Beaux livres & co 

Temps de lecture : 6 min

 

Cuisine d’Arménie“, de Corinne & Richard Zarzavatdjian, aux éditions Solar

 

La tradition à la mode du « light », voilà ce que nous proposent les auteurs Corinne et Richard Zarzavatdjian, frère et sœur dans la vie, au travers d’un livre de cuisine arménienne de très belle facture. Avec un nom de famille signifiant « ce qui provient de la terre », les auteurs étaient prédestinés à ne jamais se déraciner de la terre de leurs ancêtres et surtout de leur profession de cultivateurs. Corinne, comédienne et directrice d’une agence événementielle, et Richard, journaliste santé à France Télévisions, se sont plongés avec délice et nostalgie dans les carnets de recettes de leur mère, libérant des souvenirs de repas de fête de leur enfance. Ils ont choisi de mettre en valeur 90 recettes arméniennes, transmises de génération en génération, qui réconcilient l’authenticité de la cuisine d’antan et la légèreté des mets d’aujourd’hui.

Agrémenté d’une préface d’André Manoukian, le livre est un bel objet au graphisme évocateur, donnant une impression de modernité rustique. Beau au regard et sensuel au toucher, l’ouvrage aux illustrations savamment mises en valeur est une séduisante introduction à la cuisine arménienne. Il donne l’envie de feuilleter et d’essayer l’une des recettes ponctuées d’astuces et d’anecdotes personnelles. Et pourquoi pas, pour commencer, le caviar d’aubergine au lait (page 138), qui accompagnera avantageusement des viandes en sauce à la place de simples frites ? Pour ensuite se lancer, période de fêtes oblige, dans la réalisation du gâteau de Noël ? L’anouchabour est un dessert traditionnel à base de blé, synonyme de prospérité en Arménie, et d’abricots, fruit emblématique de ce pays. Cuisine d’Arménie est une incitation au voyage des sens et une promesse de générosité, propre à faire le bonheur de tous les explorateurs du goût. 

(200 pages – 28 euros – octobre 2017)


Callas Confidential“, de Tom Volf, aux éditions de La Martinière

 

Alors qu’on croyait déjà tout savoir sur la Diva, la parution de Callas Confidential redonne sa voix à Maria pour célébrer les quarante ans de sa disparition. L’ouvrage est une invitation exceptionnelle à pénétrer les coulisses de sa vie professionnelle et privée à travers un prisme inédit, elle-même. Il rassemble des photos inédites de la cantatrice issues de ses albums privés, des extraits de sa correspondance et de ses carnets, des entretiens redécouverts où elle évoque sa vie, son art, les scandales qui ont jalonné son parcours. Vous y découvrirez au fil de cinq décennies (de 1920 à 1970) une Callas intime et inédite, une femme émouvante au regard lointain et une artiste en quête d’absolu, qui se confie avec simplicité, de façon informelle au travers d’entretiens qui avaient été perdus. Les lecteurs auront de la belle matière pour percevoir qui était la femme derrière l’icône qui a fait évoluer l’univers rigide de l’opéra par ses prouesses vocales et scéniques, mais aussi qui a défrayé la chronique par ses drames personnels.

L’auteur Tom Volf est un photographe talentueux, jeune et passionné. C’est en janvier 2013 qu’il rencontre la voix de Maria Callas. Comment avait-il pu vivre jusque-là sans l’écouter vraiment ? C’est la question qu’il a dû se poser au regard de l’énergie qu’il a déployée pour découvrir qui était Maria Callas, et surtout quelle femme se cachait derrière la Diva adulée à la voix si extraordinaire. Du néophyte, il est devenu un incollable sur sa vie. Et pour cause, il a passé quatre ans à traverser les continents afin de recueillir les témoignages de ses proches, amis et confidents, notamment Bruna et Ferruccio, qui lui ont ouvert les portes des archives personnelles de la cantatrice. Seulement animé du désir de transmission, Tom Volf s’affirme comme un messager. Il dit avoir voulu ce livre à l’image de Maria Callas. C’est une grande réussite. Assurément.

(240 pages – 45,50 euros – octobre 2017)


Tantra, théologie de l’amour et de la liberté“, d’Éric Chazot et François Guénet, aux éditions Du Rocher 

 

Des corps nus, enlacés, exhibés, enfourchés ; des sexes brandis ou ouverts ; des mains qui invitent, qui caressent, qui fouillent ; des bouchent qui se rencontrent dans un sourire béat. Voilà une intéressante et non moins originale invitation à la spiritualité, à cette quête de la béatitude tant recherchée de nos jours. Dans la vallée de Katmandou, l’acte sexuel orne en profusion les étais des pagodes depuis des temps immémoriaux, nous laissant imaginer que l’obscénité et la spiritualité font bon ménage, voire se confondent. Ces représentations de l’union charnelle, pour l’initié au tantrisme (religion de l’amour et de la liberté), seraient une quête du désir pur d’expérimenter la sexualité pour maîtriser ses pulsions et s’en libérer. La sexualité ne serait donc pas un vice, mais une voie naturelle offerte à l’homme pour s’émanciper de sa condition humaine. Et pourquoi pas côtoyer les dieux ?

