“Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures”, spectaculaire, ludique et si vivant

Temps de lecture : 4 min

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume  Coup de cœur”

Critique éclair

L’historien et critique d’art dit n’avoir jamais été déçu par la peinture. Les œuvres lui ont toujours été fidèles. Empli d’une reconnaissance absolue, Hector Obalk partage depuis 2013 sur scène (notamment au théâtre de l’Atelier) cet amour inconditionnel qu’il voue à la peinture au travers de son spectacle-conférence « Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures », accompagné d’un violoncelliste, d’un violoniste et d’une soprano. Auteur sur l’art et réalisateur de la série Grand’Art sur Arte, l’homme connaît son affaire et sait faire valoir son opinion sans concessions. La fibre pédagogique, un brin d’humour dans sa besace à malices, la connaissance en majesté, Hector Obalk devient en un temps record votre meilleur ami. Vous savez, celui qui vous initie au lieu de pontifier sur un tableau qui vous faire sentir minable. Ce spectacle qui décrypte sept siècles de l’histoire de la peinture n’est pas chose impossible à qui sait en retirer l’essentiel des époques, des courants, des progrès, de la technique, des manies, de la couleur, des détails. Tout cela imperceptible à qui regarde sans voir. Comme un profiler, ce spécialiste en beauté sait faire parler le tableau, il en délivre les secrets. Il nous montre comment trouver ces anomalies qui ne sont pas « anomaliques », des facéties du peintre qui donne de la personnalité à son œuvre, mais aussi une caractéristique unique ou répétitive qui porte un éclairage original et édifiant sur le peintre « incriminé ». Le néophyte y gagne la révélation ; le connaisseur, un autre regard.

Résumé

« La vierge au chancelier Rolin », de Jan Van Eyck

Bien entendu, cette généalogie picturale à des ramifications innombrables. Bien imprudent qui s’y risquerait sans méthode. C’est pourquoi Hector Obalk a composé un patchwork de spectacles qui n’évoquent pas les mêmes peintres, mais respecte les filiations historiques et les courants artistiques. Au commencement, Giotto, précurseur de la renaissance italienne au XIVe siècle, puis, ce soir-là, le maniérisme avec Raphaël (XVe siècle), la peinture baroque flamande avec Rembrandt (XVIe siècle), le classicisme avec Poussin (XVIIe siècle) et le réalisme avec les natures mortes de Chardin (XVIIIe siècle). Enfin, le show s’achève par une incursion provocante dans le XXe siècle avec une comparaison osée entre la touche sensuelle de Cézanne et la « pauvreté » graphique de Van Gogh ! Du grand art ! En zoomant sur quinze tableaux, sélectionnés parmi les 4 000 œuvres d’artistes connus et moins connus de ce puzzle pictural, le critique d’art nous fait voyager, non sans un humour décomplexé et taquin, dans un univers où la beauté codifiée vous est révélée.

Pour approfondir

« L’annonciation », de Léonard de Vinci

Loin d’être une sinécure, ce voyage éloquent dans le temps et la couleur est une croisière au long cours gratifiante qui inspire la reconnaissance. Car c’est une technique que nous délivre Hector Obalk pour fouiller le tableau d’un regard scrutateur, comme dans ce jeu enfantin des sept erreurs. Là, ce ne sont pas des erreurs à trouver, mais bien des étrangetés, des impressions. Là, trois minuscules lapins sculptés sont écrasés entre le socle et la colonne dans le tableau « La vierge au chancelier Rolin » de Jan Van Eyck (Renaissance Flandres) ; là encore, dans « L’annonciation », œuvre de jeunesse de Léonard de Vinci, le drapé de la Vierge recouvrant le bras du fauteuil forme l’impression qu’elle a trois genoux. Ou que le parapet qui s’interrompt entre l’ange et la Vierge peut laisser imaginer à l’observateur – imaginatif ou affûté – que la parole annonciatrice de l’ange s’envole sur la rampe de lancement pour franchir le vide et atterrir dans l’esprit de la Vierge. Là encore, sont révélées les fantaisies anatomiques d’Ingres dans « La grande odalisque », comme un sein trop rond ou un dos démesurément grand. Interpréter et représenter le monde est le propre des artistes. Avec Hector Obalk, le récit de la pensée scripturale du peintre devient lisible en étant rendu visible, et le tableau prend alors une force évocatrice, révélée, inédite, absolument fascinante et captivante.

Ce pari de retracer l’histoire de la peinture en moins de deux heures peut sembler fou, délirant, ambitieux, voire provocateur, un rien cabotin – pour les sceptiques – dans cette joyeuse prétention de l’envie de partager. À l’impossible, nul n’est tenu. Et pourtant, le contrat est amplement rempli et le pari gagné ! Et cela, dans une joie indicible pour celui qui transmet et ceux qui reçoivent. Hector Obalk est un véritable showman. Devant le mur d’images constituées de près de 4 000 tableaux miniaturisés, il prend sa place, nullement impressionné par ces sept siècles d’histoire qui le contemple. C’est qu’il les connaît bien, il les a étudiés sous toutes les coutures pour devenir aujourd’hui ce relais passionné et passionnant, à l’humour parfois grinçant, mais toujours drôle. Sans se départir de son admiration, l’homme n’hésite pas à souligner les imperfections, les erreurs de jeunesse des plus grands, même si elles n’enlèvent en rien le génie au peintre. Il ose dénigrer certains pour en réhabiliter d’autres. Il va jusqu’à « oublier » l’art moderne. Dans ce spectacle de moins de deux heures, qui passe vraiment trop vite, il y a tout ce qu’il faut  : de l’instructif, du spectaculaire, de l’humour et ce liant indispensable de l’émotion qui rend inoubliable le moment et encode dans la mémoire des clés de compréhension. Après « Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures », on ne regardera plus un tableau comme avant  : le regard est instruit et le cœur ouvert à d’autres horizons. N’est-ce pas là les promesses de la félicité ?

Nathalie Gendreau
©Nathalie GENDREAU (1re et 4e photo)


 

 

 

Distribution

Avec : Hector Obalk

Créateur

Auteur et metteur en scène : Hector Obalk

Au violon : Pablo Schatzman
Au violoncelle  : Renaud Mallaury
Au chant : Andréa Constantin
Aux images : Morwenn Augrand

Au théâtre de l’Atelier, 1 place Charles-Dullin, Paris XVIIIe, le samedi 24 juillet 2021 à 25 heures et 18 heures et le dimanche 25 juillet 2021 à 11 heures et 15 heures, puis reprise les samedis à 15h, dimanches à 11h et autre horaire, lundis à 20h30 à partir de septembre, au moins jusqu’à fin janvier 2022.

Au Festival Off d’Avignon, les 11 et 13 juillet 2021, à 16 h 30, à La Condition des Soies, 13 rue de La Croix à Avignon

Durée : Moins de deux heures !

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