“Camille contre Claudel”, deux cœurs pour un hommage ardent

Temps de lecture : 4 min

ÉVÉNEMENT/ACTU

par Nathalie Gendreau

Le 3 avril dernier, au théâtre Côté Cour, Hélène Zidi, l’auteure de “Camille contre Claudel“, a signé le livre de sa pièce qui vient d’être publié aux éditions Dacres, dans la collection Les quinquets de Dacres. Une idée fondatrice attachée aux liens du sang, un angle de traitement original, une écriture fine et intense. Hélène est Camille âgée, sa fille Lola est Camille jeune. Le face-à-face, s’il est troublant et puissant, ne met pas seulement en scène la vie malmenée de l’artiste, il révèle aussi une belle complicité entre une mère et sa fille.


Affiche 2016.

Camille Claudel est un personnage gravé dans la mémoire collective comme une artiste prodigieuse, étouffée par son mentor et amant Auguste Rodin, et comme une femme réduite au dénuement par sa famille. Avec la publication de sa pièce “Camille contre Claudel“, aux éditions Dacres, Hélène Zidi vient rendre justice à cette artiste spoliée, alors même que l’année 2017 célèbre la commémoration du centième anniversaire de la mort de Rodin. Telle une pichenette insolente à l’omnipotence du sculpteur, ce texte qui élève Camille Claudel aux nues de son art va être rejoué cette année au Festival d’Avignon, après un succès remarqué lors de ce même festival, en 2016. Le public pourra y retrouver une Camille dédoublée s’exprimant à deux stades d’une vie chaotique. Pour y parvenir, il fallait deux femmes aux traits ressemblants, à la même énergie créatrice, à la même sensibilité aiguisée. Une mère et sa fille étaient la combinaison idéale pour embrasser une immense artiste à l’aube et au crépuscule de sa destinée.

En septembre 1943, Camille Claudel a soixante-dix-neuf ans. Elle a été internée par sa famille dans un asile psychiatrique. Sa raison déraille, sa déraison dérange, en raison de fâcheux jaloux de son opiniâtreté à se tailler une réputation de sculptrice. Jugée instable et paranoïaque, elle se morfond dans l’incompréhension et l’injustice faite à sa nature passionnée, où la violence des sentiments rivalisait avec l’intensité des émotions. Camille l’aimante était un puits d’amour qui s’est asséché par manque de réciprocité. Et si elle pouvait refaire ce parcours à l’envers, éviter à sa jeunesse de se fourvoyer dans les ornières de la passion tourmentée et de se dégager du regard de l’amant maître et de son attraction ogresse qui la grignote peu à peu. Poussée sans doute par une

Théâtre Côté Cour, où se niche le Laboratoire d’Acteur

fin qu’elle sent proche, Camille rencontre dans ses errements son double à vingt ans, encore exubérante, confiante, pleine de projets et amoureuse de la vie. S’engage alors entre les deux Camille une discussion âpre qui servira à la doyenne à dessiller les yeux de l’innocence, et à la benjamine pétrie d’incrédulité et de certitudes à la contrer sur l’amour, l’art, la solitude, la création, les peurs et les regrets. Deux Camille cheminant l’une vers l’autre, l’une vieillissant, l’autre rajeunissant. Inexorablement. Le destin de la femme en sera-t-il changé ? En tout état de cause, il sera réunifié.

Les yeux d’Hélène Zidi pétillent, la joie est immense, communicative. C’est que l’aventure est belle. Elle n’est pas modelée par la performance ni par une spéculation sur un personnage symbole de la création féminine étranglée. Elle, qui aurait pu être fille de cinéma pour suivre les pas de son père Claude, ne se plaît que sur les planches depuis l’âge de quinze ans. Elle ne vibre que pour les beaux textes qu’elle rend vivants pour un public touché par la sincérité. Metteure en scène, adaptatrice, actrice, elle est aussi directrice de son théâtre Côté Cour, où elle a fondé le Laboratoire d’acteur pour transmettre et révéler des talents comme ceux de sa fille Lola Zidi (actuellement au théâtre Apollo avec “9 mois de bonheur”). “C’est très émouvant de jouer avec Lola, ajoute Hélène, avec la ferveur d’une mère comblée. C’est un très beau cadeau que nous nous sommes fait. Je ne pouvais pas concevoir de jouer avec quelqu’un d’autre.

Hélène et Lola Zidi

Après “Libres sont les papillons” et “La Mouette“, Hélène Zidi renoue donc avec la création en donnant libre court à une écriture polie par l’admiration, puissante et ciselée comme l’âme de Camille Claudel, une artiste qui l’inspire. “Je suis profondément touchée dans mon âme“, confie l’auteure et comédienne. Quand je joue Camille, j’ai l’impression d’être portée par elle. C’est une femme qui s’est battu pour son art, pour son amour envers et contre tout. “Pour tutoyer son modèle, l’auteure s’est immergée dans sa vie, dans les archives pendant un an. Elle l’a respiré au travers de ses œuvres pour en ressortir toute la quintessence et effleurer ce supplément d’art qui a fait de Camille Claudel un être à part.

L’idée du scénario est née d’une question existentielle de l’auteure sur le parcours d’une vie, sur les regrets, les erreurs, les interrogations, les manques, que tout à chacun peut avoir au seuil du repos éternel. Mais aussi sur la volonté de transmettre son expérience à ceux qui démarrent dans ce monde à la rudesse formatrice. À travers Camille contre Claudel, c’est Hélène qui parle à Lola, avec ce langage familier et tactile, propre aux relations fusionnelles. Hélène Zidi décrit “un voyage à l’intérieur de soi-même incroyable” en évoquant le processus d’écriture de sa pièce. Un voyage intérieur qui, heureusement pour le public, est exposé au grand jour pour rendre à Camille ce qui appartient à Camille : la liberté d’une femme intemporelle, une artiste à l’authenticité originelle.


“Camille contre Claudel”, de Hélène Zidi, Dacres éditions, Collection Les Quinquets de Dacres, mars 2017, 65 pages, 10 €.


Pour en savoir plus :
http ://laboratoiredelacteur.com/.
http ://www.dacres.fr/


Article aussi disponible sur Profession Spectacle.


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