“Point de rupture”, le militant au cœur vaillant

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

Seul sur scène avec Point de rupture, Nicolas Koretzky incarne, au théâtre de l’Archipel, une variété de personnages qui croisent le chemin de Noé, un jeune militant, pétri de colère contre la société consumériste, égoïste et inconsciente de ses mauvais choix. L’idéaliste veut changer ce monde qui court à sa perte, quitte à faire la révolution. La comédie de mœurs, satirique à souhait, est habilement mise en scène par Thierry Harcourt, la sobriété sous-tendant l’efficacité du geste et la focalisation sur le texte des deux auteurs, Nicolas Koretzky et Franck Lee Joseph. Le comédien jouit ainsi de tout l’espace pour nous faire entrer dans son monde qu’il réduit à l’échelle de l’actualité. Ce monde est combatif et revendicatif, armé de slogans et d’indignations, volontairement caricaturé par ses contradictions, pour le plaisir d’en sourire. Car le rire est tiraillé entre pudeur et réflexion, le public s’implique trop dans les questionnements et les inquiétudes de Noé pour s’esclaffer.

À la veille de passer son diplôme d’ébénisterie, Noé quitte l’école Boulle et part de chez lui, au grand dam de sa mère qui ne comprend ni sa révolte ni sa colère. Il faut pourtant bien avoir un métier pour vivre ! Noé, lui, n’est préoccupé que par ceux qui ont faim, qui n’ont pas de toit, qui vivent en marge de la société, dans la rue, en squat ou en communauté. Mais sa fuite éperdue vers une voie où il ferait le bien de l’Humanité se mue en parcours initiatique. Il s’insurge contre son prof qui prône le marketing de l’obsolescence. C’est ce fameux point de rupture des objets que le consommateur doit racheter, passé leur délai de vie programmée. Il vivote avec un fumeur d’herbes qui ergote sur la dictature de la démocratie et sur le droit de vote inutile puisque l’électeur donne tout pouvoir à un seul homme qui agit à sa place pour représenter ses propres intérêts. C’est après un interrogatoire musclé au commissariat qu’il s’attache à un SDF extra-terrestre aux allures de gentil clown et à sa vision poétique qui cherche la beauté en toutes choses, et surtout en soi.

Entre l’amour et la peur, il faut choisir… Noé a fait son choix au terme d’un long périple qui le délivre du conditionnement pour le hisser jusqu’à sa propre lumière. Mais, pour passer de la colère à l’amour, le chemin est jonché d’écueils et d’illusions qui le révèlent à lui-même. Même les rencontres qui semblent le dévier de ce qu’il est véritablement le ramènent sur sa voie par des détours aussi formateurs que salvateurs. Noé veut changer le monde dans lequel il vit, mais il finit par comprendre que c’est sa propre révolution intérieure qui agira sur le monde. Cette nécessaire prise de conscience lui permettra de réintégrer la société et d’y trouver un équilibre, où l’amour pèsera un bon poids dans la balance des relations interpersonnelles. La paix intérieure est à ce prix-là.

Point de rupture est une critique qui se distingue par sa virulence intelligente et son esprit incisif et pince-sans-rire. L’écriture ne donne ni dans le péremptoire ni dans la facilité. Elle alterne vitriol et baume ; sans être méchante, elle est tristement réaliste. En dénonçant les travers de notre société de consommation, le coauteur et comédien Nicolas Koretzky exhausse la dimension supérieure de l’être et de l’agir, sans s’arroger la place convoitée de donneur de leçons. Des faits, rien que des faits, du reste très actuels, sont révélés par une multitude de personnages que le comédien incarne qui avec tendresse, qui avec colère, mais toujours avec justesse et sincérité. Le stratagème astucieux d’une narration où Noé ne doit son existence que par les répliques de ses partenaires successifs lui confère une immense présence. Une belle démonstration que le rayonnement d’un être est consubstantiel de ses interactions avec l’autre !

Nathalie Gendreau

©Christine Coquilleau

Point de rupture théâtre critique affiche Nicolas koretzky Théâtre de l'ArchipelDistribution
Avec : Nicolas Koretzky.

Créateurs
Auteur : Nicolas Koretzky et Franck Lee Joseph

Mise en scène : Thierry Harcourt

Musique : Massimo Trasente

Les mercredis et samedis à 19 heures , jusqu’au 28 avril 2018.

Au Théâtre de l’Archipel, 17 Boulevard de Strasbourg, Paris 75010.

Durée : 1 h 15.

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