Extrait
“L’enfant voit le jour le 15 septembre 1894. Il se prénomme Jean (Renoir) et Gabrielle l’aime déjà. À l’inverse de ses parents, qui le disent assez laid, elle le trouve beau comme un ange et le crie haut et fort. N’est-ce pas elle qui devra prendre soin du nourrisson ? Elle estime donc avoir son mot à dire.
À partir de ce moment, Gabrielle délaisse l’atelier du peintre pour se consacrer au bébé. Une mission dont elle s’acquitte avec cœur, patience, tendresse et fierté, comme le ferait une mère. Ainsi, Aline, délivrée de cette charge, se repose sur elle et lui accorde sa confiance.” (Page 30.)
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥
Avec « La vie rêvée de Gabrielle », Lyliane Mosca nous propose une biographie romancée qui déborde de vie, faite de couleurs et de lumière, de tendresse et de colères. Elle nous brosse le portrait de Gabrielle Renard, une femme de l’ombre que la postérité a oubliée. Pourtant, elle fut la muse la plus aimée d’Auguste Renoir qui voyait en elle l’idéal féminin. Elle est peinte sur de nombreuses toiles depuis 1894, l’année de son entrée au service des Renoir en tant que bonne, puis nourrice de Jean (le futur cinéaste). L’auteure nous livre le parcours passionnant d’une femme déterminée et si dévouée à son patron et à ses enfants qu’elle s’est peu à peu imposée comme la seconde maîtresse de maison, provoquant la jalousie d’Aline, l’épouse et l’ancien modèle du peintre. S’inspirant de faits réels, l’auteure dessine de nouvelles perspectives aux événements historiques grâce à une palette toute personnelle de personnages de caractère en quête d’amour, de beauté et d’absolus.
Persuadée qu’un destin l’attend loin de sa Champagne natale, Gabrielle Renard ne tergiverse pas quand Aline, l’épouse d’Auguste Renoir qui est enceinte, lui propose de l’employer comme bonne à tout faire et nourrice, dans leur maison de Montmartre. Elle accepte, tant elle souhaite trouver le grand amour ! Ce grand amour, elle le trouvera… mais sous différentes formes. Très vite, Gabrielle développe une admiration sans bornes pour le peintre et un amour infini pour son fils Jean, qu’elle considérera comme son fils. Sans état d’âme, elle pose pour Renoir, en toute simplicité, espiègle et joueuse, n’hésitant pas à se dévêtir entièrement, au nom de l’art. Ces longues heures à discuter lors des poses les rapprochent. Leur intimité grandit, abolissant toutes conventions. L’intérêt du peintre pour elle la rend forte, sûre d’elle et de son pouvoir, créant une animosité entre les deux femmes qui gèrent la maisonnée. Il y aura des heurts, des portes qui claquent, des pleurs, mais aussi beaucoup de joie et de rire. Et au final, énormément de tendresse.
Pour ce roman très vivant, Lyliane Mosca a nourri sa narration de faits avérés à partir de plusieurs ouvrages, dont Gabrielle d’Essoyes, de Bernard Pharisien (petit-neveu de Gabrielle Renard) et Pierre-Auguste Renoir, mon père, de Jean Renoir. Cette authenticité ajoute au plaisir de lecture qui dévoile, à travers les yeux de son héroïne, l’intimité de l’un des plus grands peintres du mouvement impressionniste et plus largement d’une famille d’artistes qui ont marqué la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Pour notre plus grand bonheur, l’auteure nous plonge dans le processus de création des œuvres d’Auguste Renoir, ses inspirations, ses colères et ses souffrances physiques à la fin de sa vie. En plus de nous éclairer, elle nous fait découvrir les lieux de villégiature du peintre où il aime s’installer et soigner ses rhumatismes. Dans ces différentes maisons, on y côtoie beaucoup d’autres artistes de renom. « La vie rêvée de Gabrielle » n’est pas qu’un roman très agréable à lire, il met en lumière une relation passionnée et exclusive, considérée comme troubles par l’entourage, que l’auteure parvient à dépeindre avec pudeur et finesse.
Nathalie Gendreau
Éditions Presse de la Cité, 15 mars 2018, 368 pages, à 21 euros.
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