THÉÂTRE & CO
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥♥
Critique éclair
Vous l’aimez sans doute dans « Nos chers voisins », où elle incarne Karine Becker depuis cinq ans, vous l’adorerez dans son deuxième spectacle : « Bien entourée ». Dans l’intimité du Petit Palais des Glaces, où elle se produit les jeudis, vendredis et samedis à 20 heures, Isabelle Vitari ose tout et plus encore. Vous découvrirez si la quadragénaire qu’elle est, épuisée par trois enfants dont une fille ado, est si bien entourée pour sa santé mentale. La comédienne et humoriste, maîtrisant l’art de l’autodérision sur le bout des ongles, offre un spectacle décomplexé et drôle. Ne s’embarrassant pas de la pensée correcte exigée, elle s’amuse littéralement avec les situations et les bons mots masculins conjugués au féminin. Un chat est appelé une chatte sans vulgarité aucune ! Sur un texte pêchu et trash, co-écrit avec le metteur en scène Éric Théobald et Mélusine Laura Raynaud, Isabelle Vitari se livre tout entière et sans manière : en toute confidence, elle nous parle de ses enfants, de son père flic, de sa professeure de danse, de ces septuagénaires et plus qui profitent d’une seconde jeunesse qu’elle nomme « vionesse ». Elle a hâte d’arriver à cet âge pour enfin s’éclater. Dans cette attente, avec « Bien entourée », elle propage sa bonne humeur et une vitalité sans faille.
Résumé
« Le matriarcat c’est comme l’herpès, on l’a en nous et ça ressort on ne sait pas pourquoi ! » À coups de phrases piques et chocs, souvent assassines, Isabelle Vitari se révolte contre la société et ses diktats. Elle pointe les nombreuses contradictions des femmes. Elle explique doctement leurs mécanismes d’autodéfense créés de toutes pièces pour asseoir leur suprématie sur leur pendant masculin. Ainsi on inventerait leur ronflement simplement pour avoir le plaisir consommé de décocher à son homme un coup de coude tout en le culpabilisant. Voyons Isabelle, est-ce sérieux de dévoiler ce secret ? Bah, on lui pardonne facilement tant sa prestation impressionne et son propos sur la famille foisonne. Elle évoque avec une émotion non feinte l’arrivée de ses grands-parents en France, l’amour en protection rapprochée d’un père flic angoissé qui a déployé un plan « Vigipirate » maison jusqu’à ce que ses deux filles, adultes, soient sauvées des pervers. À son tour, Isabelle Vitari, dont elle joue son propre personnage, tentera de protéger ses enfants de leurs penchants génétiques patriarcaux transmis depuis des temps immémoriaux. Ainsi apprend-elle à son fils de quatre ans à devenir un futur « homme idéal », notamment en l’obligeant à tenir la porte à ses copines à la crèche ! Quant à sa fille, elle la veut indépendante et libre, mais galère à s’en faire obéir lorsque Joséphine est prise de fièvre acheteuse ou veut sortir avec ses copines.
Pour approfondir
Comment faire pour être une femme, une amante, une mère accomplie et heureuse à la fois lorsqu’on atteint la quarantaine ? Isabelle Vitari se propose d’y répondre avec un sidérant sens de l’humour, sauvage et imagé, qui ne peut appartenir qu’à… une extra-terrestre. On la savait pétillante et drôle grâce à la série télévisée, on ignorait qu’elle dégageait une puissance scénique étonnante. Mise en valeur par la mise en scène d’Éric Théobald, Isabelle Vitari occupe tout l’espace pour mimer avec brio la faculté réputée multi tâches des femmes : elle aide son mari bricoleur, accouche sa voisine, entretien une conversation houleuse avec la CAF et fait faire une dictée surréaliste à son fils. Tout cela en même temps ! Donnant tout, ne s’épargnant rien, le visage souvent transformé par des mimiques évocatrices, Isabelle Vitari a du pep à revendre et bien du talent. Balançant entre humour et tendresse, elle diffuse les germes de l’émotion qui se répand comme une trainée de poudre. Autour de ce feu de camp intemporel, elle sait créer la surprise par ses sorties directes, sans filet, sans complexe, sans interdit, sans équivoque. La crudité a du bon, surtout quand elle est assaisonnée avec tant d’élégance ! Elle prouve qu’une femme peut proférer des obscénités comme les hommes, mais avec un panache propre à sa condition « délicate ». Si cela, ce n’est pas du sexisme inversé ! Bien joué l’humoriste ! On ne rit jamais mieux de féminisme qu’en se comparant aux hommes.
Nathalie Gendreau
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Distribution
Avec : Isabelle Vitari
Créateurs
Auteurs : Isabelle Vitari, Mélusine Laura Raynaud, Eric Théobald
Metteur en scène : Eric Théobald
Tous les mercredis, jeudis, vendredis, à 20 heures du 10 septembre 2020 au 2 janvier 2021.
Relâche les 7 et 28 novembre 2020.
Au petit Palais des Glaces, 37 rue du Faubourg du Temple, Paris Xe.
Durée : 1 h 20
Journaliste, biographe, auteure et critique culturel, je partage avec vous mes articles et avis. Si vous aimez, abonnez-vous !
J’espérais une bonne nouvelle dans cette rentrée morose dont les sourires ont été bannis.
Et voilà deux bonheurs : le retour de Nathalie Gendreau et un signe de vie du monde du spectacle néanmoins moribond, victime des ukases sanitaires et de la culture intensive de la peur.
Puisse l’avenir proche nous révéler des médecins du corps et de l’âme qui guériront nos plaies infligées par les « Docteurs maboul ».
En attendant je vais m’improviser médecin et prescrire une ordonnance en m’inspirant du conseil de Nathalie Gendreau : courez vite assister à ce spectacle d’Isabelle Vitari. Vous pourrez rire… avec des gens de bonne compagnie.