“Sang famille”, Michel Bussi

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

” – C’est toi, par terre, Colin. La photo a été prise il y a onze ans. Onze ans. Ça me semble une éternité. C’est une photo du paradis. Du paradis ! Ils étaient si joyeux. Si jeunes. Si beaux. Si heureux. Si intelligents. Que du soleil, pendant huit ans. Ils vivaient de rien. De rires, d’amour. C’était pas un cliché. J’étais déjà leur mamy à tous. Je leur préparais les repas, je m’occupais de toi. Ça a duré huit ans. Dont six avec toi. Tu était le petit ange de ce paradis sur terre.
Elle resta muette. Émue. Nostalgique.

Curieusement, pourtant, le souvenir obsédant qui me revenait était différent. J’avais dans la tête l’image floue d’une dispute, d’adultes qui parlaient fort. La main de mon père qui s’agitait. Dans mes visions, il tenait un verre à la main. Parfois, il le reposait, pour le reprendre ensuite. Il s’agissait sûrement d’un souvenir précis d’un repas, un autre jour que celui où avait été prise cette photo, ou que celui où avait été tourné le fameux film.” (page 135)

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

Le titre comme le contenu rappelle le livre d’Hector Malot, « Rémy sans famille » et souffle un petit air lancinant dans la tête. Michel Bussi en joue sciemment. Au-delà de cette volonté de se rapprocher d’un classique, « Sang famille » met en jeu un orphelin en quête de filiation, qui se confronte au passé de son père et de ses associés sans foi ni loi. Réédité aux éditions Presse de la Cité, ce roman d’aventures est paru il y a dix ans aux éditions des Falaises. En le retravaillant, Michel Bussi a été frappé de constater que ce premier roman contenait déjà ses thèmes de prédilection (la filiation, l’adolescence, la manipulation…), comme il le raconte dans une préface qui explique la genèse de cette réédition. À ces thèmes, ajoutons une île normande imaginaire, des secrets de famille, une légende sur un trésor enfoui dans des souterrains et une bande de copains intrépides aux caractères affirmés, qui rappelle Le Club des Cinq. Ce sont autant d’ingrédients pour accrocher l’intérêt des lecteurs, tant adolescents qu’adultes.

Colin Rémy, 16 ans, est orphelin depuis dix ans. Son père s’est noyé dans la Manche, puis sa mère s’est tuée en voiture. Si le jeune garçon est certain du décès de sa mère, il n’en est pas de même pour celui de son père. Peu avant son accident, ne lui avait-elle pas dit qu’il le retrouverait, plus tard, quand il sera plus grand ? Contraint de partir en camp d’été par ses oncle et tante, Colin choisit de participer à un stage de voile sur l’île de son enfance, Mornesey. Il déteste cette activité, mais c’est l’île où il vivait heureux avec ses parents. Avec un peu de chance, ce retour aux sources lui rendra ses souvenirs qui restent confus ! Un jour, sur le port, il voit son père à bord d’une voiture. L’image est fugace, mais il en est certain : c’est lui, quoi qu’en disent Armand et Madi, ses nouveaux potes du camp de vacances.

Au même moment, deux prisonniers s’évadent de la prison de l’île, une forteresse de Vauban. Contre toute vraisemblance, le plus dangereux des deux est retrouvé mort, enterré dans le sable avec deux balles dans le corps. D’autant plus invraisemblable que le complice, qui purgeait une peine légère pour escroquerie, devait être libéré deux mois plus tard. Rien dans cette affaire n’est logique, au point que l’enquête est menée en parallèle de la police par deux résidents de l’île qui pressentent que l’affaire n’est pas aussi simple qu’elle y paraît. D’un côté, le patron de L’Ilien, le seul journal de Mornesey, y voit là une belle occasion d’augmenter ses ventes ; de l’autre, un employé municipal dédié au service d’ordre pour l’été s’entête à relier deux affaires distantes de dix ans.

« Sang famille » est un roman d’aventures bouillonnant, intelligent et efficace, donnant la furieuse envie de tourner les pages. L’intrigue tient en haleine le lecteur grâce à une écriture nerveuse, rôdée à la construction dynamique, et des chapitres courts clos par un rebondissement qui attise la curiosité et l’impatience. Ce suspense est renforcé par une narration plurielle, où le récit de Colin s’intercale avec les investigations menées en parallèle par le journaliste et l’employé municipal. Cette démultiplication de l’enquête permet de devancer – mais pas toujours – les protagonistes dans leurs analyses de la situation et d’assister à leur tâtonnement et leur progression. Ainsi, de chapitre en chapitre, les questions s’ouvrent sur de nouvelles questions, parfois sèment des indices, parfois égarent, mais rapprochent inexorablement le passé et le présent pour que surgisse l’éclatante vérité.

Nathalie Gendreau

 

Éditions Presse de la Cité, 16 mai 2018, 420 pages, à 21,90 euros en version papier et 14,99 euros en version numérique.

 

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