“La dégustation”, un grand cru pour le bonheur

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

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Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥♥

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Dans une cave à vin pour écrin, deux solitudes vont apprendre à s’aimer, pour le grand plaisir des comédiens et du public. « La dégustation » est un ravissement de l’esprit qui subtilise à l’heure trente qui passe, au théâtre de la Renaissance, un temps immobile de grande intensité. L’écriture et la mise en scène d’Ivan Calbérac ainsi que le jeu complice d’Isabelle Carré et de Bernard Campan émeuvent bellement, puissamment. Le troisième personnage (Steve), joué par Mounir Amamra, est un adolescent en liberté conditionnelle pétillant de malice qui veut se racheter une conduite. Avec toute la spontanéité d’un révolté de la vie, il surgit dans la solitude d’Hortense et de Jacques tel un miracle qui va susciter la connexion entre ces deux âmes esseulées. Mais ce sont bien les blessures de ces trois protagonistes qui conduisent à ce rapprochement inespéré. Oser écouter l’autre, l’accueillir dans sa différence et lui ouvrir son cœur transforme l’être, le transcende jusqu’à l’audace de vivre pleinement. Les dialogues percutants de cette comédie savoureuse encensent le plaisir partagé du moment présent. L’auteur joue beaucoup sur les mots de la dégustation charnelle d’un vin et sur leurs sens multiples ou démultipliés. Entre le sacré et le paillard, il n’y a qu’un doigt… d’un inestimable Romanée-Conti !

Jacques est un homme divorcé amer, peu sociable. Célibataire depuis trop longtemps selon son ami libraire (Éric Viellard) et buveur depuis trop longtemps selon son médecin (Olivier Claverie). Taciturne et railleur, Jacques n’attend plus rien du lendemain. Les sentiments calfeutrés dans sa cave à vin, il est imperméable aux tracas des autres. Son seul plaisir est d’aligner son armée de bouteilles selon les régions viticoles, qu’il siffle par devoir professionnel et par dégoût de la vie. Jusqu’au jour où Hortense passe le seuil de sa boutique afin de se faire conseiller un bon vin. Timide et gauche, la cliente est une catholique engagée célibataire qui craint de finir vieille fille et sans enfant. Le grand drame de sa vie. Son franc-parler, son bon cœur et son minois attendrissant ne laissent pas Jacques indifférent. Mais, contre toute attente, c’est Hortense qui fait le premier pas, celui qui coûte parce qu’on sait qu’après plus rien ne sera comme avant. Elle s’inscrit à un atelier dégustation de vins qu’anime Jacques. C’est alors que cet être grincheux est pris dans l’engrenage des sentiments, malgré son passé inhibant. Il va jusqu’à accepter de prendre comme apprenti un jeune des banlieues aux mœurs peu fréquentables, mais à la bonne volonté indéniable. C’est dire !

« La dégustation » est une grande et belle comédie sentimentale. La trame de l’histoire est tissée avec tendresse et drôlerie. Les dialogues enlevés, fins et tout en nuances, lui donnent un souffle cinématographique. Les moments comiques alternent avec le déploiement de la palette de sentiments. Le jeu des comédiens, accentué par leur plaisir évident de jouer ensemble, est pur de tout artifice. Il est naturel, simple, vrai. Le revirement des caractères, qui progressent à mesure que les personnages se dévoilent, est amené tantôt avec douceur tantôt avec pétulance. Isabelle Carré campe avec une espiègle assurance la timide Hortense, décidée à jeter aux orties sa réserve comme sa longue abstinence. Bernard Campan est juste dans son rôle d’homme brisé par les souvenirs douloureux, qui cache sa peur d’aimer à nouveau. On le prendrait facilement dans ses bras pour le rassurer sur l’existence de l’amour véritable. Quant à la jeunesse turbulente de Mounir Amamra, elle est désarmante et irrésistible. Steve donne envie de lui faire confiance, malgré les apparences pas toujours trompeuses. On lui pardonne comme à un enfant inconséquent qui goûte les jeux défendus pour exister. Grâce à un scénario bien décanté, corsé à souhait, la cave à vin devient par osmose le théâtre d’une fusion des cœurs de trois êtres non faits, a priori, pour s’entendre et s’aimer. « La dégustation » éveille la bienveillance, sinon les consciences, avec une bonne humeur contagieuse. À voir… évidemment sans modération !

Nathalie Gendreau

Crédit Photos : Charlotte Spillemaecker.

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Distribution

 Avec : Isabelle Carré, Bernard Campan, Éric Viellard, Olivier Claverie et Mounir Amamra.

Créateurs
Auteur et metteur en scène : Ivan Calbérac
Assistante de mise en scène : Kelly Gowry 

Scénographie : Édouard Laug

Lumières : Laurent Béal

Costumes : Cécile Magnan

Du mardi au samedi à 21 heures, et les samedis et dimanches à 16 h 30, jusqu’au 30 juin 2019.

Au Théâtre de la Renaissance, 20 boulevard Saint-Martin, Paris Xe.

Durée : 1h15.

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