« On t’appelle Vénus », une ode à la féminité sans frontière

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Chantal Loïal a emporté tous les suffrages émus d’une salle comble au Conservatoire du XIIIe arrondissement de Paris qui organise depuis dix ans une rencontre pluridisciplinaire de danse appelée “Histoire d’elles”, sous l’impulsion de la mairie. La danseuse et chorégraphe s’est produite dans le cadre de la Semaine internationale des droits de la femme, le 10 mars dernier. Le solo de cette Guadeloupéenne engagée évoque l’ombre flamboyante d’une femme martyre déchirée par l’obscurantisme scientifique du XVIIIe siècle. Son personnage, la Vénus hottentote aux courbes prononcées. Son récit, le destin tragique de cette femme callipyge, Saartjie Baartman (1789-1815) arrachée de son pays (Afrique du Sud) pour être livrée à la curiosité malsaine et aux appétits scientifiques de l’Europe.

De son vrai nom Sawtche, la Vénus hottentote a été capturée aux alentours de 1789 au sein du peuple Khoïkhoï, le plus ancien de la région sud de l’Afrique. Sa morphologie caractéristique (hypertrophie des hanches et des fesses) a fait d’elle une célébrité torturée, exhibée comme une bête de foire, puis comme un spécimen de laboratoire qui a passionné les scientifiques dont le racisme “scientifique” était officiellement encouragé par Napoléon. Ainsi traitée comme un objet, par essence dépourvu de sentiment, cette femme subira tous les outrages, de 1810 à 1815, s’éteignant à petit feu, pour rendre l’âme à bout d’humiliations. Comme il fallait trouver des preuves de l’infériorité de la “race noire” sur la blanche, elle a été disséquée, moulée du corps jusqu’aux confins de son intimité. C’est seulement en 1992 que la France cède ses restes à l’Afrique du Sud qui y seront inhumés dignement.

C’est ce parcours martyr que se propose de représenter Chantal Loïal avec son spectacle “On t’appelle Vénus“, toujours en tournée depuis 2011, avec sa compagnie Difé Kako. Si le sujet de cette esclave enchaînée aux regards a empoigné l’intérêt de la chorégraphe, cette dernière incarne physiquement le personnage avec un bassin aux formes généreuses et voluptueuses. Coiffée d’un bandeau rouge sang, Chantal Loïal redonne vie pendant cinquante minutes à la Vénus au surnom si malintentionné. À travers une danse sensuelle et ethnique, des mouvements qui accrochent le spectateur aux circonvolutions du corps qui se meut pour ne pas mourir, la danseuse retrace l’exposition méprisable d’une nudité, les regards concupiscents, les palpations outrageantes. Elle danse aussi sa mort, en portant sur la tête le fardeau de l’ignominie. Elle ressuscite la violence infligée avec une chorégraphie à fleur de peau qui s’exhale avec intensité et se répand dans les halos de lumière éblouissante sur fond noir.

Avec “On t’appelle Vénus“, c’est la différence qui est interrogée, c’est le racisme et l’offense faite aux femmes, notamment aux femmes noires au travers du colonialisme et de l’affrontement de civilisations. Femme antillaise, ayant un rapport intime avec la question du métissage, Chantal Loïal ne pouvait qu’être en empathie absolue avec Vénus qui est la personnification symbolique universelle de tous les abus faits aux femmes à travers les siècles. Au-delà de cette ode au féminin sans frontière, son spectacle contribue à la nécessaire transmission de la mémoire. Une mémoire qui doit franchir les générations avec ces merveilleux ponts que permet l’art, afin d’irriguer la connaissance de l’autre et le respect de son altérité. Un pas résolument vers son prochain, même s’il est de danse, pour combattre l’oppression de la femme, sous toutes ses formes ! Un engagement artistique et esthétique qui engage.


« On t’appelle Vénus », sur une idée originale de Chantal Loïal, interprète et chorégraphe.
Compagnie Difé Kako
Chorégraphie : Philippe Lafeuille
Textes : Marc Verhaverbeke
Collaboration artistique : Paco Dècina

Costumes : Agnès Dat, Nicole Crampon
Création lumière et technique : Stéphane Bottard
Prochaines programmations : Cave Poésie à Toulouse du 17 au 20 mai 2017 et le 23 Mai 2017 : Anis Gras Le lieu de l’autre, à Arcueil.
Durée : 0 h50.

 

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