“Fausse note”, un passé coupable en point d’orgue

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume “Coup de cœur”

Quand une note de musique emprisonne une vie dans la mémoire meurtrie, l’écho de ce passé libéré ressurgit au présent sur un air de requiem. C’est la gravité et la beauté, en communion, qui battent le rythme au théâtre Michel. « Fausse Note » est une pièce écrite de façon magistrale. Didier Caron nous avait habitués aux comédies, il nous livre ici un drame qui se déroule presque à notre insu tant l’écriture captive et l’interprétation saisit. Les deux solistes que sont Christophe Malavoy et Tom Novembre jouent leur partition comme si leur vie en dépendait. Leur jeu, intrigant et trouble, réveille la mémoire collective sur un passé à fleur de peau. L’émotion prend au col, serre fort et ne relâche sa pression que pour permettre de battre des mains tout aussi fort, comme pour rompre un charme bien trop intense et suspendu dans les méandres de l’Histoire.

Hans Peter Miller (Tom Novembre), chef d’orchestre de renommée internationale, est dans sa loge, le concert vient de s’achever. Il est las, il n’a qu’une hâte : rejoindre sa femme pour dîner. Seulement, on toque à sa porte. Léon Dinkel (Christophe Malavoy) a toute l’apparence d’un admirateur. En connaisseur, il félicite le maestro qui se gorge de fierté. Mais il ne se résout pas à prendre congé, malgré l’agacement à peine voilé de Miller. On dirait qu’il veut autre chose. Une photographie dédicacée ? Pourquoi pas ! Mais ce n’est pas suffisant. Léon Dinkel attend une vérité que Miller a enfouie sous les décombres du passé. Peu à peu, la morgue du maître Miller face à un Monsieur Dinkel étrangement insistant se raidit, se trouble, se défend, se renie, puis se flagelle. L’insignifiance de Monsieur Dinkel face à un Miller étrangement amnésique s’ébroue, se libère, occupe l’espace-temps et irradie d’une douleur inconsolable. L’un entraîne l’autre dans son histoire, dans ses douleurs, dans ses incompréhensions, l’un frappant l’autre à coups de mots fulgurants et douloureux. L’un arguant le droit à la vérité, l’autre à l’oubli. C’était il y a longtemps, ils étaient jeunes et ils aimaient leur père.

Léon Dinkel promet une soirée inoubliable à Hans Peter Miller, la soirée est en effet inoubliable. Christophe Malavoy compose un personnage émouvant. Il le fait avancer dans la pièce à pas hésitants mais résolus, la voix timbrée et énigmatique, sans se départir d’un humour piquant et drôle. Par son jeu ambigu, il intrigue et suspend son histoire qu’il livre à dose homéopathique. Tom Novembre campe un Miller à la suffisance bafouée et à l’honneur hautain, rendus par une stature impérieuse et fragile. Ce jeu s’apparente à un combat que se livrent deux boxeurs dont l’enjeu est la réhabilitation de la mémoire. En digne thriller haletant, le scénario trace une ligne mélodique hypnotique qui mène le spectateur à la baguette. La mise en scène à double entrée de Didier Caron et Christophe Luthringer contribue au basculement des rapports de force. Quand une porte, symbole de liberté, se change en potence, la dramaturgie s’éclaire du passé, et la victime change de main… La pièce « Fausse Note » est une histoire de transmission, qui soupèse le poids du passé et cherche la paix intérieure. Entre résilience et absolution laïque, sur le ring du théâtre Michel, c’est un combat merveilleux entre deux géants qui donnent tout et laissent K.O.

Nathalie Gendreau


Le Club des millefeuilles reçoit Didier Caron, l’auteur et co-metteur en scène de “Fausse Note” autour d’un dîner gastronomique, littéraire et artistique à la Ferme Saint-Simon le mardi 14 novembre 2017.



Distribution

Avec : Christophe Malavoy et Tom Novembre.

Créateurs

Auteur : Didier Caron
Mise en scène : Didier Caron et Christophe Luthringer.
Assistante de mise en scène : Isabelle Brannens.

Scénographie : Marius Strasser.
Costumes : Christine Chauvey
Lumières : Florent Barnaud.
Son : Franck Gervais.

ID Production et Didier Caron.

Du jeudi au samedi à 21 heures, à 16h30 le samedi et à 16 heures le dimanche, jusqu’au 4 mars 2018.

Au Théâtre Michel, 38 rue des Mathurins, Paris 75008.

Durée : 1h20.

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