“La nuit s’évapore”, Laureline Amanieux

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“Il faut beaucoup de temps pour qu’une situation devienne intolérable. Sept années furent nécessaires. Sept années pendant lesquelles j’éprouvais aussi du plaisir à vivre dans cette communauté et à enseigner aux enfants. C’est ambigu, vous savez, tout n’était pas sombre. C’est juste qu’on sait, au fond de soi, qu’on ne se trouve pas à la bonne place, mais en même temps on n’a aucune conscience de ce que pourrait être la bonne place. On sait seulement que cette expérience fait partie de notre chemin. C’est un équilibre fragile qu’on tient, tel un seau au bout d’une corde dans un puits, tandis qu’on le remplit lourdement avec l’eau, mais on peine à le remonter à l’air libre, puis il échappe tout à fait de vos mains, et la corde brûle vos paumes, et la corde se rompt. Ce furent sept années pendant lesquelles on nous demanda de renoncer à toute forme d’amitié, tendresse, désir. Même un désir culinaire lors de nos repas.
Je fus souvent ailleurs”. (Sinon le diable sortira – page 90)

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Dans son recueil de nouvelles “La nuit s’évapore“, dix métamorphoses de l’être s’entrelacent avec bienveillance pour n’en façonner qu’une seule, positive et éclatante, celle de la narratrice. Laureline Amanieux s’est mise en quête de témoignages sur cet élan de vie qui peut surgir après l’épreuve, une résilience formidable qui génère une métamorphose lente ou progressive, venant chahuter les certitudes ou recentrer l’être sur l’essentiel. Focalisée sur cette prise de conscience, l’auteure ne s’est intéressée qu’à ces bouleversements intimes qui se sont mués en renaissance. Avec son écriture sensible et nue dans son authenticité, Laureline Amanieux immerge le lecteur dès la première page dans une mer de douceur insoupçonnée, poétique et inspirante.

La narratrice vient de perdre une grande amie, Yola, qui a fui les massacres de la guerre civile au Liban pour se réfugier en France. Elle a accompagné ses derniers instants avec Les Métamorphoses d’Ovide, son livre préféré. “Ce qui n’a plus de forme se transforme“, lui a-t-elle dit dans un dernier souffle. Se peut-il qu’une transformation heureuse s’impose face au chagrin, à l’épreuve, au vide de l’autre ? Au travers de ses dix personnages, l’auteure va nous montrer les multiples chemins de la renaissance. Ces dix nouvelles sont uniques et pourtant constitutives de l’autre, formant un recueil homogène en expériences de la douleur, du désarroi et de l’espoir. Telle cette jeune femme entrée dans les Ordres qui, pour l’amour de Jésus, a tout oublié, jusqu’au reflet de son visage. Telle cette autre femme qui aime dans la même ferveur deux hommes et qui ne sait lequel choisir pour partager sa retraite imminente. Tel ce militaire qui use de sa femme comme d’un objet, jusqu’à ce qu’elle ose sortir du rang des soumises… et bien d’autres qui, tour à tour, émeuvent, attendrissent, amusent… jusqu’à l’histoire de Yola, si forte et bouleversante.

L’écriture est le soutien de l’âme, en cela qu’elle permet aux sentiments de cheminer en mots. Laureline Amanieux est entrée dans cette démarche d’écriture comme on prend le bâton de pèlerin, à la recherche de rencontres vraies qui la conduiront jusqu’à son Compostelle personnel. Rien n’est gratuit dans ce recueil de nouvelles, car tout est cadeau. Un cadeau que l’auteure se fait à elle-même, mais aussi aux lecteurs qui se pencheront sur ces fragments de vies décisifs, ouvrant la voie à un ailleurs qui ramène toujours à soi… à ce cœur qui doit s’armer de courage pour oser la métamorphose. “La nuit s’évapore” ne conte pas seulement la métamorphose de la narratrice, il transforme le recueil en beau miroir. Libre au lecteur de laisser une chance aux mots de réverbérer leur lumière en lui… ou pas.

 

Auto-éditions, février 2017, 148 pages.
Impression papier “plateforme KDP” au prix de 7,99 euros.

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