« Et pendant ce temps, Simone veille ! », un humour résolument engagé

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Au Théâtre de la Contrescarpe, on rit à gorge déployée dans une salle bondée. Un public largement féminin vibre en accord majeur avec les quatre comédiennes. Il y a comme une entente tacite, instinctive, une communion solidaire, des expériences partagées qui résonnent de concert entre toutes les femmes. D’où vient cette magie ? Du thème proposé, pardi ! « Et pendant ce temps, Simone veille » est une comédie déjantée sur l’évolution de la condition féminine en France depuis les années 50 jusqu’à nos jours. Un vaste programme rétrospectif qui peut freiner l’élan tant le sujet est rebattu. Mais c’est sans compter la magnifique énergie des comédiennes, campant une bourgeoise, une ouvrière et une femme de classe moyenne. Elles outrent le trait, provoquant des situations drolatiques voisinant avec le burlesque, volontairement, qui laissent cependant percer un certain dépit vis-à-vis des mœurs qui n’avancent pas aussi vite que les idées et les bonnes volontés.

La mise en scène est originale, dynamique et imaginative. On y brosse le portrait de trois épouses et de leurs descendantes depuis 1940 à 2016. Une fresque de quatre générations qui ne manque pas tantôt d’ébouriffer tantôt de dépoussiérer le passé depuis le balcon de la femme instruite et libérée du XXIe siècle. La première génération est composée de Marcelle, France et Jeanne. Des conditions de vie différentes, des aspirations différentes, mais un même destin tracé par l’histoire écrite par les hommes qui assujettissaient la femme. Intervient alors Simone, la narratrice. Bon chic bon genre, elle adore tomber la façade sans se départir d’une extravagante humeur contagieuse et d’une ironie toujours saillante. Elle pointe les éléments de contexte, les textes de loi, les ratés à l’allumage des politiques, contient les débordements des trois copines qui se disputent, et s’emberlificote joyeusement la langue pour sortir des contrepèteries délicieusement salaces.

Quatre tableaux, quatre générations. Des femmes malmenées par les aléas de la vie qui se retrouvent entre copines et parlent de ce qu’elles vivent avec la liberté de ton propre aux confidences. Certaines se résignent ou se débattent, d’autres luttent encore. Mais, finalement, toujours mal dans leur peau malgré les droits durement acquis de génération en génération (se dispenser de l’accord du mari pour travailler et avoir un compte en banque, avorter et choisir une contraception sans être hors la loi, divorcer par consentement mutuel, etc.). En cause : l’homme, celui par qui les malheurs arrivent. Le salaud qui trompe sa femme, qui viole, qui fait un bébé et se défile, qui bat, qui injurie… Le patron qui n’admet pas qu’à travail égal, salaire égal. Combien sont ces femmes enchaînées à leur carrière qui choisissent, l’horloge interne s’emballant, l’insémination artificielle pour faire un bébé toutes seules… en Espagne ! Les thèmes de société d’aujourd’hui sont traités avec la même verve satirique, comme le port du voile et le diktat de la mode.

Chapeau bas pour les quatre comédiennes de la troupe du Pompon (Hélène Serres, Vanina Sicurani, Nathalie Portal et Marie Montoya) qui incarnent avec détermination et passion leurs différents rôles, s’amusant avec le public, dansant des pantomimes hilarantes, chantant au fil des époques des parodies de chansons très connues. Très jolis moments ces voix harmonieuses et ces textes léchés. Bref, de l’engagement incontestable pour le jeu et le sujet. Un sujet guère anodin traité avec force de conviction par l’autodérision et des réparties bien senties. Mais peut-on rire librement, avec éclats et légèreté, sur un sujet traité gravement par le divertissement et avec autant d’investissement personnel ? Il semble que oui ! Pour ma part, le rire s’émancipait par intermittence, peut-être en raison de cet entre-deux indécis entre la gravité et l’humour. « Une femme violée toutes les sept minutes en France… et ce n’est pas la même ! ». Si la plaisanterie est amusante, la sentence glace le sang. Ce voyage rétrospectif mené avec entrain et un humour virevoltant est en prolongation jusqu’au jusqu’au 2 septembre 2018. Et, il est à parier avec la même énergie libératrice et jubilatoire ! Un très bel hommage à Simone Veil.

Nathalie Gendreau

©Fabienne Rappeneau


« Et pendant ce temps, Simone veille »

Auteurs : Corinne Berron, Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani, Trinidad

Artistes : Hélène Serres, Vanina Sicurani, Nathalie Portal et Marie Montoya

Co-Production : Le Pompon et Gosset

Au théâtre de la Contrescarpe, 5 rue Blainville, Paris Ve.

 

Du jeudi au samedi à 20h et samedis à 17h jusqu’au 30 juin 2018.
Du mardi au jeudi, du 3 au 26 juillet 2018
Séances à 16h (au lieu de 17h)
Les samedis 26 mai et 23 juin sont suivis d’un débat avec Femmes Solidaires

1h20

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1 réflexion au sujet de « « Et pendant ce temps, Simone veille ! », un humour résolument engagé »

  1. Il y a longtemps que je n’avais pas autant ri tout en étant émue de retraverser l’histoire des femmes de ma mère à ma fille en passant par moi. Entre humour autoderision et critique à la fois de la lenteur des politiques pour la condition féminine et et ce que nous avons fait de ces combats menés par tant de femmes dont Simone Veil. Magnifique !!! chapeau bas Mesdames 8 déc 17

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