“La logique des femmes”, à voir et plus que de raison !

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

« La logique des femmes » est la nouvelle comédie d’Antoine Beauville, un peu dans la même veine que la dernière, « Madame croque monsieur ! » Loin de disséquer les travers du sexe dit faible, il brosse un portrait équilibré et tendre de la femme d’aujourd’hui qui se veut l’égal de l’homme en tout, quitte à en payer le prix le plus fort : perdre l’homme aimé. Loin des facilités et des poncifs éculés, le texte pétille de finesse et d’inventivité, et surtout de bienveillance. L’humour est rond et gouleyant comme un bon vin, il réchauffe et suspend cet état de grâce divertissant jusqu’au tomber de rideau. L’humour est servi irrévérencieusement par deux acteurs irrésistibles. Les répliques claquent et s’entrechoquent avec des étincelles de plaisir. Virginie Stevenoot en femme amoureuse éplorée et Dominique-Pierre Devers en providentiel moine à soutane forment un duo détonant et facétieux.

« Il y a trois mystères que je n’ai jamais réussi à percer : le flux et le reflux des marées, le mécanisme social des abeilles… et la logique des femmes ! », soupire frère Félicien, qui n’a connu des femmes qu’un expéditif aperçu avec une sœur tout aussi curieuse que lui de la chair interdite. Mais il y a prescription, et aujourd’hui il ne vit qu’à travers la bonne chère, à juger ses rondeurs généreuses, à la frère Tuck. Lola est une femme de son temps. Très active, elle occupe un poste à haute responsabilité. Elle aime Julien, mais elle l’a quitté de peur d’y perdre un peu d’elle-même dans cette relation amoureuse. Frère Félicien et Lola n’auraient jamais dû se rencontrer. Pourtant, une nuit de beuverie, la belle égarée perd connaissance dans la rue et est sauvée par un moine qui passait par là. Ce dernier lui propose de la ramener chez elle en échange d’être hébergé pour la nuit.

Le pauvre frère Félicien, qu’est-ce qui lui a pris de se charger d’un tel fardeau ? Dieu le teste-t-il ? Il devra lutter toute la nuit contre la tentation de la chair face à une Lola délurée et affriolante, qui a oublié toute pudeur dans les vapeurs d’alcool. Avec le dimanche matin qui s’annonce peu après, les esprits ankylosés s’étirent. Celui de Lola est amnésique. Celui du frère Félicien est rangé en ordre de bataille. Car ce saint homme, d’ordinaire obnubilé par de justes ripailles, a une mission de taille : dessiller les beaux yeux de Lola qui se noient dans la tristesse. La mission a tout l’air d’être impossible tant l’orgueil et la peur de souffrir de Lola ont convolé en odieuses noces pour l’empêcher de faire le premier pas vers le bonheur. Les deux êtres diamétralement opposés vont avancer l’un vers l’autre. Après la méfiance, la complicité s’installe autour d’un bon plat de pâtes. Puis le scepticisme revient au galop, et c’est la chute… La chute des dernières défenses. L’orgueil crie grâce et la peur se mue en audace. On frôle l’apothéose !

Le thème est hélas toujours d’actualité : concilier le triptyque femme, épouse et mère en une unité, forte et indivisible. Combien de femmes ayant privilégié carrière et épanouissement personnel se retrouvent fort dépourvues à l’aube de la quarantaine ? La peur de perdre quelque chose d’essentiel peut faire reculer les plus amoureuses. Antoine Beauville dépeint cette angoisse avec la subtilité de l’humour. Le ton est juste et la présence d’un moine jovial en chasuble flottante est savoureuse. Ses apartés avec un Dieu pratiquant un humour diaboliquement féminin parfont une atmosphère déjà suspendue aux voies impénétrables du destin. La mise en scène de Carole Barbier insuffle du rythme et de l’intensité au jeu des comédiens. Les dialogues sont en tension soutenue, les acrobaties verbales cocasses et hilarantes.

Les deux comédiens se régalent, et leur plaisir de jouer ensemble ricoche sur les spectateurs à l’attention bien ferrée aux réparties jaillissantes ! Alors quand vient la tirade en mode Cyrano sur le portrait non pas de son nez, mais de son sexe, Dominique-Pierre Devers, alias l’humble frère Félicien, provoque un feu d’artifice de dopamine dans la tête. Les neurones frétillent de joie, étant nourries d’esprit et de rires ! Virginie Stevenoot n’est pas en reste ! Cette ancienne danseuse classique et de cabarets parisiens confère à Lola une classe naturelle et un dynamisme hyper vitaminé. Le comique lui va comme un fourreau de soie, il est brillant, doux et lui donne une élégance folle. Sa tête ébouriffée d’après cuite et la grenouillère de coton à motifs n’y changent rien  ! D’emblée, frère Félicien et Lola nous sont sympathiques, à une dose hautement prohibée  ! Heureusement, le rire est une drogue bienfaitrice qui équivaut à un bon steak, paraît-il  ! Alors, je n’ai plus qu’une hâte : remettre le couvert avec frère Félicien et Lola.



« La logique des femmes »
 
Auteur : Antoine Beauville
 

 En alternance : Virginie Stevenoot ou Belen Lorenzo et Dominique-Pierre Devers, ou Mehdi, ou Daniel-Jean Colloredo.

Mise en scène de Carole Barbier

Co-Production : Les feux de la Rampe et  A360 Production/Patrice Albanese

Du mercredi au dimanche, à 16 h 30 et 21 heures, jusqu’au 5 novembre 2017.

Au Théâtre Les Feux de la Rampe, 34 rue Richer, Paris IXe.

Durée : 1h15.

 


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2 réflexions au sujet de ““La logique des femmes”, à voir et plus que de raison !”

  1. Une pièce très rafraîchissante
    On ne s ennuie pas, ont rit beaucoup
    Les acteurs sont excellents
    A revoir dès qu ils reviennent dans ma ville Ales

    Répondre
  2. Merci Presta Plume pour cette délicieuse critique… Une fois encore elle donne envie d’aller au théâtre… La mission du journaliste est bien remplie…

    Répondre

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