“Revolvers et Talons hauts”, une comédie policière efficace et réjouissant

Temps de lecture : 3 min

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume  ♥♥

Critique éclair

« Revolvers et Talons hauts » de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, au théâtre du Marais (à 17 h 30 le dimanche) est un fringant et divertissant polar théâtral aux couleurs de l’Amérique des années 50. L’intrigue se situe à Walnut Grove, une bourgade au fin fond de la Pennsylvanie. La génération de « La Petite Maison dans la prairie » et les suivantes ne manqueront pas de relever l’allusion ! Mais nous sommes loin des bons sentiments véhiculés par cette série aux 205 épisodes ! « Revolvers et Talons hauts » mise le paquet sur le second degré et le pari est gagnant. L’humour est noir, décalé, frisant l’absurde ; il taille allégrement dans la misogynie ordinaire décomplexée et le féminisme balbutiant, mais pugnace. Le scénario met en évidence un commissariat du village sur le point de fermer, car le taux de la criminalité est à zéro. Les deux inspecteurs O’Donnell (Arnaud Nucit) et Macklowski (Vincent Vilain) vont être remerciés. Le vol providentiel d’un bijou inestimable dans le musée du coin, leur offre un sursis. Mais la lenteur des résultats a pour conséquence l’arrivée d’un agent du FBI, Cody Goodman (Esther Barbe Quesnel). Une femme ! Pour l’orgueilleux O’Donnell et l’efféminé Macklowski, rien ne va plus. Cody Goodman est une menace arrogante qu’il faut doubler. Quoi qu’il en coûte !

Résumé

En 1956, la vie s’écoule tranquillement dans le charmant – mais paumé – village de Walnut Grove. Pas un délit à l’horizon. Peut-être un chat à retrouver… de temps en temps. Les deux inspecteurs, aussi misogynes qu’incompétents, se tournent les pouces. Cela pourrait être le rêve, mais voilà, une grande menace pèse sur eux  : la fermeture de leur commissariat. Il leur faudrait une belle affaire  : un vol de vache, une bagarre… La Providence leur accorde un braquage, et pas un petit  : le splendide et rarissime « Joyau des 2 mers », qui avait été prêté par un Émir au musée de la bourgade. Il a été subtilisé proprement. Sans effraction. Sans indice. À la difficulté des investigations s’ajoute l’impatience de leur supérieur. Vu les enjeux diplomatiques, il veut des résultats et vite, sans quoi la fermeture du commissariat serait immédiate. Les deux inspecteurs y mettent de la bonne volonté, mais ils tournent en rond. Même les lettres anonymes revendiquant le délit ne les avancent guère. Les sanctions ne se font pas attendre. L’agent du FBI Cody Goodman est dépêchée sur place. Après s’être moqués d’elle en discourant sur la place réelle de la femme, c’est-à-dire à la maison, les deux loustics se rendent vite compte qu’elle a de la poigne ! Elle s’arroge d’autorité le droit de diriger l’enquête. Signe d’une déclaration de guerre pour les deux inspecteurs qui tentent, maladroitement, de se rebiffer.

Pour approfondir

« Revolvers et Talons hauts » est une comédie décomplexée qui s’amuse avec les codes des séries policières des années 50 et au-delà, un temps où le noir et blanc prédominait, où les caractères étaient taillés dans du monolithique. Les deux complices d’écriture Benjamin Waltz et Arnaud Nucit s’entendent comme larrons en foire pour dispenser la bonne humeur. Au-delà du rire, du suspense, du soupçon d’émotions, cette enquête policière convoque aussi l’actualité dans ce passé pour se projeter avec ironie dans un futur que l’on connaît trop bien. Évoquer en 1956 les désastreuses frasques de Donald Trump, il fallait oser ! Benjamin Waltz est le chef d’orchestre de cette savoureuse comédie. Sa mise en scène est nerveuse, rythmée, joyeuse. Elle laisse une place royale aux musiques de cette époque qui portent les scènes d’action et de séduction. Ainsi on reconnaîtra « Malaguena » du groupe The Trashmen (1963) ou « Rio ne répond plus », musique de Ludovic Bource. Arnaud Nucit endosse avec énergie son rôle d’inspecteur infatué qui veille sur ses ouailles et se fait paternaliste avec son second Macklowski. À son personnage plus précieux qu’efféminé, et secrètement amoureux de son supérieur, Vincent Vilain donne une dimension truculente et expressive. On se prend au jeu de leur bêtise, qui est savoureusement soulignée par l’intelligence de l’agent du FBI. Dans ce rôle perché… sur des talons hauts, Esther Barbe Quesnel incarne avec grâce la femme libérée et cruelle ! En fermant le caquet aux deux bras cassés d’inspecteurs, elle venge avec humour et conviction l’honneur de toutes les femmes un jour rabaissées. Un plaisir à ne pas bouder avant le couvre-feu !

Nathalie Gendreau
©Sébastien Cotterot


Distribution

Avec : Arnaud Nucit, Esther Barbe Quesnel, Vincent Vilain

Créateurs

Auteurs : Arnaud Nucit et Benjamin Waltz

Metteur en scène : Benjamin Waltz

 

Tous les dimanches à 17 h 30 jusqu’au 3 janvier 2021.

Au théâtre du Marais, 37 rue Volta, Paris IIIe.

Durée : 1 h 30

1 réflexion au sujet de « “Revolvers et Talons hauts”, une comédie policière efficace et réjouissant »

  1. Habitué de longue date à Presta Plume je connais et j’apprécie le style de Nathalie Gendreau. Mais imaginons qu’un lecteur en promenade virtuelle sur le net découvre la présente critique. A priori, il ne sait pas que le critique est une femme. Il va donc découvrir et apprécier rapidement l’enchainement des phrases au service de l’imagination des auteurs et de l’interprétation des acteurs, bref au service du spectacle vivant si maltraité aujourd’hui par le virus… et pas seulement ! Magie de l’écrit androgyne ! Et c’est à la dernière ligne que l’on découvre que l’auteur de la critique ne peut être … qu’une femme ! « Bon Dieu, c’est bien sûr » dirait l’inspecteur Bourrel !

    Encore merci Nathalie pour ce « cadeau » qui donne envie de sortir au théâtre… même à des heures indues.

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