“Piège pour un homme seul”, le suspense qui tombe à pic

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥♥

L’un des deux est à enfermer !”, éructe le commissaire de Police, en regardant le mari et la femme. Il y a de quoi ! Tout au long de Piège pour un homme seul, le mensonge tisse une toile inextricable autour du mari, accablé par l’imposture d’une femme qui se fait passer pour son épouse, Élisabeth, qui, elle, a disparu. Huitième pièce de Robert Thomas (1927-1989), cette comédie policière a été un triomphe dès le soir de la Générale aux Bouffes Parisiens, le 28 janvier 1960. Adapté deux fois au cinéma (Honeymoon with a Stranger en 1969 et One of my wives is missing en 1976), ses droits seront achetés par l’immense Alfred Hitchcock (il meurt avant de pouvoir l’adapter). Depuis le 7 juillet 2018, au théâtre Le Funambule Montmartre, on y joue une nouvelle fois du bon, du très bon, de l’excellent suspense avec Piège pour un homme seul, mis en scène par Florence Fakhimi. La fidélité au texte original est absolue ; le jeu des cinq comédiens, époustouflant de duplicité, ménage un suspense qui prend littéralement aux tripes. Machiavélique et angoissante, cette comédie policière à rebondissements est la garantie d’une soirée… inoubliable !

Daniel Corban croit devenir fou. C’est un jeune marié, amoureux de sa femme, même s’il a tendance à se fâcher contre elle. Ils ont tout pour vivre une idylle sans nuages. Et pourtant, à la suite d’une dispute, Élisabeth s’enfuit… mais ne revient pas. Après avoir cru à une bouderie, Daniel Corban s’inquiète, alerte la police, témoigne et se ronge les sangs avec de bonnes rasades de Cognac. Quand le nouveau curé de la paroisse, abbé Maximin, lui ramène son épouse, il n’en croit pas ses oreilles ni sa joie. Car Élisabeth n’est pas la femme qu’il a épousée ! Il croit à une mauvaise farce, s’insurge, se défend, argumente, s’essouffle, se reprend, attaque, hurle à l’imposture, sous les yeux effarés du curé, de l’épouse et du commissaire qui tente, tant bien que mal, de démêler le vrai du faux. Contre toute attente, il penche du côté de l’escroquerie alors que toutes les preuves parlent en défaveur du mari : son comportement dénote un état maniaco-dépressif. Mais qui ne le serait pas si on vous affirmait que votre conjoint était un ou une autre ?

Piège pour un homme seul est un terrible et implacable piège pour les nerfs du public. Le texte, bien entendu, le mène par le bout du nez. La logique n’a pas d’autres choix que de détaler devant les arguments solides, les preuves irréfutables. Tous les codes du thriller marchent donc comme un seul homme, et ils sont nombreux autour de lui à vouloir l’anéantir, ce pauvre homme seul ! Le spectateur impuissant est corps et âme avec Daniel Corban, qui se débat au bord du précipice de la folie. Il souffre avec lui, il s’exclame, s’indigne et se révolte. Il crie en son for très intérieur à l’imposture, à la trahison, au scandale. Mais ses cris restent tapis dans la gorge serrée, censurés par la bienséance.

Dans sa mise en scène, Florence Fakhimi a mis l’accent sur la comédie de boulevard. Ainsi l’enquête menée tambour battant ne laisse-t-elle aucun répit aux comédiens et, de facto, au public. Les réactions, tantôt éruptives tantôt glaçantes, fusent à mesure que le piège se resserre. Mais cette folie ambiante, qui donne un rythme de fou, étouffe le rire qui s’amorce. On s’inquiète trop pour Daniel Corban qui semble sombrer dans la névrose, pris au piège par les méchants. Erwan Fouquet en mari honteusement escroqué est si convaincant malgré les évidences. Aurélie Vatin en épouse à deux visages promène un air aimable et compatissant, derrière un comportement incorruptible, digne d’une sublime veuve noire. Fabrice Pannetier en bon curé de paroisse a le ton bien trop mielleux pour se voir donner le Bon Dieu sans confession. Sarah Gaumont en infirmière accablée de dettes de jeu s’entend à merveille à masquer ses motivations et ne s’embarrasse pas de se parjurer. Quant à Adrien Daquin en commissaire Colombo à l’inénarrable imperméable, il en voit de toutes les couleurs dans cette histoire. À souffler le chaud et le froid, il manie la douceur et la fermeté dans un même but : mettre la main sur le coupable ! Mais on nous égare de rebondissement en rebondissement. Quand on croit le tenir, ou plutôt les tenir, ils nous échappent, jusqu’au dénouement incroyable. Renversant ! C’est alors ensuite qu’on s’autorise à rire tout son saoul : de soulagement, de bonheur… et d’admiration ! Un grand merci à toute la troupe pour ce florilège d’émotions !

Nathalie Gendreau

©Edouard Mutez pour la première photo.


Distribution

Avec : Adrien Daquin, Aurélie Vatin, Fabrice Pannetier, Sarah Gaumont et Erwan Fouquet.

Créateurs

Auteur : Robert Thomas
Mise en scène : Florence Fakhimi

Lumières : Élodie Murat
Musique : Sébastien Tuvi
Décor : Rémi Cierco
Costumes : Axel Boursier

Production : le théâtre Le Funambule Montmartre et La Compagnie libre à nous !

Le samedi à 17 h 30 et le dimanche à 19 h 30, jusqu’au 2 septembre 2018.

Au Théâtre Le Funambule Montmartre, 53 rue des Saules, Paris 75018.

Durée : 1 h 30.

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