“Main basse sur le magot”, du rififi qui décanille !

Temps de lecture : 3 min

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume “Coup de cœur”

Critique éclair

Le Paname des années 30 reprend vie grâce à Julien Héteau, directeur du théâtre du Funambule Montmartre, en programmant la pièce d’Arnaud Cassand  : « Main basse sur le magot ». Ce dernier s’est inspiré du « Fric-frac » d’Édouard Bourdet (de 1936) pour nous concocter aux petits oignons une histoire de cambriole, de monte-en-l’air, faisant sienne l’atmosphère des Tonton Flingueurs. La tension gravit les échelons du burlesque et réjouit le quidam averti et non averti. Car nul besoin de connaître sur le bout des doigts le langage argotique des titis parisiens et des malfrats des faubourgs pour être affranchi (informé). D’instinct, on pige tout. Il suffit d’ouvrir grandes les esgourdes. Cet argot est une poésie savoureuse qui s’épanouit en liberté inconditionnelle à travers un texte nerveux, imagé, qui fait canner (mourir) de rire. Les dialogues à la Michel Audiard associés aux situations cocasses se percutent à un rythme tonitruant. La comédie tend son fil narratif et pulse sans rompre jusqu’à la chute inattendue et libératoire. Portés par une mise en scène vive et précise de Jacques Decombe, les quatre excellents comédiens (Daphné de Quatrebarbes, Mathilde Bourbin, Julien Héteau et Arnaud Cassand) sont, comme qui dirait, libres de faire vibrer la gouaille et la candeur de leur personnage pour en distiller toute la quintessence humoristique. C’est très réussi et jubilatoire jusqu’à la dernière minute.

Résumé

Loulou (Mathilde Bourbin) est dans la mouise : elle n’a plus d’oseille pour vivre. Elle en a encore moins pour rembourser la somme que doit son homme Tintin, qui en a pris pour dix ans pour un casse qui a mal viré. Il y a urgence à trouver de l’oseille facile, car la bande de Pierrot veut lui faire la peau. L’occase se présente sous la forme d’un naïf gonflé d’amour et de valeurs, Paul (Julien Héteau). Il s’use les yeux et la patience dans la bijouterie d’Alice Mercandieux (Daphné de Quatrebarbes ou Marité Blot), qui en pince pour lui au point de lui faire des propositions qui feraient rougir les plus hardis. Paul est une belle proie pour l’affriolante Loulou qui n’a cure de la romance et tend son filet autour de ce grand dadais au cœur généreux pour qu’il la rencarde sur le coffre et son contenu. Avec la complicité de Jo les doigts d’or (Arnaud Cassan), un crocheteur de serrures mal dégrossi, toutefois attendrissant, elle se prépare au casse qui représente sa dernière chance de survie. Mais la Mère Mercandieux n’est pas qu’une vieille fille en manque de fricassées de museaux (baisers), elle sait aussi sortir l’artillerie pour défendre ses gemmes et sa dernière acquisition : une mâchoire sertie de pierres précieuses… Elle n’a pas le choix : sans cela, ce serait la faillite !

Pour approfondir

Le ton est donné ! Jusqu’au bout, on se demande si le vol de la bijouterie Mercandieux s’accomplira dans les règles de l’art ou s’il se terminera par une culottée fantastique. Faut dire que Loulou n’est pas secondée par le prince des voleurs. Ce pécore-là n’a pas la lumière à tous les étages, sa bêtise grognonne donne du fil à tordre et détordre ! Avec lui, le grabuge est une assurance-rire, qu’Arnaud Cassand incarne fichtrement bien. Surtout quand il révèle le pot aux roses… deux fois et coup sur coup. Mathilde Bourbin est édifiante dans le rôle que jouait Arletty qu’elle parvient à ressusciter avec une gouaille sortie des films en noir et blanc. Dans le costume de Paul, Julien Héteau est très à l’aise, jouant l’amoureux « carpet » qui, finalement, en a dans le ciboulot et les joyeuses. Quant à Daphné de Quatrebarbes, elle a sans nul doute le rôle le plus physique et audacieux dans le glissement progressif du personnage qui, une fois les hormones lâchées, poursuit de ses assiduités son employé jusqu’à l’acculer… Mais gardons-en encore un peu sous le capot. Cette comédie-là est un festival de rebondissements et de surprises qui ne doivent pas être déflorés. Pour sûr, s’encanailler de la sorte secoue dans les chaumières à s’en étrangler de rires ou à s’en décrocher la mâchoire, c’est selon !

Nathalie Gendreau
©Edouard Curchod


Distribution
Avec Daphné de Quatrebarbes (en alternance avec Marité Blot), Mathilde Bourbin, Arnaud Cassand et Julien Héteau. 

Créateurs
Auteur : Arnaud Cassand
Inspiré de l’œuvre d’Edouard Bourdet
Metteur en scène : Jacques Décombe
Assisté de Timothée Loridon
Décors : Jean-Luc Taillefert
Costumes : Chantal Hocdé
Musiques : Vincent Prezioso

Production Le Funambule Montmartre & Le Théâtre Montreux Riviera

Du mercredi au samedi à 19 heures ou 21 heures en alternance et le dimanche à 17 h 45 jusqu’au 8 mars 2020.

Au théâtre du Funambule Montmartre, 53, rue des Saules, Paris XVIIIe.

Durée : 1 h 40

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