« La petite fille vêtue de rose », où l’enfer carcéral au féminin

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Jusqu’au 27 décembre 2017, le théâtre Montmartre Galabru se réinvente en prison pour une pièce édifiante sur les conditions de détention des femmes aux États-Unis, en 1999. Derrière la candeur du titre, “La petite fille vêtue de rose” s’exprime le monde intérieur des personnages. Si les prisonnières évoluent en survêtements gris dans leur cellule glauque et insalubre, leurs rêves sont colorés d’un camaïeu de rose, entre innocence et ingénuité, imprimant dans les cœurs un désir vigoureux de liberté et une faim dévorante d’amour. Les codétenues Gaëlle (Sevda Bozan) et Nevena (Coralie Miguel), deux femmes au profil différent, doivent cohabiter de gré ou de force. De force, se supportant, de gré s’apprivoisant. Les mois défilent, passant du silence brutal à la complicité mutine, jusqu’à l’amour et la libération. L’une effective, l’autre sublimée. Le texte de Coralie Miguel touche et la mise en scène au souci du détail soigné de Marina Gauthier frappe par son réalisme et sa crudité. Une histoire qui prend au col.

Une cellule aux murs souillés, deux lits de camp squelettiques au milieu desquels s’insèrent les commodités à l’aspect peu ragoûtant. Le décor est planté, l’esprit du public est mis en détention, son cœur se rend. Le drame peut survenir, les effets sont assurés. Gaëlle est une jeune gynécologue, à l’avenir tracé en ligne droite. Mais au volant de sa voiture, elle provoque un grave accident qui la conduit en prison. Son arrivée dans la cellule de Nevena qui purge une lourde peine ressemble au jeu de l’intrus. Jeune femme sans histoire, elle n’est pas préparée à la brutalité du lieu, ni à la violence d’Amanda, la matonne (Thaïs Lamothe), l’incarnation de la perversité et du sadisme, ni aux maltraitances physiques et psychologiques. Nevena est isolée, silencieuse, occupant son temps à fabriquer des miniatures de maisons et couchant sur le papier son rêve de liberté. Bientôt, la défiance dépassée, les deux femmes que tout oppose, tant leur vie d’avant que leur personnalité, vont se rapprocher et tisser des liens que l’isolement et le soutien dans l’épreuve renforcent. L’une apprenant à l’autre comment tenir tête à la vie qui la malmène, et l’autre réapprenant à l’une à faire de nouveau confiance. Chacune découvrira une nouvelle aptitude à aimer, différemment et puissamment, au-delà des frontières du commun. Rien ne s’échappe des murs de la prison de York, hormis le parfum d’amour qui noue pour l’éternité deux femmes hétéros.

Dans ce milieu carcéral, une chape de plomb recouvre les cris de peur et les pleurs de détresse. Le public est happé par ce maelström d’émotions intenses et déchirantes qui défilent avec les différents tableaux symbolisant les mois qui passent. Les moments d’horreur sont conditionnés par le tintement des clés annonciateur de l’entrée de la matonne et de ses sévices. À l’abri des regards, les codétenues s’étranglent puis s’ébattent avec la même énergie. Les comédiennes occupent tout l’espace, souffrent avec leur personnage. Coralie Miguel est une Nevena aux émotions exacerbées qui explosent de peur d’être touchées au cœur. Sous son survêtement gris, sa pâleur ajoute à la gravité, à l’espoir meurtri, à l’effacement d’une féminité brimée, puis réprimée. Pour son premier rôle sur les planches, Sevda Bozan joue sans retenue une Gaëlle à l’ingénuité pleurnicharde avant de muer son personnage en femme résolue et hardie, prête à en découdre avec le monde entier.

Ce drame ponctué de moments joyeux, précieux car intervenant comme une pause au malheur et une respiration à la douleur, saisit le public dès la première scène et l’installe dans une réalité terrifiante. Les femmes en prison ne sont pas exemptes de violence carcérale. En cela, l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes est parfaite ! Quant à l’humanité, la copie des gouvernements est à revoir. Le savoir est une chose, le vivre à travers le théâtre vivant en est une autre. Quels sont les ressorts de l’âme humaine pour survivre à des situations psychologiques extrêmes ? D’où vient la force intérieure ? Coralie Miguel propose une réponse avec sa pièce. Elle lui appartient, en même temps qu’elle en exprime l’universalité. La force de chacun ne prendrait-elle pas d’abord naissance chez l’autre ?

Nathalie Gendreau

 


« La petite fille vêtue de rose  »
 Spectacle écrit par Coralie Miguel. 
Mis en scène : Marina Gauthier.
Avec Sevda Bozan, Coralie Miguel, Thaïs Lamothe
Avec en alternance : Eléonore Hendriks, Sarah Scotté, Roxane Turmel.
Production Lyan Concept Prod.

 

Au Théâtre Montmartre Galabru,
4 rue de l’ Armée d’Orient,
75018 Paris.
Tous les mercredis, à 21 h 30, jusqu’au 27 décembre 2017.

Durée : 1 h 30.


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