“Les Faux British”, de l’absurde à pleurer de rire

Temps de lecture : 3 min

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume  ♥♥♥♥♥

Critique éclair

Théâtre St Georges – 2016.

« Les Faux British » à l’affiche du théâtre Saint-Georges poursuit fièrement sa cinquième saison, après 2 000 représentations en décembre 2019, soit plus de 500 000 spectateurs à Paris et 120 000 en tournée. Cette parodie du théâtre amateur, que le metteur en scène Gwen Aduh (fondateur de la Compagnie des Femmes à barbe en 1999) a rapporté d’Édimbourg dans ses bagages en 2013, est une machine à rire infernale qui ne cesse sa délicieuse et extravagante torture zygomatique qu’au tomber de rideau. La loufoquerie gagne là ses lettres de noblesse grâce à cet étonnant scénario de Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields qui met en scène un sang-froid et un pragmatisme à toute épreuve d’une troupe d’amateurs de roman noir s’inventant acteurs d’un jour pour jouer un hypothétique polar méconnu de Conan Doyle devant les membres de leur association… c’est-à-dire le public. L’amateurisme des personnages et leur opiniâtreté à poursuivre malgré les maladresses et les imprévus successifs, au prix souvent de leur intégrité physique, est à s’étouffer de rire. Jerry Lewis, sortez de ces corps ! On se prendrait presque de pitié pour les sept comédiens, inouïs et ultra crédibles dans leur jeu qui consiste à être mauvais. On a mal pour eux jusqu’au bout, mais on en redemande !

Résumé

Avant même le retentissement des trois coups (qui n’est pas prévu au programme), le décor en carton-pâte du manoir anglais Haversham fait des siennes. La tablette de la cheminée dégringole, malgré les stratagèmes ingénieux de la « fausse » accessoiriste pour la faire tenir en place. Puis c’est au tour des tableaux et de la tête d’animal empaillée de se décrocher. Sofa, horloge comtoise, porte, vase, clés, etc., entrent également dans la valse des objets détournés de leur utilisation première, provoquant une réjouissante confusion sur scène. Dans ce décor très mouvant de la fin du XIXe siècle, un meurtre est commis lors d’une soirée de fiançailles. Pour l’inspecteur à la retraite qui balance entre Sherlock Homes et le Colonel Moutarde du fameux jeu Cluedo, chacun des invités est potentiellement et alternativement suspect. Au cours de l’enquête, menée tant bien que mal, et d’ailleurs plutôt mal que bien, l’intrigue se développe, de bondissement en rebondissement, relève des secrets de polichinelle, des amours mal cachées, d’incurables inimitiés. Les différents personnages s’entrechoquent dans leur amateurisme. Ils s’emmêlent dans leur texte et leurs placements, ils s’adaptent aux situations toutes plus ubuesques les unes que les autres, enchaînent les gaffes, s’assènent des coups, s’empoisonnent, anticipent les répliques, se volent aussi la vedette en s’écharpant sur scène. Bref, un vrai fiasco qui avance quoi qu’il en coûte et qui vire à l’apothéose à mesure que la fin approche.

Pour approfondir

Théâtre St Georges – 2016

Le titre anglais des « Faux British », « The play that goes wrong », est explicite  : c’est une pièce qui tourne mal… mais pour notre plus grand divertissement. L’adaptation de Gwen Aduh et Miren Pradier de ce bijou théâtral dans la langue de Molière est une réussite, car la touche « so british » du flegme britannique résonne agréablement aux oreilles. Cette pièce est une pépite qui projette des éclats de rire dans les yeux ébahis  : avalanche de gags, humour de situation, maladresses à répétition, tourbillon de catastrophes, répliques en décalage, des cascades périlleuses. Le scénario assassine le temps mort dès la première seconde. Ne cherchez pas les coupables, ils sont sur la scène  : d’excellents comédiens jouant de mauvais comédiens qui surjouent et courent après le scénario qui leur échappe. Sur ce rythme endiablé réglé à la microseconde par le metteur en scène Gwen Aduh, les faux-pas des faux british sont d’un naturel hilarant. Durant une heure trente, les sept comédiens sont au meilleur de leur haut de forme, sans fausse note ni morne lassitude. Chapeau bas à leur talent indéniable d’interprétation et à leur condition physique digne d’admiration et de louanges. Au final, le gai chaos tombe à pic pour des rires en cascade et du bonheur ruisselant.

Nathalie Gendreau
© Christophe Reynaud de Lage


Distribution
Avec : Juliette Meyniac , Delphin Lacroix, David Alexis, Renaud Castel ou Henri Costa, Michel Cremades, ou  Yvan Garouel ou Jean-Marie Lecoq, Virginie Gritten, ou Aurélie De Cazanove, Laurent Conoir ou Yann Papin

Créateurs
Auteurs : Henry Lewis, Henry Shields, Jonathan Sayer
Adaptation française :
Gwen Aduh et Miren Pradier
Metteur en scène : Gwen Aduh

Décor : Michel Mugnier

Lumières : Claude Couffun

Costumes : Aurélie de Cazanove

Musique : Gabriel Levasseur

Du mercredi au vendredi à 20 h 30, le samedi à 18 h et 21 h, et le dimanche à 16 h et 21 h jusqu’au 26 avril. Puis, à partir du 30 avril, du mardi au vendredi à 20 h 30 et le samedi à 18 heures et 20 h 30.

Au théâtre Saint-Georges, 51, rue Saint-Georges, Paris IXe.

Durée : 1 h 30

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