Extrait (page 26)
“La Clé”, Anaïs Maquiné-Denecker
“A 18 h 45, Julie était toujours sans nouvelles de sa soeur. Ce n’était pas dans ses habitudes… Emma avait eu une passe difficile après la naissance d’Adam mais, depuis quelques semaines, elle avait retrouvé le sourire. Et même dans ses pires moments de spleen, elle n’avait jamais rompu le contact avec Julie. Pourquoi ne décrochait-elle pas son foutu téléphone ?”
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥
Après un premier roman sur l’envers du décor du monde télévisuel (Pour quelques minutes de célébrité), la journaliste et productrice de télévision Anaïs Maquiné-Denecker s’essaye au polar domestique, maniant une plume aussi vive et piquante que les embruns. Avec « La Clé », roman paru aux Éditions des Falaises, l’auteure nous projette en Normandie, dans la station balnéaire de Deauville. Tenant par-devers elle cette « clé » qui ouvre la porte des révélations, elle parvient à ménager le suspense. Jusqu’au bout, on ne sait si Emma s’est suicidée ou si elle a été victime d’un meurtre. Les pistes sont multiples, toutes probables, les suspects sont légion. Il faudra l’entêtement de Julie, qui refuse de croire à la fugue de sa sœur, pour que se dessine enfin le début d’une réponse… inattendue et rondement menée. Grâce à des chapitres courts, chacun se focalisant sur l’action d’un des personnages, le lecteur engrange des informations dont Julie n’aura pas accès pour sa propre enquête. Malgré ce niveau d’information différent, le lecteur et l’héroïne parviennent de conserve jusqu’à l’imprévisible dénouement. Cette structure, la trame et la dimension psychologique bien maîtrisée contribuent à faire de ce premier polar une jolie réussite.
Résumé
Emma a tout pour être comblée. À 32 ans, elle est mariée à l’historien américain Noah Clinton et vient de mettre au monde son premier enfant. Elle est la fille d’un propriétaire de chevaux de course très influent à Deauville. Elle, à qui semble tout réussir, mène une carrière d’architecte d’intérieur et partage son temps entre Deauville et Paris. Un jour de septembre, sa sœur Julia sonne l’alerte : Emma ne répondait plus au téléphone, alors qu’elles avaient prévu d’assister à la présentation du dernier long-métrage de John Travolta, en présence de l’acteur, que sa sœur n’aurait manqué pour rien au monde. D’heure en heure, l’angoisse monte, car elle sait qu’Emma déprime depuis l’accouchement. Le mari ne prend pas la mesure de l’urgence, il pense que sa femme a prolongé son séjour à Paris, où elle avait rendez-vous quelques jours auparavant avec un client. Enfin, ils se décident à signaler sa disparition à la police, qui se contente de prendre des notes. Outrée et furieuse, Julia décide de mener son enquête qui montrera un autre versant de la personnalité d’Emma, bien plus tourmentée qu’un baby blues ne peut expliquer.
Pour approfondir
Les disparitions inquiétantes, Anaïs Maquiné-Denecker connaît bien. Lorsqu’elle était chroniqueuse pour l’émission « Ça me révolte », elle a réalisé nombre de reportages sur ce thème. S’inspirant de-ci, de-là, d’histoires de vie habillées de drames, l’auteure a planté sa disparition inquiétante dans le décor familier de sa jeunesse, Deauville, ville balnéaire, mais aussi de renommée hippique. Ce polar est dit « domestique », car l’enquête est menée de l’intérieur, par un proche de la victime, et non par un policier ou un journaliste. Ainsi, les portes closes de la famille volent en éclats, les clés sont inutiles. C’est la disparition qui joue le rôle du révélateur d’une situation, d’un caractère, d’une histoire… souvent plus complexe qu’elle n’y paraît du point de vue externe. Ainsi, le lecteur pénètre l’intimité des familles des Clinton, des Leroy, des Leroy-Martin, unis par le sang et la disparition d’Emma, qui, peu à peu, exacerbe les secrets et traumatismes du passé. Avec « La Clé » Anaïs Maquiné-Denecker aborde la dépression post-partum, pathologie mal connue et bien plus lourde que le baby blues, et l’envers du décor des courses hippiques. Elle nous régale avec un polar enlevé, qui prend son temps pour s’installer, puis gagne en densité jusqu’au moment où le corps est découvert. Le mystère n’est pas tant de savoir s’il y a fugue ou décès – on tranche dès le début –, mais pourquoi elle est morte.
Nathalie Gendreau
Éditions des Falaises, janvier 2020, 188 pages, à 14,25 euros.
Journaliste, biographe, auteure et critique culturel, je partage avec vous mes articles et avis. Si vous aimez, abonnez-vous !
Dans les derniers mots de la critique de Nathalie on trouve l’envie de lire ce roman. « Pourquoi ? » vaste question dirait le Général de Gaulle et, avant lui, de nombreux philosophes qui se sont interrogés sur la Vie, la Création, l’Homme et… Dieu comme aimait le rappeler Jacques Chancel dans ses célèbres Radioscopie. Oui, pourquoi Emma est morte ? C’est en fait beaucoup plus important que « Comment ?» ou « qui ?». Merci Nathalie de nous ramener à l’Essentiel…et de nous donner envie de lire…
Hum ! Çà donne envie… Du mystère, du suspense, de la belle société… A lire tranquillement face à la mer après un apéro entre copains au bar du Normandy et une dégustation de crevettes tièdes au restaurant Les Vapeurs de Trouville… s’il existe encore. Çà vaut le voyage !!!