Extrait (page 175)
“Un développement très personnel”, Sabrina Philippe
” – Eh oui, chère madame. Vous vous êtes dit que vous alliez sauver le monde avec vos livres, que vous aviez une mission, mais en réalité vous ne serviez encore que votre ego. Des gens tels que vous, il y en a plein les églises, les associations et les bibliothèques. C’est un diable redoutable, car vous cherchez à prendre le pouvoir sur l’autre tout en vous donnant bonne conscience… C’est ça l’ego altruiste ! Beaucoup restent bloqués à ce stade, jusqu’à ce que ce soit parfois la vie qui vous oblige à le terrasser.”
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥
La recherche du bien-être – ou du moins, si possible, du mieux-être – par toutes les techniques qui s’offrent à soi est une activité de chaque instant. Des ouvrages fleurissent chaque saison littéraire, souvent des manuels expliquant aux lecteurs des recettes miracle pour être en paix avec soi-même et les autres. Le roman a l’avantage de leur donner le choix de prendre ou pas le message délivré et ne les contraint pas à la passivité. Avec « Un développement très personnel », paru chez Flammarion, Sabrina Philippe a opté pour cette voie, tout en lumière et simplicité. Elle y fait la critique d’une profession multi-facettes, souvent accessible par quelques stages de formation, parfois faisant du mal-être un business lucratif et peu scrupuleux. Ce qui distingue ce roman de ceux qui débordent des rayons de librairies depuis des décennies, c’est que le lecteur ne découvre pas combien le héros « coach » a aidé ses patients/clients, mais ce que son introspection sur ce qu’il a fait et fait pour lui-même et sur les conséquences de ses conseils sur autrui a produit sur lui. Sabrina Philippe, psychologue et chroniqueuse à la télévision et sur les ondes de radio, met ainsi en scène une remise en cause profonde d’une véritable « gourou » du bien-être qui s’est éloignée de son propre chemin intérieur, trompée par les sirènes du succès, occultant les bleus de sa propre histoire. Très divertissant et instructif, ce roman nous transforme en petite souris ravie de s’aventurer dans la tête d’un coach en mal de soi.
Résumé
Ex-journaliste, puis femme au foyer désœuvrée, Sophia a eu envie d’aider les autres. À l’issue de quelques stages de formation, elle se décrète « coach en développement personnel » et décrit sa vision du monde invisible dans un livre : « Ce que l’Univers veut pour vous ». À cette époque, l’angle est novateur et fait fureur. À partir de ce best-seller, elle vivra dans une spirale de voyages, de conférences, de dédicaces et de conseils en consultation privée. Enfant non préférée, abandonnée à sa peine et aux humiliations maternelles, elle se battra pour conquérir son indépendance et offrir à son fils sans père un toit protecteur. Mais c’était sans compter le succès tyrannique qui la prive de l’homme qu’elle aime et de son fils. Sophia ne sait pas dire non aux sollicitations émanant de toutes les parties du monde, à la gloire qui la couvre de lumière et de reconnaissance. Alors le fossé se creuse entre elle et les siens, entre elle et la petite fille qui soupire sa peine. Un jour, un tremblement de terre personnel fait écrouler toutes ses fondations intérieures et la mettra face à un mur avec l’alternative suivante : le suicide ou la fuite. Dans un sursaut salvateur de lucidité, elle choisira la seconde option pensant panser ses blessures loin de tout, dans un gîte isolé au fin fond du Cotentin. À partir de ce jour, le premier pas sera fait vers une renaissance et une reconnaissance de soi, nourrie d’essentiel et d’authenticité.
Pour approfondir
Peut-on prétendre conseiller les autres sur leur vie quand soi-même on n’a pas réglé ses comptes avec son passé ? La réponse est à l’évidence non ; pourtant, l’héroïne de Sabrina Philippe le croit possible. Mais la vie – ou les anges ou les guides – rappelle que cet aveuglement ne peut durer qu’un temps. Partant de ce postulat, l’auteure nous donne à comprendre le parcours d’un être égaré dans ce monde complexe, tiraillé entre matériel et spiritualité, combien il est aisé de se perdre en voulant sincèrement aider son prochain. Psychologue de formation, elle ne se contente pas de décrypter le mécanisme d’un douloureux retour sur soi et une meilleure compréhension de soi, elle mêle à son propos une dimension spirituelle très intéressante. Elle propose une lecture de la religion qui réconcilie – s’il le fallait – l’âme et l’esprit. Cette tonalité raccroche le roman – émouvant et passionnant – à sa propre histoire personnelle qui ne cesse de résonner par l’universalité du propos et les questions existentielles sans réponse. Un vrai plaisir de lecture qui enrichit et donne à réfléchir.
Nathalie Gendreau
Éditions Flammarion, 4 mars 2020, 288 pages, à 16,90 euros en version papier et 11,99 euros en version numérique.
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