THÉÂTRE & CO
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥
Courteline et sa puissance comique, Courteline et ses formules imagées… on ne s’en lasse pas ! La Compagnie La Boîte aux Lettres nous régale une fois de plus, après son très réjouissant “Le jeu de l’Amour et du Hasard“, de Marivaux, mis en scène en 2017. Là, sur la scène du théâtre Lucernaire, elle revisite sept saynètes caustiques tirées des essais philosophiques du dramaturge, exemplaires d’une époque et de ses mœurs sur des sujets de société qui n’ont pas vieilli d’une ride ! Le metteur en scène Bertrand Mounier a choisi d’ouvrir plus large le lit de la rivière de l’absurdité pour que les situations comiques et l’énergie formidable des comédiens puissent y prendre leurs aises. Des aises qui, le temps de la performance, défrisent la morosité et claquemurent les idées noires.
Sept saynètes, donc, pour révéler à outrance la complexité des relations interpersonnelles. Citons la savoureuse discussion surréaliste entre un patron mécontent de l’absence maladive de son employé, lequel plaide pour ses insondables tourments à l’idée d’être licenciés qui l’empêchent de franchir la porte de son bureau. Que dire de cette joyeuse et épique passe d’armes entre un mari à la jalousie revancharde sans envergure et une épouse joliment excédée par la couardise pleurnicharde de son homme ? La justice, également, est brocardée à travers la plainte d’un mari cocu qui se verra débouté pour ne pas avoir assisté à la consommation de la faute et de s’être abstenu du soutien juridique d’un huissier par pingrerie. Allez, encore une ! Pourquoi résister quand toutes ces situations sont à croquer de rire ? Celle où deux amies se retrouvent pour se plaindre : l’une d’avoir été cocue, l’autre d’avoir virée la bonne au moment même du décès de sa belle-mère. N’est-ce pas fâcheux ? Des bourgeoises de la fin du XIXe dans toute leur splendeur, passant de la futilité à la gravité avec une même intensité.
L’Affaire Courteline est une comédie enlevée et lumineuse qui plonge au cœur de l’œuvre de Courteline. Pour y être en totale apnée, le metteur en scène invite les coulisses à entrer sur scène. Six tabourets de bar répartis côté cour et côté jardin. Des costumes clinquants et colorés attendent de briller sur des comédiens froufroutant dans une joyeuse cacophonie entre deux saynètes. Une musique agréable annonciatrice d’un nouveau tableau-surprise. Et c’est reparti, dans un rythme effréné ! Ce soir-là, Isabelle De Botton, Philippe Perrussel, Salomé Villiers, Étienne Launay et Pierre Hélie donnent le meilleur, avec ce ton si délicieusement débordant de gouaille, de rondeur ou d’affectation selon les rôles. Ils sont pétillants de justesse en chaussant nombre de défauts, d’écarts, de travers, et même de vices, de leurs personnages. Ils aiment Courteline, cet amour-là ne trompe pas à la ferveur de leur jeu ! Pour parachever cette agréable fantaisie, ils s’offrent même le plaisir d’entonner quelques chansonnettes pas piquées des vers… Mention spéciale pour “La rate qui se dilate“, une prouesse d’élocution qui a le bon ton de nous dilater le cœur ! On nous l’avait bien chanté en ouverture de spectacle : “Amusez-vous de tout, foutez-vous de tout !”
©Franck Harscouët
Distribution
Avec Isabelle de Botton, Salomé Villiers ou Raphaëlle Lemann, Pierre Hélie, Philippe Perrussel, Etienne Launay, Bertrand Mounier ou François Nambot.
Créateurs
Auteur : Georges Courteline
Mise en scène : Bertrand Mounier
Collaboration artistique : François Nambot
Scénographie : Virginie H. et Bertrand Mounier
Costumes : Virginie H.
Création musicale : Kahina Ouali
Création Lumière : Bertrand Mounier et François Nambot
Coq Héron Productions en partenariat avec La Boîte aux Lettres
Du mardi au samedi à 19h, et le dimanche à 16h, jusqu’au 6 mai 2018. Relâche les 6, 10 et 14 avril 2018.
Au Théâtre du Lucernaire, 7 Boulevard Montmartre, Paris 75002.
Durée : 1h20.
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