Avec son dernier essai, Tantra, théologie de l’amour et de la liberté, l’écrivain Éric Chazot, expert en art himalayen qui a vécu treize ans au Népal, tente de répondre à cette délicate question. Il parvient aisément à nous faire partager sa fascination pour le mystère de l’art érotique des pagodes et ses interrogations sur le rapport existant entre le sexe et le sacré. Il nous offre des clés de compréhension, fruits de plusieurs décennies de recherche sur le terrain, visant à percer le mystère de ces sculptures. Riche d’informations, cet ouvrage exceptionnel est d’autant plus précieux qu’il rassemble des clichés de certaines œuvres et édifices qui n’ont pas résisté au tremblement de terre le 25 avril 2015. Nombre de temples représentés dans ce livre ont été mutilés, voire complètement détruits, comme Maju Deval, Changu Narayan, Bhaktapur…). Nous devons au talent du photojournaliste François Guénet de les admirer avec des photographies époustouflantes de réalisme et de beauté. Cet ouvrage est une très belle entrée en matière de l’art himalayen, qui se regarde, puis qui se lit.

(160 pages – 59 euros – novembre 2016)


Roumains de Paris“, de Louis Monier et Basarab Nicolescu, aux éditions Michel de Maule

 

Ce beau livre, Roumains de Paris, dresse un inventaire culturel original de 43 créateurs roumains, tant les monstres sacrés que les contemporains, qui ont soit vécu en France, soit séjourné à Paris. Ces Roumains qui ont fait la France devaient avoir laissé une empreinte pérenne par leur œuvre. L’ouvrage est né de l’union des talents de deux hommes passionnés. L’un, Louis Monier, amoureux de la littérature et photographe indépendant depuis 1968, collaborateur à divers magazines, comme Le Figaro Littéraire, est portraitiste d’artistes et d’écrivains mondialement connus. L’autre, Basarab Nicolescu, physicien théoricien au CNRS, docteur en sciences physiques de l’université Pierre et Marie Curie, a écrit plus de deux cents articles de réflexion sur le rôle de la science dans la culture contemporaine.

Le photographe aux quinze mille clichés d’écrivains (Samuel Beckett, Louis Aragon, Marguerite Yourcenar ou encore Nina Berberova) est celui qui a réuni sur une même photo les auteurs roumains Cioran, Eliade et Ionesco. Mircea Eliade publiait alors L’épreuve du labyrinthe. Ce jour-là, des dizaines de clichés ont été pris sur la place Fürstenberg, à Paris, près des éditions Belfond, ce même endroit symbolique où les trois amis se sont revus en septembre 1945, après la guerre. Basarab Nicolescu a imaginé cet ouvrage comme un « dialogue entre le regard et la parole », sa motivation profonde étant de consacrer l’amitié franco-roumaine qui s’est constituée, tels deux peuples, de tradition et de cœur, ne faisant qu’un.

(170 pages – 30 euros – septembre 2017)


Les Portes du Temps“, d’Alain Paillou et David Charrier, aux éditions Le troisième Homme

 

Sur un scénario et un dessin d’Alain Paillou et de David Charrier, Les Portes du Temps est une bande dessinée ludique sur le patrimoine gallo-romain de Saintes, en Charente-Maritime, autrefois appelée Mediolanum Santonum. Le lecteur fait connaissance avec Romain et Gaëlle, des adolescents passionnés d’histoire. Intrigués par deux flashes mystérieux qui se sont produits la veille, l’un à l’amphithéâtre et l’autre aux thermes, les deux amis archéo-détectives ont décidé de mener leur enquête. Bravant l’interdit parental, ils font le mur en pleine nuit pour surveiller un autre monument  : l’arc Germanicus. Quelle n’est pas leur surprise lorsqu’un jeune homme du futur, Ronin, les accoste et leur demande de l’aider dans sa mission ! Mais quelle est-elle ? Ils ne le sauront pas, il a déjà disparu dans une lueur aveuglante venue de nulle part. Les voilà projetés au temps des Romains, lorsque le pont de pierre était encore dans l’alignement de l’Arc de Triomphe. Mais arriveront-ils à franchir la Porte du temps dans l’autre sens ?

Ce cinquième et dernier ouvrage que je recommande est un double choix du cœur. En premier lieu, le choix du lieu. Les portes du temps est un projet porté par une ville riche de ses deux mille ans d’histoire, mais surtout la ville de mon enfance. En second lieu, le choix de l’admiration. Outre son graphisme épuré reconnaissable, le dessinateur Alain Paillou sélectionne les thèmes de ses BD sur le volet culturel. Pourfendeur de l’anachronisme, il est aussi minutieux dans son coup de crayon que dans l’exactitude des faits historiques. Ainsi a-t-il publié cette année une BD sur la vie de la Pucelle « Jeanne d’Arc, De feu et de sang », aux éditions Orep. Une façon distrayante d’apprendre et de comprendre l’Histoire de France.

(30 pages – 10 euros – mars 2017)

Nathalie Gendreau

 

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