“Le premier amour est-il éternel ?”, Geneviève Senger (Les Presses de la Cité)

Temps de lecture : 3 min

Extrait (page 14)
“Médecin, c’est utile. Nécessaire. Indispensable, même.
Et, à quoi sert Nanablue, blogueuse influenceuse ?
A donner de la joie. Du plaisir. A allumer des étincelles dans les yeux, à faire briller les regards. Grâce à mes robes, corsages et autres frous-frous, je sème le bonheur, ces petites pépites qui font tant de bien. Quand j’apparais sur la grade toile, mes fans se mettent à vibrer.
Moi aussi, en quelque sorte, je répare les cœurs. Je soigne, je soulage, je console. J’apporte un zeste d’excitation dans un quotidien parfois morose. Comme un petit arc-en-ciel.
N’est-ce rien ? “

“Le premier amour est-il éternel ?”, Geneviève Senger

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Selon une étude britannique en 2016 rapportée par le site Passeport Santé, six personnes sur dix pensent encore souvent à leur premier amour et quatre sur dix auraient même conservé « des sentiments » pour lui ou pour elle. Le dernier roman de Geneviève Senger, « Le premier amour est-il éternel ? », aux Éditions Les Presses de la Cité, se penche justement sur la force d’un premier amour après l’usure du temps et de l’absence. Par définition, un premier amour est grand, unique, éblouissant, exclusif, inoubliable. Toujours idéal et magnifique, surtout a posteriori. L’auteure, fidèle à son écriture sur la richesse et la diversité des relations humaines, surfe sur plusieurs thèmes porteurs comme les secrets de famille et la vie de couple, sur ce qu’est le véritable amour, ce que vaut la raison quand les souvenirs exultent, malgré soi, à la faveur d’une facétie du destin. L’écriture virevolte dans un tourbillon de bons sentiments. On se laisse facilement emporter par le mal-être de l’héroïne qui nous attache à elle au fur et à mesure des révélations. Sans parler de suspense, la tension est maintenue jusqu’au bout et tient en haleine le lecteur. Devinez la fin n’enlève rien à la qualité de l’histoire, à la profondeur des personnages et à l’envie d’aller jusqu’au bout de cet amour éternel qui vient réparer le passé.

Résumé

Depuis qu’elle est la femme d’Édouard, chirurgien de vingt ans son aîné, Ariana se persuade que la vie est belle. Elle a tout pour être heureuse. Un mari qui la couvre d’attentions et un train-train passionnant de blogueuse influenceuse, activité qu’elle considère comme vitale pour ses abonnées, mais aussi pour elle-même. Vitale, parce qu’elle remplit un vide depuis que son père l’a séparée de son amoureux de jeunesse. Quand son mari est hospitalisé pour un infarctus, le monde s’effondre sur ses épaules, bien qu’elle sache pouvoir compter sur sa sœur Sophia. Elle est paniquée à l’idée de devoir régler les tracas du quotidien et s’occuper de ses deux enfants  : Héloïse, quinze ans, en pleine crise existentielle et Georges, sept ans, un surdoué renfermé. Quand Édouard sort du coma, elle pense que tout continuera comme avant. Elle était loin d’imaginer que son mari aurait envie de prendre enfin sa retraite. L’héritage de « L’Orée », une belle demeure ceinte de roses, à Cahors avec vue sur le Lot et le pont fortifié tombe à point nommé. La famille s’installera dans cette campagne qu’Ariana trouve bien trop isolée, même si elle y a de beaux souvenirs d’enfance. Elle ignore encore que les émois du passé la remettront sur le chemin de ce premier amour. Sa grand-tante Adèle qui lui a légué L’Orée y a veillé.

Pour approfondir

La question du titre « Le premier amour est-il éternel ? » est un fil d’Ariane qui tend l’histoire d’un bout à l’autre. Sur fond de secret de famille, Geneviève Senger déroule sa pelote d’une écriture vive et directe, usant de phrases courtes, voire nominales, à l’image des pensées de son héroïne. Capricieuse et égocentrique, Ariana n’en est pas moins consciente de ses travers qui lui viennent d’une adolescence compliquée, traumatisante. L’adulte n’est qu’une enfant brisée, en total décalage avec les siens. Au fil des années, son mari s’est progressivement enfermé dans le rôle du père protecteur, et l’amour passionné pour sa femme s’est réduit à l’envie de la protéger. Son père, auquel elle n’a pas pardonné, la juge futile et sa grande sœur Sophia agit comme une mère aimante et effacée. Personne ne parle du passé, pourtant tous ont en tête le premier amour d’Ariana, Mansour, un Syrien de Damas, dont le père tenait boutique dans un souk. Ariana, elle, l’a totalement occulté. En arrière-plan de cette histoire à la question rhétorique se plaque une préoccupation très actuelle face à l’immigration, et jusque dans les campagnes. Ainsi, Mansour est un journaliste syrien demandeur d’asile devenu ouvrier agricole à Cahors. Mais aussi se dessine en filigrane les bienfaits d’une agriculture bio, plus raisonnée, et d’une alimentation végane. Ces évocations par petites touches donnent à ce roman d’amour, de prime abord « feelgood », qu’on lit sur la plage, une connotation d’engagement sociétal, à l’instar de son héroïne qui de superficielle s’avère plus profonde.

Nathalie Gendreau

Éditions Les Presses de la Cité , 22 avril 2021, 272 pages, à 20 euros en version papier et 13,99 en version numérique.

2 réflexions au sujet de ““Le premier amour est-il éternel ?”, Geneviève Senger (Les Presses de la Cité)”

  1. A la question contenue dans le titre « Le Premier Amour est t-il éternel ? » j’ai très envie de répondre oui car je me souviens encore de la petite fille avec qui je partageais un banc à la maternelle et dont je parlais à ma Maman en lui disant que je voulais me marier avec « Janine du 4ème étage ». C’est tout ce que je savais de l’élue de mon cœur. J’avais 5 ans.

    Mais le livre que nous recommande Nathalie Gendreau évoque d’autres situations où le sentimental semble se mêler au sociétal. Alors, à quel premier amour donnerons nous le label d’éternel ? Celui de la prime enfance avec ses immenses joies et ses énormes tristesses effacées par un simple bisou de sa Maman ? Ou celui de l’adolescence quand le cœur communie avec l’esprit ? Ou, plus tard, lorsque la chair partage les premiers émois, en prélude au miracle de la Vie ?

    Le thème de ce roman a un avantage, c’est qu’il s’inscrit dans l’actualité que nous vivons mais, pour moi, il semble avoir un inconvénient… c’est de s’inscrire dans l’actualité que nous vivons. Car cette actualité, et l’usage qui en est fait par de nombreux penseurs médiatisés, génère des pensées parasites qui brouillent l’image de l’Amour en général et l’image du Premier en particulier parfois perdu dans couloirs du Temps.

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