“L’Anomalie”, Hervé Le Tellier

Temps de lecture : 4 min LITTERATURE
« L’Anomalie » d’Hervé Le Tellier, prix Goncourt 2020, divise les lecteurs autant qu’il rassemble tant par son histoire dérangeante sur la duplication de soi que par sa structure narrative séquentielle portée par de (trop ?) nombreux personnages. Quoi qu’il en soit, il ne laisse pas indifférent et déchaîne les passions, réconciliant tous les lecteurs sur la question de la finalité d’un texte et des motivations de son auteur. Fidèle aux principes cœur de l’Oulipo (institut littéraire prônant l’innovation par le langage), dont il est membre, Hervé Le Tellier perturbe, surprend, déroute le lecteur, le prend au jeu, le perd aussi un peu pour mieux l’entraîner vers un ailleurs qui le ramène à sa propre condition. Et si vous aviez fait partie des passagers du vol Air France 006 qui relie Paris à New York, ce 10 mars 2021, et qu’un autre que vous, semblable en tout point, ayant vécu une vie identique, surgissait trois mois plus tard croyant être en mars, quelle serait votre réaction ? Ici, l’auteur ne s’amuse pas à supprimer une lettre, comme Georges Perec, lui-même membre de l’Oulipo, dans « La Disparition », il préfère mettre en scène la réapparition – en double exemplaire – d’un avion et de tous ces passagers à la faveur d’un orage bien évidemment violent, mais surtout inexpliqué par sa soudaineté et son imprévisibilité.

“Mon frère”, Daniel Pennac

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Avec “Mon frère”, Daniel Pennac revient à réminiscence feutrée sur l’homme qui lui a prodigué un amour discret, serein et attentionné. Un grand frère de cinq ans son aîné et un guide aussi qui l’a entraîné à sa suite à la cueillette des mots sur le chemin de la connaissance. Ce grand frère, le préféré de sa famille, lui a appris à parler et à écouter ses silences entrecoupés de bonnes tranches d’humour décalé, mais aussi et surtout à aimer lire, à commenter les livres, et donc à en écrire. Bernard le mélancolique est parti pour un ailleurs il y a dix ans, trop tôt, fatalité d’une erreur médicale, mais l’écho de sa présence continue de faire raisonner la vie et l’écriture de Daniel. Cet ouvrage réécrit la complicité des deux frères, rejouant à coups de répliques saillantes des fragments de souvenirs aussi fugaces que démonstratifs dans cette évidence d’amour. Un amour non déclamé, mais murmuré entre les lignes, que la petite brise de la reconnaissance fait bruisser pudiquement.

“Croire au merveilleux”, Christophe Ono-dit-Biot

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Après un décès, le merveilleux peut-il encore frapper à la porte ? C’est la question que pose l’écrivain et journaliste Christophe Ono-dit-Biot dans son roman Croire au merveilleux, où il file le thème de la mort soudaine et inexpliquée qu’il a abordé dans son précédent roman Plonger. Avec ce nouvel opus, il approfondit la souffrance de l’intolérable absence en parfaisant notre connaissance intime du couple César/Paz et de leur fils. L’amour d’un père pour son enfant est-il assez fort pour vaincre le désir de mort ? L’écriture simple et dépouillée de l’auteur, sans risées ni lames de fond, accompagne avec une langueur poétique son double littéraire dans sa mortelle descente dans les abymes de la dépression. César appelle si fort la mort qu’il en réveille les dieux de l’Olympe qui dépêchent une mystérieuse messagère pour l’aider à entamer une lente remontée en apnée vers une renaissance.

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