« Les Deux timides », du comique sans fard ni fardeau

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

À la comédie Saint-Michel se joue une guillerette et divertissante comédie-vaudeville en un acte court, d’une heure, qui étire le sourire jusqu’aux oreilles. Le texte d’Eugène Labiche “Les deux timides” date de la fin du XIXe siècle, mais ses timides n’ont pas pris une ride. Les réparties claquent toujours avec bonheur et les deux timorés du XXIe siècle ont le ton et les mimiques qui emportent l’adhésion. Si le thème est universel et intemporel, la Compagnie Hisse-et-eau et ses cinq acteurs savent l’exprimer avec légèreté et facétie.

La pièce s’ouvre sur le salon des Thibaudier, un rien bourgeois et élégant. Monsieur Thibaudier (Sylvain Marceaux) y vit avec sa très jolie fille, Mademoiselle Cécile (Mathilde Marillat) et l’espiègle servante Annette (Roxane Merlin) qui manie la langue aussi lestement que son plumeau. Monsieur Thibaudier est un timide maladif qui fuit tout rapport avec autrui, d’autant plus s’il risque d’être conflictuel. Mademoiselle Cécile est son contraire. Malgré sa jeunesse, elle affirme son caractère et sait faire valoir ses vues par la ruse et la douceur. Il lui en faudra une bonne dose pour contrecarrer les plans d’un opportuniste qui a flairé la bonne affaire, l’arrogant Monsieur Garadoux (Yohann Sassier ou Eliott Janon) qui cisaille les jambes par ses réflexions aussi assurément que ses ongles manucurés. Arborant une autorité brodée de filouterie, ce dernier a réussi à obtenir du faible Monsieur Thibaudier la main de Mademoiselle Cécile, dans le but scélérat de mettre la main sur ses biens. C’était sans compter le refus buté de Cécile qui a remarqué les regards veloutés d’un jeune avocat, Jules Frémissin (Gaël Guillon Verne) adressés à sa jolie personne. Regards qu’elle partagerait bien, et de manière plus durable autour d’un rendez-vous officiel. Seulement, le pauvre père ne sait comment se débarrasser de l’impudent malotru qui s’est incrusté chez lui et accorder une audience au nouveau prétendant dont sa fille s’est éprise.

L’intrigue de la pièce est ténue, sanglée par l’heure octroyée qui contrarie toute velléité au débordement intempestif. Ce temps limité peut frustrer, le plaisir pris donnerait envie de rester un peu plus en compagnie des joyeux protagonistes. Mais ce que la pièce perd en temps étreint, elle le gagne en intensité. Une rallonge déséquilibrerait l’ensemble, et dilapiderait sans doute la saveur du texte, lequel brille justement parce qu’il frappe juste, sans vergogne, sans hésitation, sans état d’âme. Chaque mot à sa place, et la pièce se déploie au cordeau, dans le ravissement des situations comiques qui s’impriment dans les esprits. Un cordeau tout au long duquel les funambules du rire glissent avec grâce et gourmandise.

Monsieur Thibaudier a la timidité peureuse et solitaire qui se calfeutre derrière les visages connus et les situations simples. Mais qui s’affiche aussi en gros plan sur son visage si délicieusement expressif. Il pourrait être muet que son pouvoir scénique n’y perdrait rien. Le pendant timoré est le prétendant, un avocat à la verve en sourdine, qui a la timidité maladroite, bégayante et poltronne. Deux timidités s’affrontent, différentes dans leur expression, mais tout aussi attendrissantes et drôles. Entre ces valses hésitations, Mademoiselle Cécile est le chef d’orchestre qui les mène à la baguette, avec une fermeté souple et généreuse. Qu’importent les fausses notes, pourvu qu’elles soient rejouées jusqu’à l’obtention de l’harmonie désirée ! Et ce n’est pas l’imposant Garadoux, ce maniaque jusqu’au bout des ongles, qui parviendra à saper ses plans de mariage avec son cher Jules Frémissin. Il faudra seulement attendre la petite note divine, qui sonne comme un coup de théâtre, pour que la situation retrouve un équilibre. L’équilibre tant espéré par chacun. Mais je n’en dirai pas davantage. Non par timidité excessive, mais par crainte de désamorcer les effets. Le rire a besoin d’un terrain non défriché pour trouver lui-même son chemin. Bon spectacle !

“Les Deux timides” sont éligibles aux Petits Molières 2017.

©Nathalie Gendreau


« Les Deux timides »
Texte d’Eugène Labiche.
Mise en scène : Compagnie Hisse-et-eau.
Avec Gaël Guillon Verne, Sylvain Marceaux, Mathilde Marillat, Roxane Merlin, Eliott Janon en alternance avec Yohann Sassier
À
la Comédie Saint-Michel,
95, boulevard Saint-Michel,
75005 Paris.

Les dimanches à 20h00, ainsi qu’à 19h45 les mardis 21 et 28 mars, et 25 avril, et ce jusqu’au 30 avril 2017.
Durée : 1h05.

[wysija_form id=”2″]

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Pin It on Pinterest