Extrait (page 90)
“Le Bazar du zèbre à pois”, Raphaëlle Giordano
“Giulia se fait la réflexion que le plus important est de se mettre en chemin, même si elle ne sait pas encore où elle va. Sonner le glas de l’inertie, voilà déjà un grand pas. Seuls ceux qui cherchent ont une chance de trouver, répète-t-elle en boucle comme pour se donner la force d’avancer. Car avancer dans le brouillard n’est pas chose aisée. Acceptée l’idée du flou, comme un mal nécessaire, est inconfortable.”
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥
Encore un titre qui fait frisotter les neurones de plaisir par l’image suggérée. À l’instar du « Jour où les lions mangeront de la salade verte », « Le Bazar du zèbre à pois » (éd. Plon) entrebâille une porte, sinon l’ouvre grand, pour laisser filtrer l’énergie créatrice dans notre imaginaire. Plus ludique qu’un ouvrage de développement personnel, plus enthousiasmant qu’un conte moral, ce roman sur l’être et l’état d’esprit s’inscrit dans la lignée des fables, teintées de romanesque et de philosophie. Sans prétendre changer nos vies, il interroge nos choix, notre ouverture au changement, nos rêves abandonnés ou avortés, et notre capacité à pratiquer « l’audacité ». Ce mot-valise constitué de l’audace et de la ténacité est une clé qui déverrouille les peurs, une incitation à élargir le champ des possibles, sans pensées castratrices. Auteure à la poésie omniprésente, au style leste, à l’imagination foisonnante, Raphaëlle Giordano nous régale avec ce roman qui se dévore des yeux, avant de laisser infuser en soi l’écho des pensées. À la fin, vous voudrez, vous aussi, aiguiser votre regard pour ne plus privilégier tel ou tel hémisphère de votre cerveau, mais de l’envisager comme ambidextre. La clé de l’harmonie en soi.
Résumé
Lassé de la course à la réussite et vidé de son essentiel, Basile revient à Mont-Venus, sa ville natale. Il y a créé une boutique d’objets hétéroclites, des inventions décalées qui ne servent à rien, si ce n’est interpeller, susciter une réflexion, un sourire, une réaction. L’inventeur aux créations ludiques et farfelues veut s’offrir un nouvel art de vivre pour se réconcilier avec les plaisirs simples et authentiques. Son premier client est un ado rebelle à l’intelligence non conventionnelle. Arthur est un graffeur qui s’épanouit sur les murs de la ville, au grand dam de Louise Morteuil, rédactrice en chef de la Dépêche Du Mont et fondatrice de l’association Civilissime. Cette femme acariâtre voit d’ailleurs d’un mauvais œil l’installation de la boutique au nom suspect. Elle n’aura de cesse d’incriminer son créateur pour lui faire fermer boutique. Par tous les moyens possibles, honorables ou pas. Loin de s’imaginer ce qui se trame, Basile a pris sous son aile Arthur en lui offrant un travail. Il se reconnaît en lui, au même âge. Il veut l’inciter à se révéler dans sa singularité, à faire fi de cette obsession d’être dans la normalité et à accepter d’être atypique. Cette belle rencontre de deux atypiques – que l’auteure qualifie de « silex » – lui permettra de faire la connaissance de la mère d’Arthur, Giulia. Un « nez » extraordinaire qui s’ennuie dans la conception d’odeurs de produits d’hygiène corporelle.
Pour approfondir
Êtes-vous un « audaciel », un « audacieux » au singulier… un audacieux singulier ? Dans son quatrième roman, Raphaëlle Giordano donne envie de l’être, de croire en ses rêves, de faire des folies, même si l’on n’est pas un « zèbre », c’est-à-dire une « personne à haut potentiel », selon la psychologue Jeanne Siaud-Facchin. Que l’on soit inventeur ou pas, réenchanter sa vie est à la portée de tous. Après la lecture de ce roman, vous en serez non seulement persuadés, mais en sus, les projets – trop vite enfouis au nom de la raison – se bousculeront au portillon, faisant des appels de phare pour vous inviter à les reconsidérer, les envisager autrement, c’est-à-dire dans un état d’esprit plus ouvert, plus confiant, plus aventureux. Les projets ne sont-ils pas une force incroyable qui pousse à expérimenter, à évoluer, à réussir, même en échouant, les échecs étant des étapes essentielles pour trouver la bonne voie, sa propre voie/voix. Sur un scénario d’apparence léger et truffé d’humour, les personnages dégagent une profondeur lumineuse, même la terrible Louise Morteuil que la philosophie du zèbre parviendra peut-être à amadouer. Qui sait ? Tout est possible quand la confiance en soi, mais aussi en l’autre, est en ordre de marche. Alors, osons ! Soyons heureux !
Nathalie Gendreau
Éditions Plon, 14 janvier 2021, 330 pages, à 18,90 euros en version papier et 12,99 en version électronique.
Journaliste, biographe, auteure et critique culturel, je partage avec vous mes articles et avis. Si vous aimez, abonnez-vous !
« Le bazar du zèbre à pois », voilà un titre atypique pour le roman que Nathalie Gendreau nous propose aujourd’hui. Et si l’auteur, Raphaëlle Giordano, qualifie ses deux héros de « silex », leur rencontre a déjà produit l’étincelle qui a séduit la critique.
Faut-il voir dans cette allégorie les prémices du feu salvateur qui détruira enfin les œillères dont on affuble trop souvent notre jeunesse avant de la lancer dans la course à la réussite. Course effrénée qui nous fait passer trop vite devant des bonheurs simples, sans prendre le temps de les regarder « comme il faut ». Course diabolique aussi car, dans le moteur de ce char satanique les engrenages dévorent nos plus belles années et rares sont ceux qui trouvent la force d’enclencher à temps la marche arrière salvatrice.
Raphaëlle Giordano utilise le mot « audacité » (audace+ ténacité) pour désigner la clé qui déverrouille les peurs qui nous empêchent de quitter ce « droit chemin » tracé par les « bien pensants ». Le quitter c’est parfois risquer la chute mais, comme nous le rappelle Socrate, « La chute n’est pas un échec. L’échec c’est de rester là où on est tombé. »
L’un des héros de ce roman s’appelle Basile, et ce prénom ancien m’a inspiré une autre conclusion, celle de la chanson de Line Renaud « Où vas-tu Basile… ». (Vous trouverez la chanson sur You Tube). Ce Basile qui se fait arnaquer tout le long de son chemin mais qui, grâce à ces épreuves, finit par trouver l’amour.
Alors osons ! Soyons heureux ! nous recommande Nathalie. Je partage avec bonheur.