“L’homme qui brûlait d’être Dieu”, Jean-Michel Riou

Temps de lecture : 3 min

Résumé

« J’ai trahi, volé, tué, commis tant de fois le mal que le diable ne me trompe jamais. Je sais quand il approche. Au premier regard, j’ai compris que cette femme, Esther Stanhope, serait un danger mortel. C’était le 3 février 1809. Jusque-là, les épreuves n’avaient pas manqué, mais je les avais surmontées, et celles que j’avais connues depuis le départ de Nantes en compagnie de Simon Le Floch et Roustam n’étaient rien, eu égard à ce que moi, François Malthus de Retz, j’avais affronté avant. Pour être précis et vrai, mes manœuvres, mes tromperies avaient produit peu d’effets malgré ce que je détenais : une résine de myrrhe qui, distillée, était devenue un remède inestimable. J’étais la preuve “vivant” que l’onguent guérissait les plaies mortelles. Mais pour que l’alchimie se répète, il fallait trouver la vallée de l’ancien royaume de Saba où prospérait le suc des arbres à myrrhe. Une expédition risquée, même si une carte d’Arabie devait m’y conduire. Alors, si ce trésor existait, la substance qui m’avait sauvé serait reproduite des centaines, des milliers de fois – et combien encore ? De quoi soigner et soumettre n’importe qui. Mon projet se résumait ainsi : posséder cette substance bienfaisante par n’importe quel moyen, quitte à commettre les pires exactions.”

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

Avec L’homme qui brûlait d’être Dieu, l’aventure tend la main, comme une invite à la découverte. Mais, pas n’importe laquelle… celle de l’Arabie Heureuse. On ne peut qu’être intrigué par l’évocation poétique d’un endroit où l’on imagine que la mort se fait plus pressante que nulle part ailleurs. C’est le royaume de la Reine de Saba, le Yémen. Du sable, du sable… et quelque part dans cette étendue de désert, la vie qui renaît  !

Après Le secret de Champollion, Jean-Michel Riou nous replonge dans les secrets mystiques de l’Orient, en 1809. Il apporte toujours ce même souffle épique, mêlant habilement personnages fictifs et historiques. Il nous sert sur un plateau quasi biblique un livre d’une grande force, qui s’étire jouant entre accélérations, ralentissements et retour en arrière, telle une longue caravane marchant résolument vers l’horizon en feu, jusqu’au dénouement précipité. Les magnifiques descriptions font germer derrière les paupières closes des images qui s’animent encore le livre fermé.

La vie éternelle vaut-elle qu’on tue  ? Malthus de Retz le croit. Il détient une potion miraculeuse qui s’amenuise et une carte qui doit le mener jusqu’en Arabie Heureuse, là où pousse un verger d’arbres de myrrhe. Cette manne va l’enrichir, il la veut pour lui seul. Pour y parvenir, il a un plan. Il sauve de la mort Simon Le Floch, second sur le Redoutable, rongé par la gangrène. En contrepartie, le protecteur et ami de ce miraculé, qui est armateur, s’engage à l’aider dans ce périple dangereux. Ce dernier n’a aucune confiance dans l’homme providentiel, mais la guérison est incontestable et l’aventure est tentante. L’affaire est entendue, mais l’accord est bancal, car fragilisée par le but vénal du voyage.

En cette période troublée, où les espions sont à l’affût, la recherche de la myrrhe intéresse aussi l’Angleterre. Imaginez  ! Le pays qui possède la carte connaît la position du verger, et donc se saisira de la myrrhe pour remettre sur pieds ses soldats blessés. En temps de guerre, l’espoir d’une victoire certaine contre Napoléon devient une priorité royale. C’est une femme du monde, lasse d’une vie désœuvrée, qui se coulera dans le moule de l’espionne.

L’histoire de ces héros est brillamment soutenue par une recherche historique méticuleuse et la construction astucieuse d’un roman choral, où les témoignages de quatre personnages se suivent, se complètent sous des angles de vue différents. Le lecteur pénètre les pensées les plus inquiètes de l’armateur, les plus candides du second devenu capitaine, les plus torturées de la belle espionne et les plus noires du tueur. Et, en toile de fond, un gardien veille, là-bas, dans la vallée de l’Arabie Heureuse. Un voyage au suspens infernal, que je recommande chaudement… Que dis-je  ? Ardemment  !

Editions Flammarion, mai 2016, 472 pages, 23 €.

Crédits photos Arnaud Février © Flammarion

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