PORTRAIT PASSION
par Nathalie Gendreau
Un parcours comme sur une portée de musique, fait de mesures et d’intensité, avec de nombreux talents à la clé pour ouvrir les portes d’une vie d’enseignant et de producteur de concerts. De l’énergie et un tempérament entreprenant en sus, guidée par un désir ancré depuis toujours de désacraliser la musique classique pour la rendre accessible à tous. Voilà une ambition bien menée qui conduit Claire de Castellane vers le tournant de sa carrière : l’antenne de France Musique !
« C’est un rêve d’enfant qui se concrétise ! » Claire de Castellane porte haut l’élégance de la musique classique dans son enthousiasme. Des yeux noirs intenses et des joues roses de plaisir servent un visage radieux et déterminé. Et pour cause, elle joue un contre-la-montre professionnel qui l’emporte dans une chevauchée fantastique et conquérante. Elle doit préparer pour France Musique la grille de programmation de cet été, du lundi 22 août au dimanche 28 août, de 14 heures à 17 heures.
Cela faisait quelques années que la journaliste et animatrice de Radio Notre-Dame proposait ses compétences et son énergie créatrice à France Musique. Ce n’était peut-être pas le bon moment, peut-être pas les bonnes personnes. Un clin d’œil du destin a suffi pour faciliter la rencontre décisive. « C’était aux Folles journées de Nantes (février 2016), raconte Claire de Castellane. C’est le festival d’Avignon de la musique classique, où la fine fleur vient jouer avec des propositions neuves. C’est le lieu idéal pour expérimenter. » Accréditation en poche, la journaliste avait fait le déplacement pour faire le plein d’interviews pour son émission Signature musicale, diffusée le lundi à 6 h 17. Et c’est là qu’elle fait la connaissance de Pierre Charvet, le directeur des programmes de France Musique.
Certes, c’est un rêve qui se réalise, mais qui est aussi le résultat d’un travail continu qu’exige toute passion. La musique ne fait pas exception. Claire de Castellane ne s’est jamais posé la question de l’effort. Elle n’imaginait pas sa vie sans la musique, elle qui conçoit sa vie par le filtre musical. Pourtant, elle n’est pas née dans une famille mélomane. Sa vie aurait peut-être pris un autre chemin si une amie de sa mère ne lui avait pas rapporté qu’elle chantait comme un rossignol. « Mes parents avaient le souci que mon frère jumeau et moi évoluions dans notre propre univers, pour éviter d’être trop souvent ensemble », explique-t-elle, considérant ce principe comme bon. C’est pourquoi, à sept ans, après un concours d’entrée, elle intègre l’école élémentaire Didion-Raugraff, à Nancy, qui offrait l’avantage d’aménager les horaires. L’école le matin, et la musique l’après-midi. Elle se souvient que les élèves passaient deux examens par an, pour chaque matière (instrument, solfège, chorale), avec la menace d’un renvoi après un échec. « J’ai chanté dans les chœurs de l’Opéra de Nancy, précise-t-elle avec émotion, et j’ai appris le piano. Cela a été une formation formidable qu’il faudrait développer davantage. »
À la suite d’un cursus complet, Claire de Castellane a commencé sa carrière comme professeur de solfège avec l’idée d’avoir beaucoup reçu et la volonté de faire partager la musique classique en offrant les clés de ce langage. Puis, elle est partie au Luxembourg pour suivre son mari. « C’est ce qui m’a fait bifurquer, s’enflamme-t-elle. Dans ce pays, la première expression artistique est la musique ! J’ai pu créer des cours de culture musicale pour adultes qui en ressortaient enthousiastes. C’est là aussi que j’ai expérimenté l’introduction de concerts. Quarante-cinq minutes avant le concert, je présentais l’œuvre en français, en anglais et en allemand. Des conversations formidables s’initiaient entre les musiciens et le public. »
De retour en France en 2005, et dans ce dessein de rendre la musique accessible à tout public, Claire de Castellane met en place des concerts commentés pour les entreprises, qui en sont très friandes. Elle aimerait aujourd’hui trouver un lieu pour le proposer au grand public. C’est un projet qu’elle espère concrétiser, le moment venu, après la bonne rencontre. Dans cette attente, elle intervient aussi, par l’intermédiaire de l’association C’Possible, dans les lycées de la dernière chance qui accueillent des élèves en échec scolaire. La musique pour redonner l’estime de soi, belle et grande idée que défend l’enseignante Claire de Castellane. « J’ai besoin de convertir le monde, reconnaît-elle. On vivrait mieux si on vivait plus en musique. il y a trop de bruit, trop de parasites. La musique est le parent pauvre de la culture française par rapport à d’autres pays, où la musique est vitale. »
En 2006, toujours guidée par ce désir de rendre accessible la musique classique à tous, Claire de Castellane soumet une idée d’émission à Radio Notre-Dame qui l’accepte. Parole et Musique proposait aux auditeurs de décrypter la musique classique en leur apprenant à écouter et repérer un style, une époque ou un compositeur. Elle se remémore avec émotion : « Ma première émission portait sur l’apprentissage de l’écoute d’une œuvre. Pour bien écouter, il faut se focaliser sur la basse, car c’est sur elle que tout repose et que tout s’éclaire. » L’émission de 52 minutes est un tel succès que l’animatrice reçoit beaucoup de courriers lui exprimant de la reconnaissance. Cela faisait tellement longtemps que les auditeurs attendaient qu’on leur parle de musique, qu’ils s’intéressaient de savoir comment le compositeur l’avait pensé et à quel moment de sa vie. En donnant les clés d’analyse, Claire de Castellane venait de donner de la chair à la musique.
