“Nouvelle Babel”, Michel Bussi

Temps de lecture : 3 min

Incipit
“Comme chaque matin, Rupert Welt contemplait la longue plage blanche de Tetamanu. Si la téléportation n’avait pas été inventée, ça n’aurait rien changé, il aurait pu vivre le reste de sa vie ici, dans cet atoll des Tuamotu ensoleillé toute l’année, loin de toute terre habitée.
Il fit quelques pas dans le sable et rappela son chien. Le berger allemand courait une centaine de mètres devant lui, s’amusant à pousser du bout du museau les noix de coco tombées des palmiers.
Rolf !”

“Nouvelle Babel”, Michel Bussi

Critique express ♥♥♥♥

Un roman de Michel Bussi est toujours très attendu. Pour le suspense. Pour la variété des personnages. Pour la complexité de l’intrigue et la fin toujours surprenante. Avec « Nouvelle Babel » (éditions Les Presses de la Cité), le lecteur est royalement servi, avec un petit supplément réjouissant : le voyage ! Géographe de formation, l’auteur s’amuse à nous promener autour de cette belle Terre à coups de téléportation. Est-ce l’heureuse conséquence des confinements successifs ? Quoi qu’il en soit, il nous plonge dans un monde utopique, en 2097, qui ne connaît plus la peur ni la guerre, depuis la nouvelle constitution mondiale établie en 2058, dont la devise est « Une seule Terre, un seul peuple, une seule langue ». Et la téléportation est l’assurance d’une liberté absolue, sans danger, car Panguaïa, la base de données des déplacements, y veille. Mais un jour, dix terriens retraités sur une île paradisiaque sont retrouvés assassinés. Les trois enquêteurs dépêchés sont sidérés par la violence des faits, mais surtout par la manière dont les tueurs ont opéré : froide, consciencieuse. De vérifications en investigations, l’enquête laisse présumer un coup d’État à venir. Ce qui n’arrange pas les affaires de Galileo Nemrod, le chef d’orchestre de ce monde idéal qui s’apprête à parachever la construction d’une tour de presque un kilomètre de haut pour fêter le centenaire de la téléportation. Son ambition ? Y rassembler la totalité de la population mondiale en un clic !

Pour approfondir

À la fois roman d’aventures, d’évasion, d’anticipation et thriller, Michel Bussi prend son lecteur par la main sans la lâcher une seconde. L’intrigue se tisse au fil des histoires qui s’entrelacent entre l’enquête des policiers, celle d’un jeune journaliste aux dents longues, prêt à tout pour le scoop du siècle, et une jeune fille innocente qui va le suivre aveuglément, au péril de sa vie. Au gré de leurs déplacements, c’est notre Terre qui s’offre à nous, fragile dans toute sa splendeur, comme pour bien se remémorer combien elle nous est précieuse et qu’il convient de la protéger. « Nouvelle Babel » pousse à la réflexion, ouvre le champ des possibles et évoque des pistes à partir de l’essence même de l’être humain, de son avidité au pouvoir, à la manipulation, à la facilité. Un monde ultra connecté, que l’intelligence artificielle dirige selon des algorithmes créés par l’homme pour le bien-être de l’Humanité.

Est-ce cela que nous réserve l’avenir ? Michel Bussi l’envisage, le scénarise jusqu’au paroxysme. Devrait-on se méfier de nos envies de toujours plus ? Plus de modernité, plus de virtuel, plus de standardisation où la pensée unique ferait loi et rendrait asocial celui ou celle qui regrette son identité nationale, sa culture, son art de vivre ? Toutes ces questions se bousculent au cours de ce thriller aux échos futuristes et pourtant si contemporains. C’est sur le ferment existant que se bâtit peu à peu notre devenir commun. « Nouvelle Babel » sonne comme une alarme, une de plus parmi toutes les autres. Preuve supplémentaire que la conscience collective est en marche, en attendant qu’elle s’élance pour une véritable course de fond. Le retour en arrière serait-il possible ? L’auteur semble le croire, en tout cas il l’imagine… pour notre plus grand plaisir de lecteurs !

Nathalie Gendreau

Éditions Les Presses de la Cité, 3 février 2022, 456 pages, à 21,90 euros.

1 réflexion au sujet de « “Nouvelle Babel”, Michel Bussi »

  1. « Nouvelle Babel » le nouveau roman de Michel Bussi s’inscrit , semble t-il, dans la longue liste des ouvrages qui nous proposent une description d’un monde futuriste comme « Le Meilleur des Mondes » d’Aldous Huxley ou « 1984 » de George Orwell.

    Inventer un nouveau Monde est un exercice passionnant qui permet d’échanger avec les autres ses visions d’idéal ou ses phantasmes nihilistes.

    Le titre nous renvoie évidemment à l’allégorie biblique de la Tour de Babel qui nous alertait sur le danger pour l’homme de se croire au dessus de la Nature, c’est à dire Dieu pour Spinoza et Einstein. Dans la Bible, Dieu punit les ambitieux en les privant du langage unique, en vigueur jusque là, ce qui créée la première cacophonie génératrice de l’incompréhension entre les hommes.

    Pour nous, Nathalie Gendreau lève le voile sur la vision idéaliste de l’auteur sans déflorer l’intrigue et la conclusion. L’avenir selon Michel Bussi parait plus prometteur que celui d’Orwell, dans « 1984 » qui, par moment, est manifestement le bréviaire des Princes qui gouvernent notre Monde. Prions…

    Des nombreux « followers » me demandent si les critiques littéraires et artistiques de Nathalie Gendreau sont accessibles dans un magazine. Pas à ma connaissance, mais je suis sûr qu’un Rédacteur en chef malin saura rapidement recruter cette journaliste douée pour nous révéler d’autres talents.

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