“Boston girl”, Anita Diamant

Temps de lecture : 3 min

 

Résumé

Boston Girl, c’est Addie Baum, née en 1900 de parents immigrés polonais, peu préparés et plutôt suspicieux à l’égard de la culture américaine qui tentent d’élever leurs trois filles dans la tradition juive de l’Europe de l’Est. Mais la curiosité et l’intelligence d’Addie la propulse dans un tout autre monde, fait de jupes courtes, de films, de livres et de nouvelles opportunités pour les femmes. Un monde dans lequel une fille termine le lycée, va à l’université, a une carrière et trouve l’amour par elle-même. Le récit commence en 1985, lorsque la petite-fille d’Addie lui demande : ” Comment es-tu devenue la femme que tu es aujourd’hui ? ” Et Addie, alors âgée de 85 ans, entreprend le récit de sa vie, à partir de 1915, année où elle rejoint un groupe de lecture pour filles, découvre sa voie et se fait des amis qui lui permettent de fuir son quotidien. Petit à petit, elle envisage un avenir différent, bien loin de celui de sa famille et ces changements ne se feront pas sans souffrance et sacrifice ; avec en arrière-plan les transformations culturelle et politique de l’époque telles que le mouvement des Suffragettes ou l’entrée en guerre des États-Unis.

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

Avec son dernier roman, Boston girl, Anita Diamant nous immerge dans la période passionnante du début du siècle dernier dans la ville de Boston, aux États-Unis. L’atmosphère y est intimiste, empruntée à la confidence d’une biographie. Addie, une grand-mère pétillante, transmet avec tendresse et honnêteté son histoire de vie à sa petite-fille Ava, alors adulte, qui l’a interrogée sur ce qui a fait d’elle ce qu’elle est. Grande question ! Qui n’a jamais osé la poser à l’un de ses grands-parents ? Difficile de s’imaginer qu’il a été jeune avec des envies et des rêves qui frémissent jusqu’au bout des doigts, prêt à l’imprudence et à la désobéissance pour s’élever dans la société. C’est cet accomplissement que propose l’auteur avec bonheur.

Je ne parlerai pas de la vie d’Addie, la narratrice, la cadette de trois filles d’un couple d’immigrants polonais, juifs, pauvres et à la mémoire chargée d’autrefois révolus. Je ne dirai rien sur son courage tenace pour se sortir de son milieu contre la désapprobation d’une mère persifleuse et haineuse, ni sur ses sœurs et ses amies si chères qui ont éclairé son chemin semé d’embûches, ni sur son mari aimant et engagé dans la lutte contre le travail des enfants. Je préfère laisser Addie vous le narrer avec ses mots et ses émotions. Sachez seulement que, sur son berceau, la fée de l’étude s’était penchée. Addie adore lire. Elle pourra compter sur sa soif d’apprendre et sa vive intelligence pour se frayer un chemin dans cette Amérique qui se méfie autant des juifs que des femmes qui travaillent pour être financièrement indépendantes, que des femmes célibataires et des suffragettes combatives.

L’histoire d’Addie se construit pas à pas, avec des émerveillements et des malheurs, à une époque d’effervescence où le dénuement côtoie la profusion, où les codes changent, où les corsets se délacent, où les inventions révolutionnent le quotidien. Où tout peut être réécrit avec des cartes du destin redistribuées au moment de la Prohibition, de la Grande Dépression et des deux guerres mondiales. Le rêve américain n’est pas une illusion, il est fermement arrimé au cœur et à la sueur des émigrés et chevillé à la réalité des changements en marche. Addie saura faire de ce rêve collectif d’une vie meilleure une réussite individuelle et familiale éclatante.

Ce Boston de la première moitié du XXe siècle, on le perçoit vibrer sous nos doigts. On sent les odeurs de l’indigence et de l’abondance, on entend la cacophonie d’une ville laborieuse. On partage les expériences de la jeune Addie qui découvre la vie et on pénètre ses pensées d’une grande candeur, puis d’une grande maturité. L’écriture élégante et le rythme soutenu forment un style surprenant par sa simplicité, mais d’une efficacité redoutable qui rend attachants les personnages. Quelques mots, concis et évocateurs, suffisent à des descriptions percutantes. Les recherches documentaires sur les personnages influents de l’époque dans le domaine du cinéma, de la presse, de la mode, de la culture rehaussent l’intérêt du livre. La religion juive est abordée avec le prisme de la confrontation des générations, entre celle qui obéit aveuglément aux rites et traditions et celle qui veut s’en affranchir pour s’intégrer et faire siennes les traditions américaines, comme celles de Thanksgiving !

Dans la narration d’Anita Diamant, l’espoir toujours transparaît, l’amour toujours s’impose… On laisse choir la réalité qui tire par la manche pour découvrir de quoi sont faits les lendemains de la sympathique Addie. Personne ne peut lui résister. On devient sa meilleure amie, le temps des 354 pages, et on la suit avec un plaisir non feint, telle une enfant enthousiaste par le récit d’une formidable conteuse. Pour l’histoire captivante, pour l’écriture charmeuse, pour une Addie que l’on voudrait tous pour grand-mère, je recommande Boston girl.

Hugo Roman, mars 2016, 354  pages, 17,95 €.

SP

 

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Pin It on Pinterest