Alors que l’animatrice pensait en rester à la pédagogie musicale, on l’a pressée d’interviewer des invités. Elle s’est laissé convaincre, non sans appréhender le nouveau concept, n’étant pas journaliste. « Je ne voulais pas trahir un métier que je n’avais pas appris », précise-t-elle. Mais, en pratiquant, elle s’est découvert un don et un ton, et un certain talent à donner confiance et à faire parler. Elle savait d’instinct les questions à poser, sa grande connaissance musicale et son bagage d’enseignant faisant le reste. L’émission a duré de 2006 à 2012. Cette année-là, Claire de Castellane a souhaité sortir de la case de l’après-midi, et intervenir en matinée. C’est ainsi qu’est née Signature Musicale, un condensé de 7 minutes de la précédente émission. Là, il lui a fallu être concise et nouer un lien avec l’invité avant le direct pour donner ce sentiment de conversation familière et ainsi être pertinente dans les temps impartis.
C’est en 2015 que l’insatiable et infatigable Claire de Castellane crée sa maison de production, Castel Production pour manager des artistes aux répertoires variés (classique, romantique, moderne), mettant ainsi en valeur une autre de ses facettes, son aisance relationnelle. « C’est grâce aux artistes que je recevais en interview que je me suis décidée à créer ma propre entreprise, précise-t-elle. Ils m’ont exprimé leur besoin d’être accompagnés par une personne qui croyait en eux, en leur musique, qui les comprenait et qui saurait les coacher. Ils avaient besoin de se sentir rassurés. C’est cette idée qui m’a motivée. C’est un métier très humain, dont la matière première est l’artiste. »
Ainsi, depuis plus d’un an, Claire de Castellane est l’agent comblé de l’accordéoniste Pascal Contet, de la violoniste Elsa Grether, du trompettiste Guy Touvron, de l’ensemble Les Concerts Salade, et produit leurs concerts. Elle suit également deux compositeurs, dont Geoffroy Drouin qui est en train d’écrire un opéra. « Ma mission est de le mettre en contact avec un directeur d’opéra qui lui commandera son œuvre s’il est intéressé, explique la créatrice de Castel Production. Ensuite, je dois trouver des subventions et des partenaires pour avoir les fonds nécessaires pour monter l’opéra. »
Professeur de musique, animatrice et journaliste de radio, dirigeante de Castel Production et commentatrice de concerts… Partout où la musique peut s’immiscer et répandre sa joie communicative, elle répond présente pour la démythifier et la rendre abordable à tous. Mais, avec cet emploi aux horaires élargis, Claire de Castellane dispose-t-elle encore de temps pour jouer d’un instrument ? Le plus souvent possible, la femme pédagogue doublée de femme d’affaires s’échappe pour jouer de l’orgue. « À 17 ans, mon professeur m’a dit que je n’étais pas faite pour jouer du piano qui nécessitait de la vélocité dans les doigts, confie-t-elle. Elle m’a conseillé l’orgue. Elle avait raison. J’aime jouer de cet instrument qui requiert de la coordination et de la force, qui permet l’improvisation et la convivialité, et qui est au service d’une cérémonie. » Bref, un instrument à sa mesure !
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Claire de Castellane…comme ça fait du bien d’entendre des émissions MUSICALES de la qualité de la vôtre. Mille merci
Que la musique appartienne à tous,nul n’en doute. Qu’elle permette, suivant le mot d’Alain, la réconciliation entre ce qui pense et ce qui danse, c’est une évidence. Claire de Castellane, que je viens d’écouter sur France Musique, nous donne tout cela et c’est un éblouissement de l’entendre