“C’est pourtant simple”, le plaisir de tout compliquer

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Au théâtre Edgar, le mensonge veut faire sa loi. Il complique tout avec délice dans « C’est pourtant simple », la première pièce de l’auteure Sophie Brachet. Fan de boulevards depuis « Au Théâtre ce soir » et de la truculente Jacqueline Maillan, c’est dire si ces sources d’inspiration n’ont pas manqué à cette nouvelle auteure qui fait ses premiers pas dans l’univers du spectacle vivant ! Sa comédie explore avec envie et énergie les ressorts de la manipulation. La plume est débordante, vivace et incisive ; les situations survoltées à l’envi. Menée tambour battant par la belle humeur guerrière de Marion Game (Simone Vanier) et de la présence fort guillerette de Geneviève Gil (Madame Pinson), l’histoire évoque l’adultère et les illusions perdues, la vieillesse et l’appétit de vivre, la quête d’identité et la reconnaissance en paternité. Que de thèmes porteurs qui émergent de la folle ambiance de « C’est pourtant simple » !

Rien ne va plus chez les Bordier, où les ennuis semblent avoir élu domicile. Un cambrioleur s’est introduit dans leur appartement et a volé les clés de celui de Madame Pinson, la voisine, qui se retrouve à la porte de chez elle. Henri (Emmanuel Vieilly) est sur le grill : il attend une visite féminine d’un instant à l’autre, alors que sa femme Louise (Virginie Stevenoot) est sur le point de rentrer. Il veut à tout prix éviter la confrontation, sinon c’est le divorce assuré ! Déjà qu’elle vient d’apprendre qu’il a une fille de vingt ans… il joue gros ! De son côté, Louise doit gérer un souci de taille : sa mère, Simone Vanier (Marion Game). L’ex-comédienne de théâtre fantasque, en quête d’inspiration pour son futur seule-en-scène, empoisonne le voisinage. Elle est menacée d’expulsion, mais elle n’en a cure. Elle ne vit que pour ce retour sous les projecteurs qu’elle prépare, alors que sa fille lui cherche une aide à domicile pour la maintenir chez elle. Et pendant ce temps, la voisine Madame Pinson s’incruste chez eux avec un caddie rempli étrangement de Prozac. C’est une belle âme, à l’accent chantant, qui comprend tout de travers et s’empresse de rendre service. De la gentillesse pure sucre, et surtout de l’innocence en rires concentrés.

« C’est pourtant simple » se déploie comme du théâtre de boulevard dans sa plus pure tradition, avec sa panoplie de mensonges, d’imbroglios, de tempêtes de cris et de pleurs, de délires, de situations enchevêtrées dont chacun tente de tirer avantage. Les répliques fusent, c’est comme un vent de folie qui s’installe sur la scène. La mise en scène de Luq Hamett est haletante, exigeant un jeu d’alternance entre tension et microdétente qui donne un rythme très soutenu, qui ne souffre aucune hésitation. Il n’y a de répit pour personne : ni pour le public ni pour les comédiens. Marion Game campe une Simone auréolée d’une nostalgie émouvante d’un « avoir été » qui vient contrebalancer un acharnement à continuer d’exister. Trait d’union entre chaque protagoniste, Geneviève Gil est irrésistiblement drôle et tendre en jouant une Madame Pinson omniprésente. La composition de Virginie Stevenoot est aussi touchante dans l’épouse exaspérée à laquelle on ne raconte pas d’histoire que dans l’épouse bafouée que des larmes habillent de vérité. Quant à Emmanuel Vieilly et la jeune Élisa Azé, ils apportent avec fougue ce zeste mélodramatique si nécessaire à l’intrigue qui se dénoue avec éclat, grâce à un scénario astucieux. Heureusement que tout peut se compliquer à souhait ; sans cela, où serait le plaisir ?

Nathalie Gendreau

© Leonard Hamet

 


« Marion Game »
 

 

Distribution

Avec : Marion Game, Geneviève Gil, Virginie Stevenoot, Emmanuel Vieilly, Élisa Azé.

 

Créateurs

Auteur : Sophie Brachet

Mise en scène : Luq Hamet

Décors : Claude Pierson

Construction : Les Ateliers Décors

Musique : Christian Germain

 

Du mardi au dimanche à 17 h 30, 19 h ou 21 heures selon les jours, jusqu’au 30 janvier 2019.

 

Au théâtre Edgar, 58 Boulevard Edgar Quinet, Paris 75014.

 

Durée : 1 h 20.

 

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