« Laurent Gerra sans modération », une cuvée très spéciale !

Temps de lecture : 4 min

 

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥♥

Les shows de Laurent Gerra se suivent et se réinventent sans cesse. On connaît les voix et les gestes, on reconnaît les personnages, les anciens et les nouveaux, on attend l’humour grinçant et le verbe qui n’a peur de rien, comme une Madeleine de Proust. Bref, on sait ce que l’on va voir. Et pourtant, dès qu’il entre sur scène, c’est comme si on découvrait tout pour la première fois. Mais comment fait-il ? Avec son spectacle « Sans modération », millésimé « inédit », cette magie inexplicable est renforcée par le cadeau que l’artiste fait à son public pour fêter ses cinquante ans et ses presque trente ans de carrière. Il ouvre son album photo familial et livre des anecdotes, comme l’enfant qui ne rêvait que de monter sur scène. Il avait cinq ans en 1972 et déjà il imitait Michel Sardou sur sa chanson Les Bals populaires. Si la cuvée 2018 est exceptionnelle par ce double anniversaire, elle devient aussi mémorable par cette pointe de tendresse qui remonte d’une enfance heureuse, dont il émaille son spectacle. Un Laurent Gerra inattendu, surprenant, émouvant.

Sans retenue, ni censure, ni autocensure

A Lyon, aux Nuits de Fourvière – ©Stéphane Guiochon

Accompagné de six musiciens, dans un décor d’arrière-scène de théâtre et de loge, Laurent Gerra se remémore ses cinq décennies avec une verve décapante et une plume trempée dans l’acide. Il en use et abuse avec la virtuosité que l’on connaît et attend avec une joie trépignante d’impatience. Il égratigne allègrement, poussant loin la caricature. L’artiste est aimé, son humour grivois, grinçant et irrévérencieux plaît. Sa marque de fabrique est l’accentuation des travers de ses pauvres cibles qu’il prend malin plaisir à brocarder avec l’ironie bien aiguisée, dans la digne lignée des chansonniers. Sa vision personnelle, et donc originale, de l’actualité et de ceux qui la font est un détournement sans retenue, ni censure, ni autocensure. Outre les blagues salaces et les jeux de mots graveleux que l’on prise sans se lasser, c’est sa totale liberté de ton qui emporte l’adhésion du public. Une liberté que l’on croyait gagnée à tout jamais, mais qui encaisse d’inattendus revers de l’ultra bien-pensance. Rire avec Laurent Gerra est donc un acte de résistance ! Car, on veut rire de tout, et surtout du pire !

De la dentelle oratoire !

A Lyon, aux Nuits de Fourvière – ©Stéphane Guiochon

Et le pire, le chroniqueur sur RTL et ses coauteurs complices, tels Jean-Jacques Peroni et Régis Mailhot, s’y entendent à merveille. L’imitateur écorne sans scrupule hommes politiques, chanteurs, acteurs et toutes personnalités faisant l’actualité, l’air de rien, en chansons et en sketchs, dont beaucoup sont nouveaux. Plus de soixante-dix imitations, les unes plus hilarantes que les autres. Un geste esquissé annonce sans trompette la victime caricaturée. Apparaît l’ex-président en pêcheur casqué aussi muet qu’une carpe mais si éloquent en mimiques hallucinées ! Puis, un ex-ex-président se confie sur le divan de Marc-Olivier Fogiel. Quant au nouveau président, il se retrouve aux côtés de Jacques Martin pour une École des fans où la maîtresse s’appellerait Brigitte. Fabrice Luchini s’immisce dans la partie en fustigeant “les réseaux des cas sociaux” sur l’air du Corbeau et du Renard dévoyé en Le Bobo et le Ringard. De la dentelle oratoire ! Sans oublier l’inénarrable imitation de Jack Lang qui, en tant qu’actuel président de l’Institut du monde arabe, commente un défilé de mode islamique, en déchiquetant au passage le niqab par l’ironie : « On ne sait jamais quelle femme on va trouver dessous. Si ça se trouve, c’est une bombe ! » L’audace provoque une déflagration de rires ! Tout comme celle de l’imitation de Laurent Ruquier pouffant, plus vrai que nature ! Outre toutes les voix qu’il aime parodier, il y en a de célèbres qui nous ont quittés en 2017. Laurent Gerra retiendra celle de Johnny Hallyday sur un émouvant Gabrielle, en hommage au chanteur qui l’avait invité pour un duo impressionnant au Parc de Sceaux, en 2000.

Se moquer de tant de monde et ne se fâcher avec personne

L’anniversaire surprise de Laurent Gerra, à l’Olympia, le 29 décembre 2017 – ©Nathalie Gendreau

Sur la scène de l’Olympia, à Paris, en ce 29 décembre 2017, jour de ses cinquante ans, l’émotion a atteint son paroxysme avec un rappel vibrant du public sur l’air de « Joyeux anniversaire Laurent ». Après Charles Trenet, Claude Nougaro, Henri Salvador et tant d’autres chanteurs disparus, les danseuses de revue du Moulin des Roches (Toulouse) sont apparues froufroutantes de plumes et de paillettes, évoluant autour d’un Laurent Gerra ébahi, ravi, conquis. Puis, Les Godin’s, mère et fils, ont fait une entrée remarquée sur la scène avec le gâteau d’anniversaire. Les deux comiques lui ont adressé un éloge dithyrambique sur des rimes amusantes, dans lequel ils lui reconnaissent l’exploit de parvenir à se moquer de tant de monde et ne se fâcher avec personne. Mais peut-on rivaliser avec ce ferrailleur du verbe hors pair ? Quoi qu’il en soit, la prouesse est si rare qu’il est permis de croire que derrière les railleries se cache un vrai gentil, mais qui ne s’en laisse pas conter. Y a pas à dire, cette cuvée-là, elle est terrible !

Nathalie Gendreau



« Laurent Gerra sans modération »

Distribution

Interprète : Laurent Gerra.

Créateurs

Auteurs : Laurent Gerra, Jean-Jacques Peroni, Régis Mailhot.
Musiciens : André “Momo” Kechida, Philippe “fifi” Chayeb, David Mignot, Roland Romanelli, Jean Philippe Audin et Claude Brisset.
Ingénieur du son : Franck Perrot.

Production : TS3 Prod.com

En tournée en province avec 40 dates.

Durée : 2 heures.

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