“Les Écuries de Diomède”, Sylvain Larue

Temps de lecture : 3 min

Extrait (page 133)
“Il faisait grand jour dehors, pourtant Pèlerin ne ressentait plus, pour l’instant, l’envie de gambader dans les prés, d’aller saluer de près les juments voisines, de respirer l’air de l’extérieur. Comme subjugué par la voix, il attendit dans l’obscurité, mâchonnant paille et grain quand bon lui semblait, percevant l’agitation autour de son box avant que celui-ci ne se mette en mouvement, dans le bruit familier de roues heurtant le pavé, sans même se demander où on le conduisait, pourvu qu’on continue à le traiter avec autant de bonté.”

“Les Écuries de Diomède”, Sylvain Larue

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Avec son sixième tome historico-policier, « Les Écuries de Diomède » (éd. De Borée), Sylvain Larue nous plonge dans l’univers du cirque sous le Second Empire. Le vol d’un étalon, l’enlèvement d’un enfant et trois assassinats amènent nos agents très spéciaux, Léandre Lafforgue, alias le Goupil, et Phèdre du Teil, à infiltrer le milieu du cirque. L’idée est excellente, le résultat passionnant. Le roman prend toute son ampleur et de sa saveur lorsque nos deux héros se muent en saltimbanques pour démasquer le ou les coupables parmi la troupe. Leur efficacité en tant que policiers n’étant plus à prouver, les voici qui s’illustrent avec entrain dans les arts circassiens. À travers eux, l’auteur nous donne à voir et comprendre le quotidien de ces nomades au XIXsiècle. Avec force détails historiques, il nous entraîne dans les coulisses de la vie d’un cirque et soulève le toit du chapiteau, où règnent solidarité et entraide, mais aussi jalousie et coups bas. Fait particulier de cette époque, l’exposition de curiosités humaines (des sœurs siamoises, un homme-tronc, un homme-crocodile, une femme sans bras…) qui faisaient le bonheur des badauds avant le spectacle.

Résumé

Léandre Lafforgue n’est pas dans sa meilleure forme pour se lancer dans l’aventure qu’un ex-commissaire veut lui confier  : la disparition d’un étalon hors de prix. Il est en deuil de son oncle et mentor, qu’il aimait comme un père. Il s’enlise dans un profond marasme, dont rien ne semble pouvoir le sortir. Ni la charmante Phèdre pour qui il a de tendres sentiments ni son fidèle ami le commissaire Leterrier. Cependant, sur ordre de Napoléon III, il doit reprendre du service pour assurer la protection de ses Majestés lors de l’inauguration de l’hippodrome de Longchamp, en avril 1857. Le lendemain, près des écuries, on y découvre trois cadavres. Il leur faut peu de temps, au Goupil et à Phèdre, pour comprendre que cette affaire a un lien direct avec la disparition du cheval du baron de Haar et de l’enlèvement, tenu secret, de son très jeune fils. Les ravisseurs avaient été formels  : si la police était appelée, ils tueraient l’enfant. Tous les indices convergeant vers le cirque Diomède, qui se trouvait opportunément près de l’hippodrome lors des assassinats, nos héros s’infiltrent dans ce milieu, lui en tant que clown, elle en tant qu’écuyère, pour remplacer deux artistes disparus mystérieusement. Se composer une nouvelle identité n’est pas pour leur déplaire, ils se montrent même talentueux dans leurs rôles respectifs. Ils devront pourtant faire montre de prudence, d’audace et de perspicacité pour démêler l’écheveau de laine et trouver le ou les tueurs, l’étalon et l’enfant.

Pour approfondir

Sylvain Larue ouvre une fenêtre sur un pan d’histoire inattendu qu’est le monde du cirque où il fait évoluer le caractère du héros, policier au caractère abrupt et enflammé. L’auteur le dépeint sous un autre jour, avec des fêlures intimes, mais aussi l’aptitude à faire le pitre. Le personnage de l’amie prend une place de choix dans cet opus. C’est elle qui débloque les situations et fait avancer l’enquête, soulignant la vulnérabilité du Goupil qui affleure tout au long du roman. Une émotion qui l’inclinera à la clémence à la résolution de l’affaire. Toutefois, si les sujets abordés sont captivants et le scénario bien ficelé, il est à regretter que le cœur de l’enquête en tant que telle n’arrive que tardivement. Après un prologue qui semble hors propos, la première moitié du roman est consacrée à la mise en place de l’intrigue. L’écriture agréable et les descriptions documentées aident à patienter jusqu’au moment de l’infiltration dans le cirque, où l’intrigue donne là toute sa mesure. Ce roman reste cependant un agréable et très instructif moment de lecture. Et l’évolution de la psychologie de Léandre Lafforgue plaira aux inconditionnels des enquêtes du Goupil ! Peut-être qu’au prochain opus, Cupidon se penchera-t-il davantage sur ce cœur qui brûle d’un amour non partagé ?

Nathalie Gendreau

Éditions de Borée, Collection Vents d’Histoire, 7 octobre 2021, 368 pages, à 19,90 euros.

1 réflexion au sujet de « “Les Écuries de Diomède”, Sylvain Larue »

  1. J’avoue ne pas connaître Sylvain Larue et je remercie Nathalie Gendreau de me le faire découvrir par cet artifice du Cirque, un monde qui m’a toujours fasciné.

    Avant même de me plonger dans ce roman historico-policier la critique de Nathalie m’a déjà fait faire un bond de 70 ans en arrière lorsque je découvrais, émerveillé, le film de Cecil B. DeMille « Sous le plus grand chapiteau du monde » dont l’intrigue policière nous faisait pénétrer dans les coulisses du légendaire cirque Barnum. De mémoire, ce film, comme de nombreux chefs d’œuvres de Cécil B. DeMille, peut encore enchanter petits et grands.

    Quant au rôle du clown, dont le véritable visage est dissimulé sous le maquillage, il me ramène à une actualité moins ludique où le masque, réel ou symbolique, dissimule notre monde aux yeux de nos enfants traumatisés.

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