THÉÂTRE & CO
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥
Critique éclair
Une fois n’est pas coutume, parlons musique. Parce qu’elle est joyeuse. Parce qu’elle fait battre la mesure du pied, sans y penser. Parce qu’elle raccroche à un passé où l’insouciance était dans l’air du temps. Vendredi 12 novembre dernier, au Pan Piper (Paris XIe), une soirée exceptionnelle était organisée pour lancer la sortie du CD « Hommage à Ray Ventura & Sacha Distel ». Dix chansons emblématiques et une inédite ont réuni les « Collégiens », dans la même formation qu’en 1993 (voir la distribution en fin d’article), sous la direction de Ramon Gimenes, en associant les voix chaudes et jazzy de Franck Sitbon et Charlotte Perrin. Depuis « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux » (1938) à « La belle vie » (1964), en passant par « Ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine » (1937) ou encore l’increvable « Tout va très bien, Madame la Marquise » (1935) chantée dans les colos ! Tout aussi increvables, les Collégiens d’aujourd’hui sont aussi pimpants et enjoués qu’il y a presque trente ans. Le swing et la décontraction sont au rendez-vous des retrouvailles. Ils jouent et se répondent du tac au tac, mais s’amusent aussi avec le public qui en redemande en claquant des mains. À noter la présence d’une femme au sein des Collégiens, une « collégienne » de talent qu’on aimerait entendre davantage. Outre sa voix de velours, Charlotte Perrin apporte une touche de fraîcheur indéniable. Bref, une ambiance bonne enfant qui réchauffe les souvenirs. Du spectacle vivant qui déborde de vie comme pour conjurer les peines futures.
Un peu d’histoire…
L’histoire des « Collégiens » remonte à presque cent ans ! Fondé vers 1930 par Ray Ventura, reconnu dans les années 1950 comme le guitariste de Jazz N° 1 en Europe, l’orchestre comptait nombre de musiciens et de chanteurs talentueux. Son concept était simple : un show autour de chansons à sketches interprétées par de grands artistes, aussi chanteurs que comédiens (Henri Génès, Henri Salvador… et). Ce qui, à l’époque, était novateur… et visionnaire. Les mélodies légères et les paroles, où pointait tantôt la fantaisie tantôt le comique, ont créé l’engouement au point de traverser les décennies sans prendre une ride. On le doit à des artistes de talents : le compositeur Paul Misraki qui a imaginé beaucoup de leur succès et le parolier André Hornez qui a écrit aussi pour Maurice Chevalier, Joséphine Baker, Georges Guétary, etc. En 1993, neveu de Ray Ventura, Sacha Distel – compositeur de « La Belle vie » en 1961 qui est devenue un standard international (500 adaptations), décide de refonder l’orchestre. « Les Super Collégiens » se sont produits jusqu’en 2004, l’année de la disparition du chanteur.
Pour approfondir
Sous l’impulsion de Laurent Distel, le fils du chanteur, les Collégiens se reforment en 2014 pour célébrer les dix ans de la mort de Sacha avec tous les membres du groupe de 1993. Aucun ne manque à l’appel. La passion et l’envie n’ayant guère faibli, un premier disque de cinq titres paraît en 2017, puis un second de onze titres en 2019 en hommage à Ray Ventura et Sacha Distel. Le but ? Apporter de la joie, faire danser et amuser le public. Un public qui retrouvera, le temps du show (en tournée en 2022), l’esprit de l’époque où tout prêtait à rire et à jouir des bons moments partagés. Mais aussi un public qui découvrira un titre inédit, « Tu ressembles à Paris » (musique de Sacha Distel et paroles de Claude Lemesle) évoquant le coup de foudre d’un promeneur pour une femme qui flânait sur les quais de la Seine. Cette ballade romantique, orpheline de son créateur, était restée dans les cartons. Laurent Distel a ressorti le projet pour en faire une réalité heureuse. De leurs voix chaudes et suaves, Franck Sitbon et Charlotte Perrin interprètent cet amour évanescent qui émeut.
En plus d’être un bain de jouvence, ce show est la panacée contre la morosité de ces presque deux années de pandémie. Car ce nouvel album est un condensé de bonne humeur qui donne furieusement envie de danser et de chanter des airs que fredonnaient nos parents et grands-parents juste après-guerre, pour fêter la vie recouvrée… Danser, aimer, vieillir… N’y a-t-il rien d’autre d’essentiel ? Sans faire de comparaisons indécentes, la crise sanitaire a démontré combien la frivolité de l’être était nécessaire à l’attente des jours meilleurs. Pour cela, nos artistes – français, mais pas seulement – sont nos meilleurs amis, qu’ils soient à l’aube de leur carrière ou à l’orée de la postérité. Dans ce cadre, le CD Hommage à Ray Ventura & Sacha Distel est un « bis repetita placent ». Plus on l’écoute, plus on l’aime ; plus on l’aime, plus le sentiment de partage d’une culture commune domine.
Nathalie Gendreau
©Nathalie Gendreau
Distribution
Arrangement, direction d’orchestre, réalisation, guitare et voix : Raymond Gimenes
Trompette : Tony Russo
Saxophones, flûte et clarinette : André Villéger et Pierre Mimran
Trombone : Jean-Marc Welch
Claviers et voix : Bernard Arcadio
Contrebasse et voix : Tony Bonfils
Batterie : Thierry Chauvet
Piano et voix solo : Franck Sitbon
Percussions et voix solo : Charlotte Perrin
Claviers pour le live : Jean-Charles Guiraud
Voix : participation exceptionnelle dans « Venez donc chez moi » : Olivier Constantin.
En tournée en 2022.
CD Hommage à Ray Ventura & Sacha Distel, Éditeur La Société Prosadis, novembre 2021.
Durée : 1 h
Journaliste, biographe, auteure et critique culturel, je partage avec vous mes articles et avis. Si vous aimez, abonnez-vous !
Bravo Laurent Distel ! Cet hommage aux « Collégiens », proposé en CD par le fils de Sacha Distel, arrive au bon moment pour être l’antidote à la sinistrose qui nous gagne. Et si c’est le rappel vaccinal qui nous est promis aujourd’hui, je préfère d’abord imaginer les nombreux rappels mérités par cette troupe qui interprète des « tubes » que nos parents et nos grands parents fredonnaient déjà avec bonheur. Je connais quasiment tous les titres cités par Nathalie Gendreau mais j’ai non seulement envie de les réécouter mais je suis curieux aussi de découvrir le titre inédit « Tu ressembles à Paris » et d’accompagner sur les quais de la Seine le promeneur séduit par une silhouette féminine.
« Ça vaut mieux que d’attraper … le Covid ! »