“La disparition de Stephanie Mailer”, Joël Dicker

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“J’avais imaginé que je passerai ma dernière semaine au sein de la police à flâner dans les couloirs et à boire des cafés avec mes collègues pour leur faire mes adieux. Mais j’étais enfermé dans mon bureau du matin au soir, plongé dans le dossier d’enquête du quadruple meurtre de 1994, que j’avais ressorti des archives. La visite de cette Stephanie Mailer m’avait ébranlé : je ne pouvais penser à rien d’autre qu’à cet article, et à cette phrase qu’elle avait prononcée : “La réponse était juste sous vos yeux. Vous ne l’avez simplement pas vue.”

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥♥

 

Joël Dicker était très attendu avec son quatrième roman, La disparition de Stephanie Mailer, paru aux éditions de Fallois. Après La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, en 2012, l’immense succès transposé en série par Jean-Jacques Annaud, et Le livre de Baltimore en 2015, l’auteur suisse revient vers les terres connues du thriller qui cultive un style limpide et efficace, et une intrigue à multiples rebondissements. Roman dense aux multiples voix qui se répondent à travers le temps, sa construction astucieuse tricote et détricote les coupables potentiels. L’auteur nous balade, en lâchant ici ou là, au détour d’un lac marécageux ou d’un bar interlope, d’infimes indices qui détournent les trois enquêteurs Jesse, Derek et Anna du véritable chemin qui conduit à la solution. Ce trio efficace reprend en 2014 une enquête conduite en 1994, à Orphea, une charmante localité dans les Hamptons, dans l’État de New York, à la suite de l’étrange disparition de Stephanie Mailer. Étrange car cette brillante journaliste est persuadée que l’auteur du quadruple meurtre arrêté à l’époque par Jesse et Derek était innocent. Se seraient-ils trompés de coupable ? Joël Dicker entend nous le faire découvrir par touches homéopathiques, en nous immergeant dans la vie de plus d’une trentaine de protagonistes. Un à un, leur secret sera démantelé et livré en offrande à notre insatiable curiosité de lecteur accro au suspense.

Orphea, le 30 janvier 1994, jour du lancement de la première édition du festival de Théâtre de la petite ville balnéaire huppée. Le soir-même, le maire Gordon, sa femme et son fils, ainsi que la joggeuse Meghan Padalin sont massacrés. Les premiers sur les lieux, Jesse Rosenberg et Derek Scott, deux jeunes policiers ambitieux et prometteurs, se voient attribués l’affaire. Après une enquête minutieuse, longue et complexe, ils confondent le coupable, Ted Tennenbaum, mais celui-ci se tue lors d’une course poursuite. La résolution des quatre meurtres a propulsé la carrière d’enquêteur de Jesse et lui a valu une décoration. Vingt ans plus tard, après lui avoir affirmé qu’il s’est trompé de coupable, la journaliste Stephanie Mailer disparaît, puis est retrouvée noyée… à Orphea. Jesse en est certain : on a voulu la faire taire parce qu’elle était sur une piste. Et si le tueur courait toujours depuis vingt ans ! Avec l’aide efficace d’Anna, chef adjoint de la police d’Orphea, Jesse et son coéquipier Derek Scott, qu’il a convaincu de revenir sur le terrain, vont tout reprendre à zéro, au risque d’écorner leur réputation et de raviver des souvenirs personnels très douloureux.

Joël Dicker est passé maître en intrigue savamment imbriquée. Bien malin celui qui devinera l’identité du coupable avant la fin parmi la myriade de personnages ! Mener deux enquêtes en parallèle à vingt ans d’intervalle n’est pas une mince affaire à écrire. Sans un minimum de rigueur et d’organisation, les plus de 600 pages donneraient une indigestion au lecteur. Là, les deux enquêtes se chevauchent dans la fluidité, se questionnent et se répondent en échos temporels. Grâce à ces allers-retours omniprésents entre passé et présent, les protagonistes évoluent et se dévoilent, leurs faits et gestes sont découpés par le menu. L’abondance des personnages multiplie les interactions entre les policiers et les témoins, lesquels franchissent allègrement le statut de témoin à celui de suspect, pour finalement être décrétés innocentés à la suite d’aveux. Chaque mensonge confondu fera avancer l’enquête. On pourrait d’ailleurs penser que les langues se délient un peu trop facilement. Sauf que des aveux jaillit le soulagement. À tour de rôle, les personnages abandonnent la nuit noire de leurs secrets et de leurs culpabilités, tentant soit de racheter un passé honteux, soit de sublimer vingt ans de douleurs. Le roman de Joël Dicker n’est pas qu’un simple thriller machiavélique, trépidant et intrigant, il est aussi le miroir d’âmes torturées et étouffées par la culpabilité qui payent chèrement leur résilience… pour le plus grand bonheur des lecteurs !

 

Nathalie Gendreau

 

Editions Bernard de Fallois, 7 mars 2018, 640 pages, à 23 euros.

 

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