“Les impliqués”, Zygmunt Miloszewski

Temps de lecture : 3 min

 

Résumé

Varsovie, 2005. Sous la houlette du docteur Rudzki, quatre patients ont investi l’ancien monastère de la Vierge Marie de Czestochowa. Entre huis clos et jeux de rôles, cette nouvelle méthode de thérapie de groupe, dite “Constellation familiale”, ne manque pas d’intensité. Au point qu’un matin, l’un d’entre eux est retrouvé mort au réfectoire, une broche à rôtir plantée dans l’œil… Pour le procureur Teodore Szacki, l’expérience est allée trop loin. À moins qu’elle n’ait réveillé un passé enfoui, que la Pologne se tue à essayer d’étouffer…

 

L’avis de PrestaPlume ♥♥♥

Un polar dans la pure tradition qui renouvelle pourtant le genre avec une dimension historique et psychologique. Suspense, intensité, humour, il y a tout ce qu’il faut pour vibrer et avaler les pages. Mais ce n’est pas tout. Le personnage principal est loin de ressembler aux canons de l’enquêteur désœuvré ou maudit. Il n’est ni alcoolo, ni suffisant, ni le super-héros vengeur d’une Pologne encore écrasée par la bureaucratie d’un temps empesé par le communisme. Il trace droite sa route, sans la dévier, jusqu’à la résolution du crime, alors que le cœur lui commanderait une autre voie. La loi est son guide, son devoir, l’objet de toute une vie… son excuse peut-être aussi.

Cet homme-là, c’est Teodore Szacki. Cet élégant et intègre procureur de 35 ans rumine des pensées chagrines dans un quotidien qui l’accable. Marié, père d’une adorable Hela de sept ans, il pourrait être comblé, mais son amour pour Weronika s’est peu à peu étiolé à mesure que le tour de taille s’est arrondi. Il lui faut du changement. Il l’espère, il l’implore. Sera-t-il entendu  ?

L’enquête qui lui tombe sur la tête l’entraîne hors du crime ordinaire, pénétrant les méandres de la psychologie par des détours inédits. Henryk Telak, la cinquantaine tourmentée, participant d’une thérapie de groupe dans un monastère désaffecté lugubre, est retrouvé mort, le lendemain d’une séance émotionnellement éprouvante pour lui. Les suspects  ? Les trois autres patients  ? Le thérapeute  ? Un cambrioleur qui passait par-là  ? Le procureur se met en ordre de bataille, secondé par le fidèle commissaire de police, Oleg Kuzniecov, être obnubilé par le sexe opposé, néanmoins jovial et de bonne pâte. Il lui faut d’abord comprendre ce que recouvre la thérapie familiale transgénérationnelle, ce jeu de rôles dramatiques où chaque personne dans la “constellation” représente un membre d’une même famille pour réparer les blessures. Ses pistes bien que maigrelettes finissent par le précipiter vers la vérité, cette vérité qui n’est pas bonne à dévoiler. Ce genre de vérité, non pas sans danger, qui transpire du secret d’État, du temps où les surveillances et les répressions détruisaient des familles. Et l’apparition de Monika, une jeune journaliste, une brunette au sourire enjôleur, sonne au plus mauvais moment la promesse de ce changement tant attendu. Un fantasme qui l’accapare et qui l’oblige à se démener entre investigations, rapports, audiences, interrogatoires et rendez-vous clandestins, et le fait courir après le temps ou sa raison d’être.

Zygmunt Miloszewski, écrivain et journaliste polonais, offre là une enquête haletante, qui s’accélère dans les cent dernières pages. Une enquête qui se déroule dans la capitale du crime, une Varsovie à l’urbanisme balafré que le personnage parcourt de long en large, à la manière d’un guide de tourisme. Ce réalisme est accentué par une excellente connaissance des rouages policiers et judiciaires, et par une construction du roman originale. Douze jours d’enquête, du 5 au 18 juillet 2005, douze chapitres qui s’ouvrent sur un condensé de l’actualité du jour à Varsovie ancrent l’histoire dans le réel. Le personnage, complexe avec ses failles, ses doutes, ses questionnements professionnels et privés, nous attache à lui jusqu’au dénouement. Et l’on découvre avec appréhension la progression de sa psychologie en même temps que l’enquête qui avance et qui finira par révéler qui sont les Impliqués, mais aussi quel homme se cache derrière le procureur.

Ce deuxième roman de Zygmunt Miloszewski, à la narration forte et nerveuse, est un hymne d’amour à la Pologne, à son passé douloureux, accompagnant sa résilience et sa renaissance. Le succès a été tel qu’un deuxième volet des enquêtes de Teodore Szacki, Un fond de vérité, est paru en janvier 2015 chez Mirobole Éditions. Que d’aventures trépidantes en perspectives  !

Éd. Pocket, janvier 2015, 480 pages, 7,90 €.

SP

 

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Pin It on Pinterest