“La Loi du Talon”, le féminisme en aiguillon

Temps de lecture : 3 min

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥♥

Critique éclair

On ne présente plus Sandrine Sarroche, on la suit, on l’attend, on l’espère  : à Paris Première, dans l’émission de Zemmour et Naulleau et, depuis la rentrée 2019, sur RTL dans l’équipe de Stéphane Bern, où elle tient de désopilantes chroniques hebdomadaires sur l’actualité, tout en esprit et chansons parodiques. Jusqu’à la fin de l’année 2019, elle nous donne aussi rendez-vous au Palais des Glaces, où sa verve corrosive et ses pastiches vocaux font un triomphe. Une merveille qui ne se dévore pas en dix minutes comme elle l’évoque, par ironie, pour le livre de Christine Angot, mais en une heure trente qu’on aimerait prolonger jusqu’à plus rire. Dans son quatrième spectacle, « La Loi du Talon », one woman show mis en scène par Éric Théobald, l’humoriste nous livre une autobiographie sous le signe de la saine dérision et du jeu de mots assassins. Avec l’œil acéré et bienveillant, cette ancienne avocate aux affaires familiales raconte son parcours depuis son Toulon natal, où elle vécut bercée entre une mère coiffeuse et une tante pâtissière, jusqu’à un Paris bouillonnant où la jeune provinciale devra apprendre, in situ, les codes d’une société bourgeoise des grands quartiers. Une école de vie expérimentale dont elle s’inspirera pour écrire des sketches qui crèvent de bon sens et d’intelligence. Jamais faciles, puissants, tendres, ils brossent à la manière de Saint-Simon (philosophe et portraitiste du XVIIe siècle), une société à plusieurs vitesses, où la femme doit courir plus vite, plus loin, plus fort pour ne pas rester dans les traces de l’homme.

Pour approfondir

Avec l’énergie, non pas du désespoir, mais de la jubilation assumée, Sandrine Sarroche incarne une galerie de personnages féminins, décalés et fantaisistes, mais aux accents vrais, qui luttent pour prendre leur place et la garder. Par la grâce d’une détermination farouche, le talon métaphorique n’aura jamais si bien servi la femme entre drôlerie et vérités qui sont toutes bonnes à dire. Habillée de féminisme solidaire, l’humoriste se présente à la défense pour plaider contre toutes les formes de pouvoir machiste et d’ententes pas toujours amiables. Loin d’être une plaidoirie contre le sexe adverse, « La Loi du Talon » est une voix claire et nette qui s’élève pour sensibiliser sur la femme dans tous ses états. Mener de front – sans prendre une ride ni la fuite – une vie d’épouse, de mère, et une carrière professionnelle n’est pas une mince affaire. En partageant son expérience de terrain, celle qui appelle à rebaptiser le « mèrecredi » en « pèrecredi », pour signifier la pleine égalité des rôles parentaux, se fait l’éclatant porte-voix de toutes les femmes, qu’elles soient bobo ou bonobo (bourgeoises non bohèmes).

Sandrine Sarroche

Bien sûr, Sandrine Sarroche accentue la folie et caricature les tempéraments des femmes parisiennes, mais c’est justement ce qui les rend terriblement vivantes et émouvantes. La rhétorique affûtée, l’humoriste toujours prononce le mot juste qui tranche dans le vif et ouvre une brèche, le rire n’ayant nul autre office que de rendre indolore l’opération à cœur ouvert des hommes. L’âme jumelle de Saint-Simon dissèque aussi une époque pour en restituer l’absurdité et esquisse à grands traits précis des portraits vitriolés. Artiste complète, elle ne sait pas que brocarder et ferrailler, l’œil glamour et le sourire en coin, elle chante et danse, elle prend tous les accents, bien campée dans ses différents rôles, un talon dans l’imitation, l’autre dans le bel esprit. Armée d’éloquence et de courage, cette femme combative, aux saillies irrésistibles, a su fédérer les rires autour d’un spectacle engagé. Une petite merveille qui s’achève beaucoup trop vite. N’est-ce pas là le propre du talent ?

Nathalie Gendreau
©Ankalab


Distribution
Avec : Sandrine Sarroche

Créateurs
Metteur en scène : Eric Théobald 
Musique : François Bernheim

Productions : Nion Nion Production, FT Ventures et Robin Production 

Tous les jeudis, vendredis et samedis à 21 h 30, jusqu’au 31 décembre 2019. Relâche le 5 & 19/12 – Date supplémentaire le 30/12.

Consulter les dates de la tournée jusqu’en juin 2020.

Au Palais des Glaces , 37 rue du Faubourg-du-Temple, Paris Xe.

Durée : 1 h 30

1 réflexion au sujet de « “La Loi du Talon”, le féminisme en aiguillon »

  1. Oui, oui, oui à Sandrine Sarroche que j’ai découvert dans l’émission de Paris Première « Zemmour et Nauleau » animée par la talentueuse Anaïs Bouton. Quel que soit l’invité, souvent politique, qui se livre aux commentaires affûtés d’Éric Nauleau ou aux remarques argumentées d’Éric Zemmour, l’arrivée de Sandrine Sarroche offre toujours un moment de détente et de bonne humeur provoquant souvent le fou rire d’Éric Zemmour (qui appréciera la juste référence à Saint-Simon de la chronique de Nathalie Gendreau). Bravo à Sandrine Sarroche qui nous rappelle que l’humour peut être drôle sans être méchant. À méditer par les « humoristes » (guillemets indispensables) grinçants qui confondent trop souvent observation et délation.

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