THÉÂTRE & CO
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥♥
« Tu étais formidaaaableee ! »Empruntons ce titre de Stromae, que Yann Jamet imite si justement, pour qualifier le nouveau spectacle, « Recherche Belinda désespérément », qui se joue jusqu’au 18 décembre, tous les mercredis, à l’Apollo Théâtre. Cet artiste, que l’on aimerait voir plus souvent tant il regonflerait le moral à un neurasthénique, a de la présence et un répertoire de voix à l’éventail panoramique. Même le crâne rasé, Yann Jamet incarne ses personnages. Il suffit d’une moue, d’un plissement de l’œil, d’une gestuelle imprimée dans notre banque de données iconiques pour nous le faire accroire mordicus. Avec la mise en scène hardie et musclée de Nicolas Vallée, pas de temps mort, pas de baisse de régime. Écrit à quatre (Yann Jamet, Nicolas Vallée, James No et David Gential), le texte sert si bien à propos les situations qu’elles en sont irrésistiblement comiques. Pendant une heure trente, l’artiste incarne un imitateur hanté nuit et jour par ses voix qui recherche sa femme disparue après une dispute. Tout aussi affecté qu’affolé, il remue ciel et terre pour savoir où Belinda s’est réfugiée. Parviendra-t-il à retrouver cette si belle « étoile filante » qui aime tant Claude François ?
Tout commence donc par une disparition. Un artiste imitateur est en surmenage, son esprit attribue à chacun de ses interlocuteurs une voix de son répertoire et un propos tiré d’une de ses chansons ou d’un de ses tics de langage. Il ne se met jamais en veille. Même en pleine intimité, un de ses personnages se substitue à la voix de sa chère Belinda, ce qui lui coupe tous ses effets ! Belinda craque. Après une dispute, cette maquilleuse de plateaux télé claque la porte. On — la voix de Daniel Prévost — l’aurait vu partir aux bras d’une star de la variété française. Pendant cette course éperdue après sa femme, sa belle-mère (voix d’Amanda Lear) lui révèle le nom du vrai père de Belinda, ce qui l’incite à passer en revue les chanteurs des générations antérieures. N’était-ce pas mieux avant ? Dans ce spectacle, la nostalgie n’est pas ce voile que l’on jette pudiquement sur le présent, parce que c’était mieux avant. Non, elle se fait comparaison, laissant le choix au public de statuer entre les chansons à texte d’un Léo Ferré ou d’un Vianney, un Claude Nougaro ou un Kendji Girac…
Bruel, Cabrel, Dutronc, Souchon, Reno, Nikos, M. Pokora, Renaud, Bigard, Hanouna, Luchini, Cymes… sans oublier Johnny et Cloclo ! Petit aperçu de la myriade des voix que Yann Jamet a épinglé sur son tableau de chasse. Des hommes, des femmes, des voix classiques comme des nouvelles. Toutes avec la précision du timbre et l’à propos du geste qui signe le costume imaginaire. La mise en scène millimétrée et très rythmée de Nicolas Vallée instille le sentiment d’assister à un exercice périlleux d’équilibriste. Ainsi, l’acrobate vocal se fait aussi dompteur du temps avec l’énergie d’une centrale électrique. À la différence de tant de spectacles d’imitation, où l’histoire est un prétexte à enchaîner des voix, là, ces voix servent une histoire. Accroché à chaque coin d’imitation par des jeux de mots irrévérencieux, osés, décalés, le spectateur reste suspendu à la performance de Yann Jamet. Son nom brûle déjà du feu intérieur des meilleurs !
Nathalie Gendreau
©Don Ca Ladesou
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“Recherche Belinda désespérément”
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Distribution
Avec : Yann Jamet.
Créateurs
Auteurs : Yann Jamet, Nicolas Vallée, James No, David Gential
Mise en scène : Nicolas Vallée
Tous les mercredis à 20 heures jusqu’au 18 décembre 2019.
A l’Apollo Théâtre, 18 rue du Faubourg du Temple, Paris XIe.
Durée : 1 h 30.
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