« Louise au parapluie », entre quête et conquête de soi

Temps de lecture : 3 min

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Critique éclair

Bon sens et bons sentiments comme tonalité majeure, « Louise au parapluie » est une comédie humaine douce-amère qui fait le point sur notre temps. Celui qui passe, laissant certains au bord de la route du progrès galopant et celui qui sculpte le visage d’une société affairée sous influence, notamment des réseaux sociaux. L’auteur et metteur en scène Emmanuel Robert-Espalieu en fait le désolant constat, avec humour et tendresse, en opposant deux mondes qui ne se comprennent plus et s’éloignent sans heurts, dans la résignation générale. Mais le personnage principal, Louise (Myriam Boyer), entend réagir. Ce n’est pas parce qu’elle est enfileuse de baleines de parapluie depuis quarante ans qu’elle ne sait pas penser, qu’elle n’a pas d’opinion sur le monde dans lequel elle vit modestement, et surtout qu’elle ne peut pas agir. Défiée par son fils Antoine (Guillaume Viry), un youtuber dont la vie se résume à compter ses followers, elle va oser s’indigner jusqu’à troquer sa blouse de travail contre un tailleur pour partir à la conquête de la mairie de sa ville. Jacqueline (Prune Lichtlé), une copine de l’usine, l’y aidera. Un chemin ardu qui ne mènera pas forcément à la victoire, mais qui ne sera pas perdu pour autant.

Résumé

Louise est mère célibataire. Elle a œuvré toute sa vie dans la même usine, à enfiler des baleines de parapluie. Elle aime ses parapluies, son travail, ses copines. Elle se sent utile. Elle a un fils, Antoine qui ne la regarde ni l’écoute plus vraiment. Il n’est préoccupé que par les vêtements de sport dans lesquels ils se pavanent pour en faire la réclame. Louise imaginait que son fils, ex-athlète blessé, aurait d’autres rêves que celui de faire de l’argent facile en représentant des marques sur Youtube. Au cours du rituel déjeuner dominical, leur conversation sur les travers modernes de la société s’envenime. Antoine se moque gentiment des opinions de sa mère. Pour plaisanter, il l’incite à se jeter à l’assaut des municipales. Louise entend lui prouver que ses idées pour gérer une ville ont toutes les chances de la faire élire. En toute sincérité, elle mise sur sa connaissance de la commune où elle vit depuis toujours. Elle estime que le bon sens, la bonne volonté et le travail sont les atouts incontournables pour lui permettre d’être une bonne maire. Mais cela suffit-il ? Aidée de Jacqueline, elle compte passer outre les moqueries désobligeantes et la réprobation véhémente de son fils pour préparer sa campagne. Mais la réussite n’est pas toujours nichée là où on le pense. La mère et le fils, avec Jacqueline en trait d’union, en feront l’expérience.

Pour approfondir

Cette chronique familiale sur le fossé entre les générations touche juste, car elle renvoie à la réalité de ce que vivent les parents, un jour ou l’autre. Mais « Louise au parapluie » est aussi une critique, où l’on sent poindre un léger désabusement, d’une société écartelée qui a le sentiment d’être abandonnée par les édiles. Toute similitude avec la réalité n’est pas fortuite. Ce conte réaliste sur l’utopie d’un monde meilleur, par comparaison, vous projette dans le feu contestataire qui embrase les cœurs et la rue depuis plus d’un an. Sans violence ni haine, « Louise au parapluie » porte les mêmes préoccupations que ceux qui revêtent le gilet jaune le samedi  : agir pour être entendu et se respecter en agissant. C’est à ce prix que Louise pourra reconquérir sa fierté et l’amour de son fils.

À la fois mère célibataire aimante et déconsidérée par son fils et femme modeste imprégnée du bien commun, Myriam Boyer assume brillamment son personnage, comme taillé pour elle. On s’émeut de son combat qui nous semble perdu d’avance, alors que le véritable enjeu est tout autre  : la reconquête d’un fils. Prune Lichtlé et Guillaume Viry accomplissent leur partition avec conviction. Par leur fraîcheur et leur enthousiasme, ils apportent un rythme et du souffle à cette pièce aux teintes « vintage », impression accentuée par le décor d’une cuisine aux couleurs des années 70. Si bien que le spectateur fait le grand écart entre deux univers et deux générations sans douleur ni gêne. Au contraire, il ressort perméable aux émotions véhiculées, bercé par une belle histoire qui se termine bien… peut-être un peu trop bien. Mais, de temps en temps, cela fait beaucoup de bien !

Nathalie Gendreau
Première Photo ©Yacine Fort Starface
Seconde Photo ©Jeremy Mathur


Affiche Louise au parapluieDistribution
Avec : Myriam BOYER, Prune LICHTLÉ, Guillaume VIRY

Créateurs
Auteur et metteur en scène : Emmanuel ROBERT-ESPALIEU
Décors : Jean Michel ADAM
Lumières : Charles DEGENÈVE
Costumes : Camille DUFLOS

Du mardi au mercredi à 20 heures (sauf les mercredis 25 décembre et le 1er janvier à 17 heures), du jeudi au samedi à 21 h 30 et le dimanche à 15 h 30, jusqu’au 5 janvier 2020.

Au théâtre du Gymnase Marie-Bell, 38, boulevard de Bonne Nouvelle, Paris Xe.

Durée : 1 h 30

1 réflexion au sujet de « « Louise au parapluie », entre quête et conquête de soi »

  1. Thème ô combien d’actualité qui traite de l’incompréhension génératrice des fractures intergénérationnelles et des à priori que la plupart des médias installent jour après jour dans nos pauvres cervelles conditionnées. Le fait que cette fracture survienne entre une mère et son fils ajoute de l’émotion qui, j’en suis sûr, sera partagée par tous ceux qui iront voir cette pièce. J’ai l’impression que l’auteur a aussi été inspiré par cette pensée de Spinoza : “Ne pas se moquer, Ne pas se lamenter, Ne pas détester… mais Comprendre”. A méditer…

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