“J’ai envie de toi”, un grand boulevard de rires

Temps de lecture : 3 min

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume  ♥♥♥♥♥

Critique éclair

Dans une comédie de boulevard, le rire est toujours l’invité d’honneur. Pour le provoquer, toutes les ficelles sont bonnes, mêmes les plus grosses. Parfois sans art ni manière. Avec « J’ai envie de toi », les ficelles sont invisibles tant la magie opère, d’emblée et sans discontinuer. Pendant l’heure vingt que dure cette torture du plaisir, le théâtre Fontaine résonne de relâchements zygomatiques très sonores. Cet enchantement, nous le devons à Sébastien Castro (Nommé aux Molières 2019 pour son rôle dans « Le Prénom »), un comédien habitué des boulevards, un familier de personnages un peu simples qui ne doutent de rien et surtout pas de leur sex-appeal. Dans cette première pièce où il exprime un indéniable talent d’écriture, le comédien endosse un rôle bien rôdé de candide dépassé par les événements, qui ne comprend pas tout du premier coup et enchaînant les catastrophes. La mise en scène de José Paul joue avec cette lenteur en la confrontant à un tourbillon de gags et de quiproquos, renforcé par un chassé-croisé incessant des sept comédiens entre deux appartements qu’une porte éventrée réunit. Dès le départ, la loufoquerie donne le ton de l’absurde et déroule le tapis rouge à la première catastrophe  : envoyer par erreur un texto chaud bouillant à une ex, alors qu’on a rendez-vous avec un mannequin pour un plan drague. Imaginez si les deux femmes se rencontrent ! Ne l’imaginez pas, allez donc le découvrir !

Résumé

Youssouf (Sébastien Castro) vit seul dans un petit appartement hérité de ses parents. Son gagne-misère est de garder « au noir » des personnes âgées. Ce soir-là, Sabine Brachot (Maud Le Génédal) lui confie sa mère paralysée qui ne peut s’exprimer que par sonnette interposée. Rassurée, elle va pouvoir fêter son anniversaire avec une amie dans le restaurant portugais au pied de l’immeuble. Dans le même temps, Youssouf profite de l’emménagement de son nouveau voisin Guillaume (Guillaume Clérice) pour perforer la cloison qui délimite les deux appartements. Il entend récupérer le placard qui a été injustement rattaché à l’appartement voisin. En découvrant le trou béant, Guillaume est ahuri, puis paniqué. Il a rendez-vous avec Julie (Astrid Roos), une femme avec qui il a chatté sur Tinder. C’est leur première rencontre, le champagne est même au frais. Irrité, il envoie trop vite un texto et se trompe de destinataire. Au lieu de Julie, c’est Christelle (Anne-Sophie Germanaz), son ex-copine qui n’a cessé de le harceler lorsqu’il l’a quittée, qui le reçoit. En lisant « J’ai envie de toi », à coup sûr, elle allait le rappeler ! Catastrophe ! Comment s’en débarrasser ? Youssouf propose généreusement de s’en charger, pour le plus grand malheur de Guillaume. Dès la première initiative, un festival de bévues et de méprises vont rendre chèvre le beau Guillaume qui ne rêve que d’accrocher Julie à son palmarès.

Pour approfondir

L’affiche est à l’image de la pièce « J’ai envie de toi ». Elle promet une ambiance de folie, un grand n’importe quoi jubilatoire, une comédie légère et loufoque, sans queue ni tête, mais non dénuée d’esprit. Droit dans son bon droit, le regard lointain pénétré d’innocence, Youssouf est le pilier auquel s’agglutinent les autres personnages. Chacun dans son attitude, à travers un regard non équivoque, dévoile sa convoitise. Seul Youssouf dégage un air de non-appartenance, d’une totale liberté d’être. Efficace, moderne, rythmé, le texte truffé de comiques de situation est valorisé par un jeu d’acteurs irréprochable, où les coups de gueule des uns rivalisent avec les atermoiements de l’autre. L’autre étant Youssouf qui, tout en croyant sauver les apparences, s’enferre dans l’énorme gaffe aux conséquences désastreuses.

Le décor ingénieux de Jean-Michel Adam permet au public de discerner d’emblée les deux appartements ouverts l’un sur l’autre. Les allées et venues empressées, disjonctées, paniquées des personnages, qui ouvrant et claquant les portes, qui se faufilant par celle qui n’existe plus, forment un ballet fou qui ne cesse de surprendre. Sans temps mort ni faiblesse, les situations ubuesques sont orchestrées au millimètre, permettant aux jeux de mots de se répondre et de s’installer à demeure. Le dynamisme et l’enthousiasme forcené des comédiens font merveille. Tous accomplissent leur partition avec justesse. La palme revenant aux mimiques et intonations ralenties de Sébastien Castro qui sont impayables… et même touchantes à la manière d’un Jacques Villeret dans « Le Dîner de cons ». Mention spéciale pour Alexandre Jérôme (Gaël), l’affreux jaloux qui déboule à la toute fin de la pièce, tempêtant et vitupérant pour retrouver sa petite amie Christelle et, au passage, casser la figure à Guillaume. Peu de temps de présence, mais ô combien bien utilisé ! Le personnage fruste qu’on tente de rouler dans la farine, et qui déraille sur les expressions, complète avantageusement l’excellente galerie de portraits.

Nathalie Gendreau
©


Distribution
Avec : Sébastien Castro, Maud Le Guénédal, Guillaume Clérice, Anne-Sophie Germanaz, Alexandre Jérôme, Astrid Roos.

Créateurs
Auteur : Sébastien Castro
Metteur en scène : José Paul assisté de Guillaume Rubeaud
Décors : Jean-Michel Adam
Lumières : Laurent Béal
Costumes : Juliette Chanaud
Sons : Virgile Hilaire

Du mardi au vendredi à 21 heures, le samedi à 16 h 30 et 21 heures et le dimanche à 16 heures, du 25 septembre au 3 janvier 2021.
Relâche tous les lundis, et du 6 au 8 octobre, et les 13 et 14 octobre 2020.

En tournée de janvier à juin 2021.

Au théâtre Fontaine, 10 rue Pierre Fontaine, Paris IXe.

Durée : 1 h 20

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