“Quelque chose dans la tête”, Denis Kambouchner

Temps de lecture : 2 min

Extrait (page 129)
“Petite Poucette” se référait à Montaigne, qui, marquant sa préférence pour une “tête bien faite” par rapport à une “tête bien pleine”, aurait compris qu’il était inutile d’absorber la connaissance, puisque désormais l’on disposait (avec l’imprimerie) des livres qui la contiennent. Montaigne a en effet soumis l’éducation de son époque à une critique virulente. on fait de nous, disait-il, “des ânes chargés de livres”.”

(Denis Kambouchner)

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

Voilà un essai qui ne casse pas la tête et ne cherche pas à vous enfoncer ses idées dans… le crâne  ! Nul besoin de se mettre martel en tête ou quelque chose dans la tête… Quoi que, si  ! Telle est justement la question que se pose Denis Kambouchner dans « Quelque chose dans la tête », aux éditions Flammarion. Ce philosophe et professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, grand spécialiste de Descartes et des questions d’éducation, se fait pédagogue dans cet édifiant essai dédié à la culture, et particulièrement de la mémoire, distillant savamment l’abstrait et le concret. Il s’interroge ainsi sur les « qualités d’une tête bien faite » et se plaît à disséquer les différents usages du mot « tête ». Bille en tête, il annonce la couleur de sa méthode  : deux parties composent l’ouvrage. La première questionne le « bagage » culturel que l’on a dans la tête, ce qu’il devrait être et ne pas être, et si nous avons perdu le jugement. La seconde évoque la transmission, c’est-à-dire ce que l’on transmet et la manière de le faire. Ce bagage n’est-il pas constitutif d’un héritage familial mais aussi sociétal  ? L’auteur observe que ce bagage peut être encombré par des idées reçues comme celle que « les belles choses de la culture légitime sont réservées à une élite » et le contexte ambiant général qui instille « une hostilité à la réflexion et à la rationalité ». Osé et à contre-courant, cet essai intéresse tout autant les jeunes que les parents, et bien entendu ceux dont la noble mission est de transmettre.

Pour approfondir

Ce que l’on retient d’emblée de cet essai, c’est l’optimisme qu’il véhicule en signifiant que rien n’est jamais perdu. Pour avoir une tête bien faite, c’est-à-dire à la fois bien construite et libre, la génétique occuperait un rôle secondaire. Le premier rôle étant réservé à l’apprentissage et les exercices qui s’y rattachent. L’éducation est le maître-mot, car elle enseigne notamment la réflexion, qui est propre à la sagesse et au discernement. Dans ce contexte, qu’est-ce que l’intelligence, la répartie, voire le génie ? Que pèsent-ils dans la construction de cette tête bien faite ? Existe-t-il un rapport de cause à effet entre l’intelligence et la culture ? Entre les idées et les émotions ? Et le hasard ? Y tient-il un rôle éloquent ? Denis Kambouchner l’explore d’une manière aussi concise qu’ouverte, ce qui en fait un ouvrage dense, passionnant et très accessible. Usant d’un langage compréhensible, ses réflexions sont d’une grande clarté, même si elles foisonnent. À la fin, il y a cette envie irrésistible de recommencer l’exercice de lecture, comme pour entrer plus profondément encore dans la tête du philosophe, et bénéficier des petites lumières qu’il allume sur notre passage comme autant d’alertes à une réflexion à part soi, en résonance intime avec son propre roman familial.

Nathalie Gendreau

Éditions Flammarion, 4 septembre 2019, 2160 pages, à 16 euros en version papier et 11,99 euros en version numérique.

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