“Au palais du Ciel”, Rémi Huppert

Temps de lecture : 2 min

 

Résumé

Xiuli, la narratrice, est née à Harbin, ville du nord de la Chine qui possède la singularité d’avoir accueilli, au début du xxe siècle, plusieurs milliers d’immigrés judéo-russes. Après une enfance douloureuse aux côtés de sa mère veuve et de deux sœurs jalouses, Xiuli découvre à la mort de sa mère sa véritable origine paternelle. Dans le contexte tourmenté d’une Chine en mutation (les années qui suivent la Révolution culturelle), l’enfant poursuit à l’âge adulte sa recherche de l’auteur de ses jours. C’est finalement l’amour d’un visiteur étranger, après une longue solitude, qui lui donnera l’élan et la force de mener à son terme une haletante quête personnelle et spirituelle.

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

L’immersion est totale. Rémi Huppert en grand connaisseur de la Chine fait oublier qu’il vient de l’Occident. « Au palais du Ciel » surprend par sa haute tenue historique et son réalisme qui appose sur le récit le sceau de la véracité. Les événements politiques et l’évolution des mœurs accompagnent l’histoire de Xiuli, en l’emprisonnant dans une solitude cruelle jusqu’à l’arrivée de David, un juif exilé en recherche de ses racines et dont elle va s’éprendre.

Avant d’arriver à cette liberté d’être, les épreuves vont égrener les années, les larmes silencieuses vont couler, l’absence va se faire plus lancinante. Xiuli a survécu à une enfance pauvre et grise, entourée d’une mère se tuant à la tâche et de deux sœurs jalouses. Leur père est mort à la guerre. Sans homme, la vie à cette époque est jonchée de dangers dans une Chine en pleine Révolution culturelle. Leur ordinaire est adouci par les cadeaux d’un mystérieux « parrain » qui vient voir la petite Xiuli. Ces visites éclair ne remplacent en rien le manque de figure paternelle qui s’accentue au fil des années, surtout lorsqu’elle apprend que cet homme est son véritable père. Alors, au manque s’ajoute la honte, aggravée par les rumeurs fielleuses des voisins. Elle n’aura de cesse d’attendre des nouvelles de ce père, dont elle espère des retrouvailles, une explication, un geste paternel. Un jour, elle aura le courage d’aller à sa rencontre pour une ultime reconnaissance.

L’auteur dépeint une Chine complexe, aux sentiments à la fois brutaux et délicats. Xiuli est l’image de la femme chinoise telle que l’imaginaire peut l’idéaliser, effacée et respectueuse des conventions. Elle est aux prises avec l’autorité de ses deux sœurs qui en abusent. Elles sont l’archétype des sœurs harpies tirées du conte Cendrillon. Et au milieu naviguent un artiste peintre qui joue « la bonne fée » en la guidant au mieux, un mari musicien absent qui se découvre volage et David, l’étranger qui va l’inciter à aller au bout de sa quête d’identité.

La magie opère progressivement avec cette écriture qui brosse à coups de pinceau, aux couleurs tantôt pastel tantôt vives, les traits délicats de la narratrice, la revêtant d’une aura à la fois évanescente et tangible. L’existence de Xiuli prend vie par tableaux successifs, en pointillisme, épurés, mystiques. Les dialogues quoique minimalistes et semblant emprunter des chemins de traverse vont droit au but. Écriture en mouvement perpétuel, en sensibilité extrême, avec un rapport au temps que le lecteur appréhende une fois acclimaté à ce style dépaysant qui s’ajuste à l’essence des personnages.

Éditions Michel de Maule, mai 2016, 264 pages, 20 €.

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