“Le Roi Arthur”, le mythe réinventé

Temps de lecture : 4 min

 

THÉÂTRE & CO 

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥♥

 

Jean-Philippe Bêche et Morgane Cabot.

Après « Tony et Marilyn » en 2016, au festival d’Avignon, la deuxième pièce de Jean-Philippe Bêche se joue au théâtre de l’Épée de bois, à la Cartoucherie, à Vincennes jusqu’au 14 octobre 2018, avec la compagnie du Rameau d’Or. « Le Roi Arthur » est un projet qui a mûri pendant des années dans la tête de son auteur. Son investissement obstiné a permis de relever tous les défis ; sa recherche d’absolus se dévoile jusque dans les détails ; son texte vif et percutant, aussi affûté que l’épée flamboyante dans les combats, sonne fort et juste ; l’exaltation des sentiments nobles affrontant les forces du mal résonne avec lyrisme entre les murs de pierre au rythme des percussions. Cette revisite shakespearienne du mythe du Roi Arthur doit sa réussite à cette intensité dans les relations entre les personnages qui s’aiment et se déchirent avec fougue et brutalité. Comme par enchantement, la légende ressuscite et prend corps, violemment, massivement, virilement. Elle nous retient avec autorité dans ce décor de pierre et d’arcades, magnifié par les jeux d’ombre et lumière. Deux entités à la fois visuelles et tutélaires qui évoquent le bien et le mal, la lutte intérieure contre ses pulsions, ce déchirement désespéré entre l’amour et la trahison. Il n’en fallait pas moins pour cette superbe épopée du cœur !

Cette légende ramène aux contes de l’enfance

La légende du Roi Arthur fascine. Œuvres littéraires ou cinématographiques, le sujet est battu et rebattu selon l’inspiration du créateur. Créateur est le terme adéquat tant cette histoire aux thèmes universels peut se réécrire à l’infini suivant le tempérament de l’artiste, sa relation à l’autre et son univers imaginaire. Cette légende ramène aux contes de l’enfance, à cette partie de nous accrochée aux idéaux originels parfois déchus ou juste assoupis. Comme par magie, « Le Roi Arthur » de Jean-Philippe Bêche vient réveiller avec force éclat cette mémoire collective où il est question de bravoure, d’honneur, de courtoisie, de pouvoir, de haine, de jalousie, de trahison… et d’amour envoûtant.

Jean-Philippe Bêche, Antoine Bobbera, Erwan Zamor et Franck Monsigny.

Mais si la trame principale des chevaliers de la Table ronde est connue et les noms d’Arthur, Guenièvre, Lancelot, Merlin, Morgane, Mordred, etc., sont évocateurs (popularisée par la série parodique Kaamelott), qu’en est-il du fond de l’histoire, de ses ressorts psychologiques, des relations humaines manipulées par les puissances occultes ? La pièce de Jean-Philippe Bêche les explore tous avec humanité. Ainsi Mordred, le fils incestueux d’Arthur et de Morgane, grandit dans la vengeance et l’accomplit, guidé par la haine de sa mère. Mais derrière cette volonté absolue du mal, il y a la blessure indélébile de sa naissance. Pris dans leur complexité, l’auteur parvient à transfigurer tous les personnages fictifs en héros de chair. Le voile de l’artificiel en est déchiré. La légende peut s’incarner dans toute sa réalité augmentée.

Les joutes verbales rivalisent de superbe et de fièvre

Fabian Wolfrom.

Pendant 1 h 45, les voix, les gestes, les visages des dix comédiens sont amples et terriblement expressifs. Sans exception, ils emplissent l’immense scène par leur présence musclée ou intériorisée. Les amitiés se choquent avec vigueur, comme deux pintes de vin, pour célébrer les retrouvailles. Les sentiments amoureux se font caresse et s’exaltent dans l’interdit. Les confrontations armées et les joutes verbales rivalisent de superbe et de fièvre. Jean-Philippe Bêche est impressionnant dans ce corps de monarque pétri d’idéaux, qui commet l’imprudence de confier la protection de sa Guenièvre à Lancelot du Lac (Lucas Gonzalez), un géant facétieux et enflammé. Jérôme Keen est un Merlin dépourvu de barbe, à l’aura vigoureuse et magnétique, un brin sarcastique, qui veille au bon accomplissement des destins tout en en narrant les péripéties. Antoine Bobbera (Perceval), Erwan Zamor (Agravain) et Franck Monsigny (Gauvain) soutiennent leur rang de chevaliers celtes avec conviction et fermeté. Fabian Wolfrom parvient à insuffler au sinistre Mordred un terrible souffle d’humanité. Terrible car déstabilisant. Marianne Giraud-Martinez (Ygerne), Marie-Hélène Viau (la fée Morgane) et Morgane Cabot (Guenièvre) sont sidérantes de sensibilité et de force.

Et n’oublions pas le percussionniste Aidje Tafial, dont la rythmique puissante, parfois assourdissante, épouse les répliques, les combats et les silences de l’au-delà. L’ambiance de ce voyage épique est complétée par des passes d’armes chorégraphiées par l’excellent maître d’armes François Rostain et par des costumes magnifiques imaginés et confectionnés par Catherine Gorne Achdjian. Quant à la mise en scène, à l’épure mystique, on la doit à Jean-Philippe Bêche qui suscite l’imaginaire avec une scénographie alternant pénombre et lumière. Ce projet a peut-être eu besoin de longues années de maturation pour aboutir, mais l’attente en valait mille fois la chandelle !

Nathalie Gendreau

©Cédric Vasnier


« Le roi Arthur »
 

Distribution

Avec la compagnie du Rameau d’Or : Lucas Gonzalez, Franck Monsigny, Jean-Philippe Bêche, Antoine Bobbera, Erwan Zamor, Fabian Wolfrom, Marie-Hélène Viau, Morgan Cabot, Jérôme Keen, Marianne Giraud-Martinez.

 

Créateurs

Auteur : Jean-Philippe Bêche
Mise en scène : Jean-Philippe Bêche
Assistante à la mise en scène : Catherine Azzola
Maître d’armes : François Rostain

Création Lumières : Hugo Oudin
Maquillage, coiffures : Caroline Vlieghe
Musique : Daniel Scotto
Percussions : Aidje Tafial
Costumes : Catherine Gorne Achdjian

 

Du jeudi au samedi à 20h30 et le samedi et le dimanche à 16 heures, jusqu’au 14 octobre. Avec une relâche le 27 septembre, et les 4 et 5 octobre.

 

Au Théâtre de l’épée de bois Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris.

 

Durée : 1h45.

 

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