“Là-haut les anges”, Chris Roy

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“Comme je me régale avec ces réseaux sociaux, comme il est facile de pénétrer la vie des gens ! Je pourrais y passer des heures, en devenant voyeur malgré moi. Quelle impudeur, toutes ces personnes qui s’affichent en toute impunité, sans contrainte, qui passent leurs journées à nous dire où ils se trouvent, avec qui, et si ça “lol” ! Seulement, je suis là, moi, et je fais mon petit marché tranquillement, je jauge, j’étudie, je dissèque, je décortique, je mange et me délecte, et puis pour finir : j’en choisis une, je la punis… ou plutôt non, je la délivre…
Hacker de cœurs d’adolescentes, je me vois comme ça.”

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Là-haut, les anges sont des bienheureux. Ici-bas, ces anges en devenir sont confrontés à la tentation, la dérive, l’impudeur, la superficialité. En tout cas, le prédateur imaginé par Chris Roy dans son thriller “Là-haut les anges“, aux éditions Inspire, y croit et entend y remédier en aidant les jeunes filles, victimes de leur insouciance, à rejoindre le ciel pour les laver de leurs péchés… devenus mortels. Pour parvenir à ses fins, le pédophile utilisera les réseaux sociaux. Pour son premier roman, l’auteure a mis les moyens de son ambition : un récit psychologique prenant, une intrigue policière bien construite, une écriture simple, un rythme mitraillette, une focalisation multiple, un tueur en série qui relate dans un journal ses “missions divines” avec une froide précision et un lyrisme dément. La construction de ce policier n’est pas sans rappeler le troublant roman La mésange et l’ogresse, d’Harold Cobert, sur l’affaire Fourniret, où le lecteur découvre la personnalité de l’épouse du tueur à travers ses pensées.

Sara Lopez est capitaine de police à la Protection des mineurs, elle vient d’intégrer une unité spéciale de cybercriminalité, où travaille Stanislas Varda, un ancien collègue et petit ami occasionnel. Un tueur sévit dans les rues de Paris et de sa banlieue, il n’y a aucune piste. On sait seulement qu’il utilise les réseaux sociaux pour épier ses proies et les attirer dans un piège. Il a les compétences suffisantes pour trafiquer son identité à travers des profils propres à enflammer l’intérêt, et déclencher le rendez-vous. Car, quand ce dernier cap est franchi, c’est le point de non-retour pour ces jeunes filles hyper connectées. Elles ont en moyenne quinze ans, l’âge des contestations, des provocations et des imprudences. Quand elles se précipitent le cœur léger vers leurs rendez-vous, elles n’imaginent pas que c’est le déballage de leur vie intime sur les réseaux sociaux qui a poussé le tueur à les choisir, et non leur joli minois.

Ce thriller est mené sans répit pour les enquêteurs et le lecteur qui les suit pas à pas. Par bonheur, celui-ci les devance un peu grâce aux pensées du tueur, un monstre né d’une humanité outragée. On y croit à ce personnage puissant à l’identité mystérieuse. Sa folie s’exprime et se déploie au fil des meurtres avec méthode et férocité. Sa voix dans la narration ponctue l’enquête en semant des indices qui ne sont là que pour égarer davantage. On ne tourne pas en rond, on avance de meurtre en meurtre dans une enquête qui dénonce et alerte sur les travers de l’hyper connectivité. On y évoque en même temps la fragilité de l’adolescence, l’impuissance des parents à protéger leurs enfants des menaces, l’horreur de perdre un enfant, et la gestion émotionnelle des enquêteurs qui s’impliquent entièrement aux dépens de leur vie privée. “Là-haut les anges” est le reflet sombre d’une société très actuelle, dérivant vers une stratosphère nébuleuse du tout virtuel. Il vient rappeler à nos consciences que le pire n’est jamais loin du meilleur.

 

Les Éditions Inspire, octobre 2017, 342 pages, 20 euros.

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