombrant qui fait la sieste jusqu’à 17 heures… Mais si ce n’était que cela encore ! C’est que l’ami a la jalousie féroce qui obstrue la voie de sa raison. De fil en aiguille, de paranoïa en vérités blessantes, le séjour qui ne demandait qu’à se dérouler sous les auspices de la bonne humeur se met à sombrer corps et biens, entraînant à sa suite la maison des Cévennes et ses habitants, dans les eaux noires du règlement de compte.

Cette délicieuse comédie sociale qui ausculte avec une cruelle efficacité les relations de couple s’enchaîne éperdument au drame avec des réparties jubilatoires et des situations confondantes de réalisme. Le texte de Magali Miniac est si percutant qu’on se projette dans sa propre histoire. On a tous en regrets quelques disputes mémorables intervenues comme un cheveu sur la soupe, réveillant les non-dits et les rancœurs muettes, et lâchant son chariot fou de frustrations, de venin et de colère. Les quatre comédiens (Magali Miniac, Emmanuelle Bougerol, Guillaume Clérice, Sébastien Pierre) jouent leur partition avec une grande justesse, tout en nuances et en gradation. Par ce jeu doublé de vivacité et d’intensité, ils rendent crédible l’inexorable issue. Cette issue qui bannit toute frivolité est d’autant plus détonante qu’elle survient sous un ciel limpide qui rivalise de gaité avec la pelouse vert tendre du décor. La mise en scène soignée de Nicolas Martinez, où la sérénité attendue se heurte à la surenchère des révélations, l’une aspirant la suivante dans son piège, permet de rehausser ce sentiment de grand gâchis. Le drame frappe à la porte, il est là, on ne veut pas y croire… et c’est la girafe au gros postérieur qui signe la chute de cette sombre histoire à mourir de rire.

Nathalie Gendreau

Distribution

Avec : Emmanuelle Bougerol, Guillaume Clerice, Magali Miniac et Sébastien Pierre.

Créateurs

Auteur : Magali Miniac
Mise en scène : Nicolas Martinez
Assistante de mise en scène : louise Danel
Scénographie : Camille Duchemin
Lumières : Denis Koransky
Musique : Raphaël Charpentier
Costumes : Bérangère Roland

Du mardi au samedi à 21 heures et le dimanche à 15 heures, jusqu’au 29 avril 2018.

Au théâtre des Béliers Parisiens, 14 bis rue Sainte-Isaure, Paris 75018.

Durée : 1h20.

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