“Le jouet d’Alexandre”, Nabil Nasr

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Extrait (page 250)
“Le tout n’aurait même pas dû commencer. La mèche de mon incarcération n’aurait jamais dû s’allumer pour ne pas provoquer des détonations en série que personne ne contrôlait. On n’était plus dans le cadre de l’enrichissement personnel, mais d’un appauvrissement certain, irrévocable. J’avais été mis en liquidation financière et en liquéfaction morale.”

“Le jouet d’Alexandre”, Nabil Nasr

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Un camion de pompiers en bois pour titre et symbole. C’est le symbole d’un rituel que Nabil Nasr a installé avec son fils Alexandre, à cette heure entre chien et loup où il rentrait du travail et passait du temps avec son tout jeune fils. Un moment précieux qui allait le raccrocher à l’espoir de sortir des tortures judiciaires. En ce 12 avril 1989, ce directeur de comptes dans une banque libanaise de Paris, appelée pudiquement « la banque », est mis en garde à vue par la Brigade financière, puis placé en détention « provisoire » à la Santé. Il est suspecté d’avoir favorisé l’escroquerie d’un client qu’il avait en portefeuille. À partir de cet instant, les portes de l’enfer s’ouvrent sous ses pieds. Tout semble se liguer contre lui et le désigner coupable. Il clame son innocence, reconnaissant seulement d’avoir pêché par négligence. Mais nul n’entend ses arguments ni ne voit l’évidence de la bévue policière. Menotté comme un criminel, bâillonné par la sidération, ce Franco-Libanais se voit précipité dans un dédale de batailles judiciaires aussi improbables que destructrices, dont il ne sortira blanchi qu’au bout de dix ans, le moral broyé et l’honneur entaché. « Le Jouet d’Alexandre », aux Éditions Dacres, est un cri des entrailles qui vrille le cœur et ébranle la foi en la justice. Il ressemble à un règlement de compte entre l’auteur et son histoire, dont la finalité serait de redresser les torts de la Justice et de solder à jamais la douleur.

Résumé

Pourtant, tout semblait sourire à Nabil Nasr. Né au Liban, dans une famille aimante, il avait grandi dans le respect des traditions et des valeurs. Catholique, sérieux dans ses études, brillant joueur de Bridge, dévorant la vie et ses plaisirs, il s’était trouvé une place dans une banque libanaise, où il était remarqué par son enthousiasme et sa force de travail. Il y avait rencontré Christiane, mais n’était nullement pressé de se marier. Le Liban qu’il aimait était entré dans les turbulences de la guerre, dans lesquelles chacun devait louvoyer chaque jour pour éviter les échanges de tir et les attentats. Alors, quand on lui propose une place dans une filiale de la banque à Paris, sur la magnifique avenue des Champs-Élysées, il n’hésite pas une seconde, même s’il a le cœur déchiré de devoir quitter sa famille. Christiane le suit. Bientôt, l’homme qui ne voulait pas s’engager inaugure une vie à deux qu’il apprécie de plus en plus. Christiane est la femme qui lui convient, elle est extraordinaire de sagesse et de tendresse. Elle le démontrera tout au long du calvaire judiciaire qu’ils vont traverser, le dos courbé par le poids trop lourd de l’injustice, mais l’âme altière et le cœur gonflé d’amour.

Pour approfondir

Nabil Nasr compare la justice à une machine à broyer. À travers « Le Jouet d’Alexandre », il en démonte l’implacable mécanique. Ce récit est aussi l’histoire du deuil d’une décennie infernale, durant laquelle il a affronté les eaux tumultueuses d’un « Cap Horn » judiciaire hors norme. Il le doit à ses deux enfants qui l’ont pressé d’écrire l’histoire de ce combat d’emblée inégal, car constamment à charges. Sa bonne instruction et son intelligence pouvaient laisser penser qu’il serait à même de se défendre des accusations. Mais l’acharnement judiciaire, une mauvaise défense, ses droits les plus élémentaires bafoués… et l’incarcération ont eu un effet de sidération sur lui. Les mois de détention dans une cellule aux parois suintantes et au lieu d’aisance immonde ont miné sa capacité à répondre à hauteur de l’attaque. Mais comment garder raison et clairvoyance ? Au cœur d’un cyclone, rien ne résiste… Il a fallu trente ans à Nabil Nasr pour réagir. Dans un style combatif, l’auteur retrace son traumatisme par le prisme de son amour pour la vie et sa famille. S’il dit avoir tiré des enseignements de ces épreuves, il nous apporte aussi un éclairage sur un Liban englué dans la guerre, un monde bancaire complexe et un système judiciaire obsolète. Un récit édifiant qui donne à réfléchir aux aveuglements de la Justice.

Nathalie Gendreau

Éditions Dacres, 1er décembre 2020, 372 pages, 18 euros.

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